Repérer et gérer une surinfection - L'Infirmière Libérale Magazine n° 332 du 01/01/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 332 du 01/01/2017

 

Cahier de formation

Savoir faire

Vous suivez Mme R. pour un ulcère de jambe qui évolue bien avec la prise en charge. Elle vous signale que sa plaie sent plus mauvais et qu’elle est aussi plus douloureuse ces jours-ci.

Vous observez que Mme R. ne présente pas de fièvre, de frissons ni d’altération de son état général. Vous lui dites que les symptômes qu’elle décrit pourraient suggérer une infection. Que vous allez regarder sa jambe après le retrait du bandage et du pansement. Et que cette infection est probablement locale et nécessitera dans un premier temps d’adapter le pansement et le lavage de la plaie. Si l’odeur la gêne, il est aussi possible d’ajouter un pansement au charbon.

INFECTION

Précautions

Le respect de la flore

Les bactéries sont présentes à la surface de toute plaie chronique sans que cette présence soit constitutive d’une infection. Lorsque les bactéries s’organisent en biofilms, elles sont particulièrement résistantes aux antibiotiques et aux antiseptiques. La détersion naturelle peut s’accompagner de pus (détersion suppurée), mais ce n’est pas un signe d’infection. Le respect de la flore bactérienne, qui participe à la détersion, contre-indique l’utilisation d’anti-inflammatoires, d’antiseptiques ou d’antibiotiques en l’absence de signes avérés d’infection.

Les antiseptiques

Leur usage systématique n’est pas indiqué sur les plaies chroniques en général. Les antiseptiques sont délétères à la cicatrisation à cause de leur cytotoxicité envers des éléments cellulaires. Ils peuvent provoquer des résistances bactériennes locales. Ils ont aussi des effets allergisants et irritants. Ils ne peuvent être utilisés que sur des temps courts, pendant une phase critique, face à un problème infectieux local identifié par des signes cliniques sur prescription médicale.

Signes cliniques

Les signes cliniques classiques de l’infection sont : abcès, chaleur augmentée, douleur, écoulement important, fièvre, induration, œdème, lymphangite, adénite, odeur, plaie atone, plaie décolorée, pus, résurgence d’une seconde plaie en périphérie, retard de cicatrisation, rougeur, tissu de granulation friable(1). « Dans les cas d’ulcères, les signes classiques ne sont pas toujours présents. L’infection est souvent marquée par une augmentation des exsudats, la stagnation d’une plaie qui évoluait bien jusqu’alors, une plaie atone et une douleur », observe Frédérique Siesse, référente auprès de Cicat-LR.

Écouvillonnage

L’interprétation des prélèvements bactériologiques par écouvillonnage est souvent difficile du fait des germes normalement présents à la surface de tout ulcère et de l’association de plusieurs germes sur le prélèvement rendant difficile l’identification du germe pathogène. La Haute Autorité de santé (HAS) préconise de ne pas réaliser de prélèvements bactériologiques systématiques et de préférer une antibiothérapie probabiliste en cas de signes cliniques d’infection(1).

TRAITEMENT DE L’INFECTION LOCALE

L’infection locale correspond à une colonisation critique, c’est-à-dire à la présence de germes à la surface de la plaie et dans les tissus. Elle se manifeste par un retard de cicatrisation, une augmentation du volume et de la viscosité des exsudats, la présence d’un tissu rouge, friable, qui saigne facilement au contact, une décoloration sur une plaie malodorante et une réaction inflammatoire modérée, sans fièvre ni signes biologiques d’infection. Elle être traitée par le contrôle des exsudats par le lavage, meilleur moyen de diminuer une population bactérienne indésirable, la détersion et le renouvellement plus fréquent des pansements. Des antiseptiques locaux peuvent être utilisés pour prévenir rapidement la survenue d’une surinfection manifeste.

TRAITEMENT DE L’INFECTION GÉNÉRALISÉE

Mécanisme

L’infection locale peut s’étendre aux tissus musculaires et osseux et se généraliser, notamment sous forme de :

→ lymphangite : inflammation des vaisseaux lymphatiques caractérisée par des stries rouges, douloureuses, sous la surface de la peau sur le trajet du vaisseau ;

→ adénopathies : hypertrophie de ganglion (s) lymphatique (s) avec possible fièvre, voire bactériémie ou septicémie.

Signes cliniques/signes locaux et généraux associés

Une interruption du processus de cicatrisation, un écoulement verdâtre, une augmentation de volume des exsudats, une odeur nauséabonde, une augmentation de la douleur locale ou l’apparition de nouvelles douleurs, l’inflammation des bords de la plaie, une élévation de la concentration des plynucléaires neutrophiles, de la protéine C réactive, un érythème, une chaleur périlésionnelle, un changement d’aspect de la plaie, une lymphangite ou une fièvre peuvent évoquer une infection.

Traitement médicamenteux

Il repose sur la prescription d’une antibiothérapie adaptée : antibiotiques systémiques pris par voie orale ou par injection.

Complications graves

L’érysipèle

C’est une infection cutanée due à une bactérie de type streptocoque (plus rarement staphylocoque ou Pseudomonas). L’érysipèle se manifeste par des plaques érythémateuses (la peau devient luisante et rouge), un œdème, des douleurs importantes et des ganglions hypertrophiés. Il est traité par antibiotiques et antalgiques et le patient doit rester alité jusqu’à la disparition de l’inflammation. Une surveillance médicale quotidienne est impérative et une hospitalisation peut être envisagée en cas de complications.

La fasciite nécrosante

Infection qui peut être causée par des streptocoques A et être une évolution d’un érysipèle mal traité. Les symptômes et le traitement sont similaires à ceux de l’érysipèle.

La gangrène gazeuse

Elle survient lors d’une infection des plaies par une famille de bactéries appelée Clostridium ou par certains streptocoques. La zone infectée est gonflée, chaude et douloureuse. Pâle dans un premier temps, elle devient rouge puis bronzée pour devenir vert noirâtre. Cette forme de gangrène se propage très rapidement et peut être rapidement fatale. Les facteurs de risque sont l’athérosclérose, le durcissement des artères, le diabète ou le cancer du côlon. Le traitement combine les antibiotiques à une chirurgie de débridement large des tissus infectés pour empêcher toute propagation ultérieure.

Le tétanos

L’ulcère de jambe est la principale porte d’entrée du tétanos, qui est toujours présent en France. La mise à jour de la vaccination antitétanique est le seul moyen de se protéger du tétanos, maladie grave, souvent mortelle. Chez l’adulte, les rappels sont recommandés tous les dix ans à partir de 65 ans (aux âges fixes de 65, 75, 85 ans, etc.), avec un vaccin DTP : diphtérie, tétanos, poliomyélite.

→ Si la personne est à jour de ses vaccinations : pas d’injection, préciser la date du prochain rappel.

→ Si la personne n’est pas à jour : injection d’immunoglobuline tétanique humaine 250 UI dans un bras et administration d’une dose de vaccin dans l’autre bras(2).

(1) Haute Autorité de santé, “Prise en charge de l’ulcère de jambe à prédominance veineuse hors pansement”, Recommandations pour la pratique clinique, juin 2006, à consulter via bitly/2grKk4F

(2) MesVaccins.net