L'infirmière Libérale Magazine n° 333 du 01/02/2017

 

Santé des Idels

Dossier

Marie Luginsland  

Le bulletin de santé des Idels est-il un sujet tabou ? Le délai de carence en cas d’arrêt de travail, l’absence de médecine du travail ou encore une certaine culture professionnelle conduisent nombre de soignants au soi nié.

Mieux vaut ne pas tomber malade, ni enceinte. » C’est sur cette (demi-) boutade que les Idels abordent le sujet de leur santé. À mots comptés tout d’abord, comme si la pudeur empêchait celles qui se penchent tous les jours au chevet des autres de consacrer le temps d’une réflexion à leur propre corps. Il est vrai que le sujet est pour le moins inédit. Il y a encore peu, la santé des soignants n’était pas, de manière générale, à l’ordre du jour. Jusqu’à ce que des suicides de médecins et d’infirmières réveillent les consciences en 2016. Harcèlement, burn-out, conditions de travail ont été propulsés sur l’avant-scène médiatique et politique. Tandis que le voile se levait peu à peu sur les risques encourus par ces professionnels. Marisol Touraine, ministre de la Santé, s’est emparée du sujet. Le 10 janvier, elle a nommé un médiateur dans le cadre de la stratégie nationale d’amélioration de la qualité de vie au travail des professionnels de santé décidée en décembre. Cette mesure faisait suite au rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) consacré aux risques psychosociaux des personnels médicaux des établissements de santé.

UN EXERCICE TRÈS PHYSIQUE

Mais, à l’heure de notre bouclage, aucune date n’était encore fixée pour l’annonce, prévue initialement en janvier, du volet libéral de la stratégie sur la qualité de vie au travail – elle aura lieu « très prochainement », nous a répondu la ministre fin janvier. C’est à se demander si la santé des libéraux, jusqu’alors non explorée, voire boudée, intéresse les politiques, les sociologues et autres épidémiologistes. Pour autant, les Idels sont autant exposées que leurs consœurs hospitalières aux risques sanitaires. Elles le sont différemment, c’est tout. Chez les professionnels de santé libéraux, les kinésithérapeutes sont sans aucun doute ceux dont les conséquences de la pratique sur la santé coïncident le plus avec celles subies par les Idels. Comme elles, ils sont soumis à de multiples contraintes physiques : manipulation des patients, manutention de matériel, travail en force, gestes répétitifs. Ils peuvent être amenés à utiliser des produits antiseptiques, désinfectants, détergents, crèmes, gels… Ils sont concernés également par les déplacements professionnels, le contact avec le public, les horaires atypiques(1). Mais il n’existe pas d’études chiffrées sur les Idels, ni sur les kinés. La Carpimko, caisse de retraite obligatoire des auxiliaires médicaux et organisme chargé du versement des indemnités journalières en cas de maladie, d’inaptitude ou d’hospitalisation, ne diffuse aucune statistique sur la morbidité de la profession. Tout au plus concède-t-elle à communiquer un “hit parade” des premières causes d’indemnisations : tumeurs malignes, traumatologie, grossesse, rhumatologie, chirurgie orthopédique. Et indique que le nombre d’indemnisations reste stable depuis quelques années. Et ce, alors que les effectifs des Idels ont considérablement augmenté ces dix dernières années(2).

Un tableau aussi bien laconique qu’incomplet alors que les conditions de travail restent délétères pour la santé physique et psychique de ces professionnelles de santé. Comme à l’hôpital, la majorité des risques physiques se rencontrent au lit du patient. Celles qui poussent en moyenne la porte de quarante à cinquante domiciles par jour sont autant de fois confrontées au risque de contagion, surtout en période d’épidémie de grippe et de gastro-entérite. « Je remonte mon châle sur mon nez et j’y vais », rit Charlotte, 47 ans et un rhume par an. D’un tempérament « à ne pas [s]’écouter », cette Idel du Nord affirme avoir la chance d’avoir une bonne santé.

