Grippe
Le débat
Le président de l’Ordre national des infirmiers y voit une piste à explorer, celuides médecins y est favorable, le directeur général de la Santé soulève le sujet. La sévérité de la grippe saisonnière relance le débat sur l’obligation vaccinale contre le virus pour les professionnels de santé, inscrite dans la loi (pour ceux exerçant en établissements) mais suspendue en 2006.
Qu’entend-on par “bonnes pratiques” ? Se laver les mains trente secondes et autant de fois que nécessaire, porter un masque quand on tousse ou s’arrêter de travailler dès les premiers symptômes ? Les bonnes pratiques ne sont qu’une mesure complémentaire à la vaccination. Par ailleurs, certains soignants ont de grandes difficultés, suivant leur lieu d’exercice, pour les mettre en œuvre efficacement. Sur le caractère obligatoire de la vaccination des professionnels de santé, il faudra y venir, au moins sur le temps d’une action de santé publique, avec une mise en œuvre envisageable durant trois à cinq ans. Mais la mesure risque de s’opposer à de fortes réticences.
La vaccination n’est pas efficace à 100 % et l’est beaucoup moins chez les personnes âgées, qui développent une immunosénescence. De fait, vacciner les professionnels de santé tout en continuant à vacciner les personnes âgées limiterait, très fortement, la diffusion du virus, notamment au sein de structures comme les Ehpad. Et c’est une chaîne sans fin, car les personnes âgées grippées ou développant des complications sont envoyées à l’hôpital où l’on a le même problème : professionnels malades, hôpitaux saturés à cause de l’afflux de malades.
Bien sûr ! D’ailleurs, il n’est pas inscrit dans la loi que vous devez vous laver les mains et utiliser les solutions hydro-alcooliques ; pourtant les IDE le font. Aucun soignant ne refuse de se laver les mains parce que cela lui provoque des crevasses et qu’il refuse d’engraisser l’industrie du savon… Pourtant, on a ce type de propos au sujet de la vaccination. La vaccination est un outil simple, efficace dans 50 à 90 % des cas suivant les vaccins, et qui permet de protéger les autres et soi-même. La grippe tue chaque année de 10 000 à 18 000 personnes. Si les professionnels ne se saisissent pas de ce problème, nous serons soumis l’année prochaine aux mêmes difficultés.
Aucune étude n’a été faite sur cette réticence. Il faut donc se garder de faire de positionnements individuels une généralité. Cela dit, on peut aussi comprendre la méfiance des citoyens, professionnels de santé ou non, vis-à-vis de la vaccination. Par exemple, les adjuvants utilisés dans les vaccins font régulièrement débat.
On peut aussi s’étonner que des préparations vaccinales commercialisées en pharmacie, dont certaines sont obligatoires comme le DT-Polio, n’offrent d’autre choix que de se faire vacciner pour plusieurs autres maladies en même temps alors que cela ne se justifie en rien. Enfin, on peut tout à fait entendre que des professionnels de santé préfèrent recourir à des mesures de prévention individuelles. Mais ces professionnels, et singulièrement les IDE, ont conscience de leurs responsabilités pour protéger la population.
Sans remettre en question la nécessité et les bienfaits incontestablement reconnus de la vaccination, je ne suis pas sûre que l’obligation soit la solution. Si faiblesse de la couverture vaccinale antigrippale chez les infirmières il y a, je doute qu’elles soient à elles seules l’unique raison de la sévérité de l’épidémie cette année. Par ailleurs, une vaccination obligatoire supposerait des mesures de contrôle : comment vont-elles être faites, par qui et avec quelle sanction en cas de défaut de vaccination ? Il faut raison garder avant de décréter tout dispositif radical en la matière.
La grippe concerne avant tout les personnes fragiles : il serait plus efficace d’axer la promotion vaccinale en direction des personnes à risque. Le rôle des IDE pourrait d’ailleurs être plus important et élargi en matière de vaccination. Les IDE peuvent être vecteur du virus, mais, dès lors qu’elles ont affaire à une population certes fragile mais vaccinée, le risque serait fortement minoré. Il faut davantage voir les infirmières comme des préventeurs que comme des agents de contamination. Le libre choix doit être la règle et l’obligation rester l’exception.