DÉCISION > Le tribunal de grande instance de Libourne a rendu son verdict dans le litige qui opposait depuis des années le service de soins infirmiers à domicile (Ssiad) de Saint-Savin (Gironde) à un collectif d’Idels.
Le Ssiad de Saint-Savin, l’AMSADHG, est une association loi 1901. Dès sa création en 1993, elle choisit de travailler avec des infirmiers libéraux pour une prise en charge globale des patients. La répartition des soins est alors toujours identique, le Ssiad prend en charge les soins d’hygiène quand les infirmiers libéraux assurent les soins techniques. Cette relation est matérialisée par une convention et cette convention reste la même au fil du temps, y compris pour ceux qui travaillent avec le Ssiad sans l’avoir signée.
Mais, en décembre 2013, le Ssiad décide de salarier des infirmiers et de changer le partenariat avec les libéraux. Il envoie alors un courrier à tous les patients qui bénéficient d’une prise en charge mixte (libéraux et Ssiad) en leur demandant de choisir l’un des intervenants, le silence valant pour choix du Ssiad. Cette demande leur laisse un délai de trois semaines et est distribuée en pleine période de fêtes, ce qui choque les patients et les libéraux. Une fois la répartition faite, le Ssiad prend donc l’intégralité des soins de certains patients et laisse aux libéraux l’intégralité des soins des autres. Choqués par la brutalité du procédé qui rompt avec vingt ans de collaboration sereine, les infirmiers libéraux se réunissent en collectif et prennent un avocat. Ils demandent d’abord un jugement en référé (lire l’actu de notre n° 308 de novembre 2014) qui conclut à son incapacité… à conclure puis ils saisissent le tribunal de grande instance de Libourne.
Le jugement ne porte pas sur la légitimité du Ssiad à changer son mode d’organisation, mais sur la façon dont il a rompu la relation contractuelle qu’il entretenait avec les libéraux ; la juge rappelle d’ailleurs que le Ssiad a la possibilité de rompre ces contrats avec un préavis de trois mois et que c’est bien cette abstention qui constitue sa faute.
D’autre part, en rappelant la notion de “quasi-contrat”, la juge estime que tous les infirmiers libéraux travaillant avec le Ssiad relevaient de cette convention, qu’ils l’aient signée ou pas. La juge estime ainsi qu’en agissant comme il l’a fait, le Ssiad a détourné la patientèle des infirmiers libéraux.
Elle condamne donc le Ssiad à rendre tous les soins techniques aux infirmiers libéraux, c’est-à-dire à se conformer à nouveau à la convention qui les lie ; à des dommages et intérêts de 1 500 euros par infirmier plaignant (soit 39 personnes) ; à les dédommager de 200 euros chacun pour les frais de justice ; enfin à l’exécution provisoire de cette décision, ce qui signifie qu’un éventuel appel, qui pouvait intervenir dans un délai d’un mois, ne serait pas suspensif.
La décision, entièrement favorable à la demande des infirmiers libéraux, est « un triomphe ! » selon Me Monroux, leur avocat. « Ce jugement est une belle œuvre de justice, relève-t-il. Mais, au fond, cela fait trois ans que j’essaie de comprendre la position du Ssiad sans y parvenir : Ils avaient la possibilité de rompre en toute légalité la convention et ils ne l’ont pas fait, pourquoi ? »
Joint par téléphone, le Ssiad de Saint-Savin ne nous a pas répondu à l’heure de notre bouclage.