DOULEURS AU COU, AUX ÉPAULES, AU DOS

Leur exposition est d’autant plus importante que les Idels restent peu ou pas informées lorsqu’un patient est porteur d’une bactérie multirésistante, comme l’indique une étude menée en février 2012 par l’Institut de veille sanitaire (InVS, aujourd’hui Santé publique France) auprès d’Idels de Seine-et-Marne(3). « Le manque de communication hôpital-ville conduit à une transmission insuffisante de ces informations essentielles », relève cette étude. Comme leurs consœurs hospitalières, il n’est pas rare que les Idels soient confrontées aux accidents d’exposition au sang (AES) et autres liquides biologiques. Une étude de 2013 de la Fédération nationale infirmière (FNI)(4) établissait ainsi que 62 % des Idels avaient déjà eu un AES au cours de leur carrière. « Alors que, paradoxalement, souligne Philippe Tisserand, président de la FNI, le chantier n’est plus considéré comme prioritaire à l’hôpital. » Comme à l’hôpital également, les Idels sont soumises à la manipulation des patients. À la différence près qu’elles sont seules. Une enquête réalisée par l’institut de sondage LH2 pour la Carpimko en 2008(5) établit ainsi que 40 % des Idels produisaient des forces supérieures à 15 kg (25 kg pour les hommes). Rien d’étonnant donc que ces postures et gestes au lit du malade entraînent chez ces professionnels davantage de douleurs au cou, aux épaules et au dos que chez les autres professionnels libéraux(6) : 29,6 % souffrent du cou et des épaules contre 19 % dans la population témoin, 48,1 % ont des maux de dos quand les autres ne sont que 36,2 % à s’en plaindre. « Vous vous imaginez enceinte de cinq mois à quatre pattes pour changer le pansement d’un patient ? », questionne Marie, jeune Idel exerçant près d’Orléans (Loiret) et mère d’un jeune enfant. Nombreuses sont celles qui refusent de mettre les bas de contention ou, comme Fatima(7), à renoncer d’assurer les soins tant que le patient n’est pas équipé de matériel adapté. « On ne porte pas les patients », déclare catégoriquement cette Idel de Seine-et-Marne qui a appris dès ses études à ménager sa santé, « un bien trop précieux ».

UNE SOUFFRANCE QUI NE SE DIT PAS

Mais les troubles musculo-squelettiques (TMS) ne résultent pas seulement de ces manipulations au lit du patient. Des études font ainsi le lien entre les TMS et le rythme de travail propre aux libérales. Les horaires de travail non réguliers, le travail le week-end et le manque de repos souvent imposé par quinze jours de travail en continu sont autant d’autres facteurs de TMS. Sans compter les trajets en voiture, les montées et les descentes de véhicule, à l’origine d’une usure physique, comme le note un rapport de la Drees(8) qui met également en évidence les risques liés aux escaliers pour les Idels enceintes.

L’étude réalisée par l’institut de sondage LH2 pour la Carpimko pointe également du doigt les risques liés aux déplacements alors qu’il n’est pas rare qu’une Idel parcoure 200 kilomètres en moyenne par jour. En résulte souvent une très grande fatigue, comme en convient Charlotte : « Après 40, voire 45 patients, je suis exténuée. Et encore, on ne prend pas les toilettes ! » Cette fatigue physique en appelle parfois une autre, plus insidieuse, ce que les experts nomment la “fatigue émotionnelle” ou “compassionnelle”(9). Ou encore ce que le Dr Martine Donnet diagnostique comme « le syndrome de stress chronique ». « Il s’agit de la résultante d’une exposition longue (un à cinq ans), répétée et lancinante à des stresseurs, sorte de processus graduel qui va tarauder lentement l’énergie et les ressources personnelles. »(10) Confrontées en permanence à la souffrance et à la mort, des Idels disent leur sentiment d’impuissance face à la maladie. La généralisation de l’hospitalisation à domicile, des soins palliatifs à domicile et bien entendu des chimiothérapies à domicile de patients, parfois jeunes, induisent des contraintes physiques et psychologiques importantes, comme le constate l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des maladies professionnelles et des accidents du travail. L’ensemble de ces nouvelles conditions d’exercice contribuent à accentuer la souffrance psychique des Idels. Elles peuvent avoir du mal à se blinder devant des tumeurs extériorisées, des enfants condamnés par la maladie ou des patients en fin de vie. « Les soirées sont parfois lourdes », avoue pudiquement Marie. La solitude dans laquelle exercent de nombreuses infirmières aggrave le sentiment d’isolement et l’usure psychique. En effet, les chassés-croisés au cabinet sont peu propices aux échanges avec les associés, sans parler du manque voire de l’absence de supervision – relire notre dossier du numéro 314 de mai 2015.

Comme d’autres professionnels de santé libéraux, les Idels sont menacées par le burn-out (lire l’encadré page ci-contre). À noter que le terme de “burn-out” (ou “psychopathologie d’origine professionnelle”) a été utilisé pour la première fois en 1942, pour les infirmières par le physiopathologiste Walter Bradford Cannon(10). Est-il encore nécessaire d’ajouter à ce tableau clinique le sentiment d’insécurité, les violences et l’agressivité dont les Idels peuvent être l’objet ? « Et ce, de manière de plus en plus récurrente et généralisée », estime Philippe Tisserand. Pour autant, davantage encore que sur les problèmes de santé physiques, une lourde omerta règne sur les difficultés psychologiques rencontrées. « Une infirmière dont on sait qu’elle fait un burn-out risque de perdre la confiance de ses patients. Or notre patientèle est la base de notre activité. Les libérales préfèrent donc se taire et se coucher le soir avec leur mal-être », relève de son côté Béatrice Galvan, de l’Organisation nationale des syndicats d’infirmiers libéraux (Onsil).

LIBÉRALES JUSQU’AU BOUT

Difficile d’identifier véritablement la source de cette souffrance psychique. De la pression des familles de patients ou des lourdeurs administratives, on peut se demander ce qui pèse le plus sur le moral des libérales. Mais un fait est certain, la précarité que l’Idel redoute en cas de maladie, de grossesse ou d’accident accentue ces détresses. Cette crainte contribue par ailleurs à reporter la demande d’aide, de prise en charge et de soins. Ce sentiment de précarité tient tout autant à l’essence même de l’exercice libéral – la difficulté de se faire remplacer de manière inopinée – qu’au système de protection sociale.

Comme l’ensemble des professionnels de santé libéraux, l’Idel se voit imposer en cas d’arrêt de travail pour maladie un délai de carence de 90 jours par son régime d’assurance général. Et même si elle parvient à passer ce cap, les indemnités journalières perçues restent insuffisantes. Elle n’a donc d’autre choix que de souscrire une assurance complémentaire prévoyance. Cependant, pour la plupart de ces contrats, l’indemnisation n’est déclenchée que si la pathologie nécessite une hospitalisation. « J’ai supplié l’hôpital pour qu’on me conserve ne serait-ce qu’une nuit, en vain », témoigne Fatima, qui s’est fait récemment opérer du canal carpien avec obligation de repos pendant cinq semaines. Béatrice Galvan, affirmant elle-même avoir été victime des abus de son assurance prévoyance, plaide en faveur d’un contrôle plus strict de ces assureurs.

Rien d’étonnant donc, dans ces conditions, que les cas d’infirmières qui continuent vaille que vaille à assurer leur tournée avec un ongle incarné, un gros rhume ou encore une hernie discale sous-jacente soient pléthore. Tomber malade ou avoir un accident est considéré comme un luxe qu’on ne peut se permettre qu’à condition d’avoir une solide trésorerie ou un conjoint bien rémunéré. Car, tout au long de ces arrêts, les Idels continuent de payer leurs cotisations à l’Urssaf, souvent plus élevées que le montant des indemnités journalières.

« Quatre ans après la naissance de ma fille, je suis toujours en train d’éponger ce trou financier », remarque Myriam(11). Une grossesse pathologique peut alors être vécue comme un cataclysme par une libérale. « Bien sûr, nous percevons des indemnités de congé maternité, une prime au septième mois et une autre à la naissance, mais, au final, c’est une opération blanche », constate Marie. En novembre dernier, Marisol Touraine a tenu à ce que soit instaurée une nouvelle protection maternité dans le projet de financement de la Sécurité sociale pour 2017(12). Mais cette mesure reste limitée aux femmes médecins de secteur 1 et en zones désertifiées. « Les mères, toutes professions confondues, qui suspendent leur activité professionnelle pour l’arrivée d’un enfant, sont confrontées à des pertes de revenus et doivent pouvoir compter sur les mêmes dispositifs de solidarité. Il est inacceptable de faire des groupes entre les professionnelles de santé », déclare Philippe Gaertner, président du Centre national des professions de santé.

Corinne, Idel en Guyane(11), traitée pour un cancer en 2012, a certes bien été exonérée du paiement de ses cotisations pendant cette période, mais la caisse lui a demandé de rembourser une fois qu’elle a repris, en mi-temps thérapeutique, son activité professionnelle. « J’aurais été invalide que cela aurait été plus avantageux financièrement », constate celle qui a mis un certain nombre de mois à régulariser cette situation. Ces contraintes réglementaires incitent beaucoup de professionnelles à nier leurs problèmes de santé et à repousser leurs limites toujours plus loin. À moins que certaines revendications n’aboutissent, comme celles avancées par l’Onsil, à commencer par une réduction significative de la durée de carence à huit jours, rappelle Béatrice Galvan.

LA PRÉVENTION À PETITS PAS

Pour l’heure, isolées, prises par leur charge de travail et le rythme de la tournée, des Idels peuvent en arriver à oublier certains gestes de prévention. Comme le constatait un sondage réalisé en octobre 2012 par Celtipharm pour la FNI, face aux AES, 65 % des Idels ne portent pas de gant, 60 % utilisent du matériel sécurisé mais 19 % seulement de manière permanente, les autres invoquant une question de surcoût. Plus grave encore, 52 % ne connaissent pas la marche à suivre en cas de contact avec le sang. L’InVS, dans son étude de 2012, relève que l’application des précautions standard en matière de prévention des risques liés aux soins réalisés à domicile, notamment les AES, est insuffisante ; de même, les recommandations pour la bonne hygiène des mains sont insuffisamment suivies.

Sans parler de la réticence à se faire vacciner, partagée par l’ensemble des professionnels de santé libéraux, en dépit des recommandations du Haut Conseil de la santé publique. « Les patients nous demandent parfois si nous sommes vaccinées ; je crois que, si j’étais à leur place, je serais aussi vigilante qu’eux », relève Myriam qui voit 35 patients le matin et 25 le soir. Le 11 janvier, le décès de treize pensionnaires d’un Ehpad a relancé le débat sur la vaccination obligatoire des soignants, dont seuls 25 à 30 % sont vaccinés contre la grippe, selon la Direction générale de la santé (lire aussi notre débat pp. 20-21). Pour autant, rien ne garantit à ce stade que cette obligation concerner les libéraux. Pour l’heure, les obligations de vaccination (hépatite B, diphtérie, tétanos, poliomyélite) s’adressent aux étudiants et personnels en établissements.

En matière de prévention pourtant, les choses avancent à petits pas. La FNI a conclu un accord avec la Fédération hospitalière de France « pour qu’en cas d’AES les Idels puissent être prises en charge au sein de l’un de 70 établissements volontaires, dans les quatre heures, et y reçoivent une réponse médicale adaptée », rappelle Philippe Tisserand (lire aussi notre magazine n° 314 de mai 2015).

Au niveau individuel, la prévention commence pour les Idels par prendre leurs précautions dans leur vie privée. « Plus de sports d’hiver, je ne veux pas, ou plutôt je ne peux pas, prendre le risque de me casser une jambe ou un poignet », reconnaît une Idel. Une certaine autocensure à laquelle pense aussi Myriam, adepte des sports de combat. Elle s’est récemment démis l’épaule et a dû s’arrêter une semaine avec, à la clé, « un dossier prévoyance compliqué à remplir ». Mais attention à ne pas voir le seul aspect potentiellement négatif du sport, qui est aussi considéré, à juste titre, comme un moyen de prévention. Charlotte dit « se défouler », « faire le vide » dans l’activité sportive : course à pied, aquabiking… « Cela me ressource, c’est mon équilibre. »

ÉLARGIR AU LIBÉRAL LA MÉDECINE DU TRAVAIL

Pour une meilleure prise en compte de leurs maux, certaines Idels souhaitent disposer d’une médecine du travail. Un vœu relayé lors du sondage de la FNI en 2012 et qui reste d’actualité. « Nous pourrions nous confier », imagine une infirmière, tandis que Béatrice Galvan estime que « ce droit légal pour les salariés devrait être élargi aux libéraux ». « Nous payons des cotisations et ce serait normal qu’on nous octroie une visite au moins tous les deux ans », poursuit-elle. D’autres libérales, en revanche, sont moins catégoriques sur cette revendication : « Tout au plus risquerait-on que le médecin du travail décrète que nous ne sommes plus aptes à exercer ou qu’il nous mette à mi-temps ! » Beaucoup d’Idels en tout cas notent que le suivi sanitaire est bien mieux organisé à l’hôpital, pour la vaccination ou les éventuelles radios du poumon.

En dépit des nombreux aléas qui pèsent sur leur santé, les Idels continuent donc chaque jour leur tournée, contre vents et marées, mues par ce qu’elles appellent « la passion du métier ». Il n’est pas rare qu’en retour, les patients prennent eux aussi soin de leur infirmière, en leur tendant par exemple un parapluie s’il pleut, une anecdote révélatrice rapportée par Corinne.

(1) Travail et sécurité, n° 750, mai 2014.

(2) 109 925 contre 57 800 en 2006. Sources : Insee, recensement de la population, exploitation Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees).

(3) P. Donaghy, C. Greillet, “Enquête sur les pratiques d’infirmiers libéraux de Seine-et-Marne en matière de prévention des risques liés aux soins réalisés à domicile en 2012”, Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 2014. À consulter via le lien raccourci bit.ly/2jmlQ1r

(4) Questionnaire mis en ligne sur le site de la FNI durant trois semaines, d’octobre à novembre 2013, mené auprès de 1 870 Idels, et dont les résultats ont été présentés au cours d’une émission de FNI TV diffusée sur Internet.

(5) Carpimko, “Enquête sur la pénibilité des auxiliaires médicaux”, janvier 2008. À consulter via bit.ly/2jNstIU

(6) Expertise collective de l’Inserm, Stress au travail et santé - Situation chez les indépendants, partie “Troubles musculo-squelettiques”. À consulter via bit.ly/2kso01x

(7) Le prénom a été changé à sa demande.

(8) Alain Vilbrod, Florence Douguet, Le métier d’infirmière libérale, tome 2, avril 2006, Drees.

(9) Zawieja Philippe (dir.), Dictionnaire de la fatigue, éditions Droz, 2015. Lire aussi notre chronique p. 67.

(10) Doctor’s Blues ou le burnout des médecins, Éditions EDP Sciences, 2016. Chronique dans notre numéro de décembre 2016.

(11) Voir aussi les blogs “La petite infirmière dans la prairie” pour Myriam, et “La seringue atomique”, pour Corinne.

(12) Article 43. Soit 3 000 euros pendant trois mois.

Témoignez !

• En pages centrales de ce numéro, retrouvez un questionnaire national inédit sur les conditions de travail des Idels. Remplissez-le pour faire progresser le savoir sur le sujet !

Dispositif
PRISE EN CHARGE DU BURN-OUT

Pour les Idels également

Longtemps taboue, puis traitée de manière régionale ou corporatiste, la souffrance psychique des professionnels de santé est enfin prise en charge de manière globale et sur l’ensemble du territoire. Depuis novembre, un numéro vert gratuit (0805 23 23 36) leur est réservé grâce à l’action de l’association Soins aux professionnels de santé (SPS). Une enquête menée préalablement a permis de faire le diagnostic des besoins spécifiques aux soignants. Désormais, un psychologue est à leur écoute et une orientation est, au besoin, proposée vers l’un des dix centres d’accueil spécifique répertoriés sur l’ensemble du territoire et dédiés uniquement aux professionnels de santé. En un peu plus d’un mois de fonctionnement, le service a reçu 220 appels, dont 40 % de libéraux, les infirmiers, aides-soignants, médecins et pharmaciens étant les professions les plus représentées. Ce “succès” n’a rien d’étonnant car l’enquête* menée pour SPS par l’institut Stéthos en automne 2016 avait fait apparaître que, sur les 491 infirmiers répondants (52 % de libéraux), la quasi-totalité, hospitaliers comme libéraux, avouaient ne pas connaître d’association engagée contre la souffrance psychologique, ni même un numéro d’écoute dédié. De même, ils étaient les professionnels de santé à pouvoir consacrer le plus de jours « à se soigner sans travailler », soit 36 jours. Ils étaient également les plus nombreux (62 %) à estimer que leur souffrance psychologique puisse mettre en danger la vie du patient.

* “Vulnérabilité des professionnels de sante”, à consulter via le lien raccourci bit.ly/2jp7sWr

Interview : Frédérique Debout Psychologue clinicienne et chercheuse*

Penser son travail

Les Idels ont-elles, selon vous, un autre rapport à leur santé que les autres professions ?

De manière générale, hospitalières comme libérales, les infirmières ne peuvent nier leur propre corps, ni la souffrance qu’elles ressentent, si elles veulent faire un travail de soin de qualité.

Pour autant, le monde du travail – et pas seulement à l’hôpital – s’est durci, obligeant souvent les Idels à aller au-delà des limites du supportable.

Les mutations des organisations de travail de santé contemporaines ont contribué à “casser les collectifs”. Il est devenu plus difficile aux soignants de se reposer sur des collectifs de travail soutenant pour construire et entretenir des stratégies défensives collectives. Les Idels sont elles aussi soumises à ces mutations parce qu’elles dépendent in fine du même système privilégiant le rendement. Toutefois, des pistes méritent d’être explorées : les maisons de santé pourraient peut-être offrir un cadre pour repenser la coopération dans le travail pour les Idels ?

Quels risques entraîne la précarisation des Idels engendrée par leur système de couverture sociale ?

Quand les contraintes économiques se resserrent, il devient plus compliqué de prendre du recul, de lever le “nez du guidon” pour penser son travail. C’est pourtant un levier très important dans la préservation de la santé au travail. Par ailleurs, la précarisation est également en cause dans la déstructuration de la coopération, des liens de solidarité dans le travail, et donc a des conséquences sérieuses sur la santé des travailleurs.

* Ses recherches portent sur la question du travail de soin, la psychiatrie et le genre à partir d’une perspective psychanalytique. Elle est également auteure de plusieurs articles sur le sujet.

Analyse
ASSURANCE

Rendre la couverture accident du travail obligatoire

À l’approche des négociations conventionnelles, la FNI, qui avait par ailleurs inscrit la réduction du délai de carence de 90 à 60?jours au rang de ses revendications, s’apprête à mettre le dossier des accidents de travail sur la table. Un sujet à part entière, selon Philippe Tisserand, président de la FNI. « L’Assurance maladie propose une souscription volontaire, mais nombre d’Idels n’en sont pas informées. L’idée serait d’inscrire cette assurance dans le champ de l’obligatoire », déclare-t-il. Cependant, selon lui, cette évolution ne serait pas suffisante. Encore faudrait-il simplifier les démarches des déclarations d’accidents alors qu’il n’existe pas actuellement de formulaires propres aux Idels, celles-ci se voyant imposer le formulaire des salariées. De plus, les délais d’indemnisation devraient être réduits, exige-t-il, jugeant innaceptable le traitement de cas d’Idels victimes d’accident d’exposition au sang qui se transforment « en véritables parcours du combattant ».

Et ailleurs ?

2017, année de la santé des IDE (américaines)

• Leur association professionnelle a décrété 2017 année de la santé des 3,6 millions de “nurses” que compte le pays. Une infirmière en bonne santé est celle qui sait créer et maintenir un équilibre et une synergie avec son bien-être physique, intellectuel, émotionnel, social, spirituel, personnel. Telle est la définition ambitieuse que donne, de la santé, l’Association des infirmières américaines (American nurses association). Pour inscrire ainsi la santé des infirmières à l’agenda 2017, elle décline un programme d’accompagnement en ligne, mois par mois (management du stress, arrêt du tabac, nutrition, sommeil, vaccination, santé mentale, santé de la peau, prévention du cancer et des maladies cardiovasculaires…). Les infirmières sont également invitées à partager leurs expériences avec leurs consœurs via Facebook et Twitter, créant ainsi une nouvelle communauté autour de leur santé.

De l’autre côté de l’Atlantique, les infirmières conservent aussi leur sens du devoir car ce challenge pour « une infirmière en bonne santé » est aussi celui pour « une nation en bonne santé » : « Healthy Nurse, Healthy Nation ».