Fabrice Midal, fondateur de l’École occidentale de méditation (Paris)
La vie des autres
Fabrice Midal a rencontré la musique avant de découvrir, par hasard, à l’âge de 21 ans, la méditation. Conscient de l’apport considérable de cette pratique pour une société moderne qu’il juge “déshumanisée”, il en a fait, au fil des ans, son cheval de bataille.
«J’étais mauvais élève à l’école, j’avais l’impression de ne rien comprendre au monde qui m’entourait, ce qui me semblait important était de trouver quelque chose qui soit vraiment vivant, qui ait une vraie intensité de vie », confie Fabrice Midal. Auteur de nombreux ouvrages, philosophe et éditeur de profession, l’un des pionniers de la transmission de la méditation laïque en France a grandi dans un milieu modeste. « À la maison, il n’y avait aucun livre. » Sa première rencontre dans la quête de cette intensité de vie fut la musique, à 13 ans, « mon parrain m’avait invité à un concert de musique classique ». Dès lors, il dépense son argent de poche en disques et ne cessera de se forger une solide connaissance de cet art subtil.
Adulte, Fabrice étudie, notamment la philosophie, mais demeure insatisfait. Jusqu’au jour où il essaie, par « le plus grand des hasards », la méditation. Il a 21 ans. « J’ai médité et, pour la première fois de ma vie, je n’ai rien eu à faire, à réussir, je n’étais plus jugé. Cela a été pour moi une profonde libération, j’ai senti tout de suite que j’avais trouvé ma maison. » Fabrice se forme pendant une dizaine d’années, auprès de Francisco Varela, éminent neuroscientifique qui œuvrera avec le dalaï-lama à la fondation du Mind and life Institute
« Heureux » en Occident, où il vit et apprécie la culture et la richesse de la musique (entre autres arts) et de la philosophie, qu’il a longuement étudiées, Fabrice fonde sur ces bases l’École occidentale de méditation, dès 2006. Il y aborde la méditation en l’intégrant au mode de vie actuel, sans nier « un grand respect pour le bouddhisme », dont les fondamentaux sont enseignés aux intéressés. La méditation commence ainsi à se développer en France, mais « j’étais un peu gêné par la façon dont elle était instrumentalisée : il fallait méditer pour être calme, moins stressé… Non pas que la méditation n’apporte pas cela, mais ceci m’est apparu comme une injonction de plus qui nous étouffe. Pour moi, le problème majeur de notre temps est la dictature de la rentabilité. En considérant tout en ce qu’il est ou non rentable, on rate la possibilité d’une présence, un acte gratuit ». Fabrice tient d’ailleurs à permettre l’accès à cet outil au plus grand nombre. Bénévole comme les autres enseignants de l’école, il développe actuellement les méditations gratuites en ligne.
« Nos arrières-grands-parents pouvaient rester des heures devant la cheminée ; il faut réapprendre cette capacité à juste être présent. » Car la méditation, telle que Fabrice l’enseigne, consiste à être présent, et, quand on sort de cette présence, à y revenir. « Ce n’est pas s’évader mais, au contraire, être solidement ouvert à ce qui est. Cela nous met en rapport à nos propres ressources, notre force, pour répondre aux situations de la vie, faire le mieux possible, tout en ayant des émotions, en étant fragile… » Et retrouver la simplicité de la relation, entre autres. Il raconte volontiers comment son neveu, angoissé à l’idée de changer de maîtresse, s’est senti mieux. « Je me suis assis à côté de lui, ai posé ma main sur sa tête, dit quelques phrases simples. J’étais juste présent et bienveillant… » Rien de magique. « Lors de mes conférences et à l’école, j’ai rencontré de nombreux soignants et constaté comment, avec la technicité, certains perdaient cette perspective centrale du métier qu’est la rencontre. » Et de souligner l’importance de se réaliser dans son métier, en retrouvant, justement, cette présence.
De ses années d’expérience, Fabrice Midal a tiré une conclusion simple, qui l’a amené à écrire son dernier ouvrage : Foutez-vous la paix ! et commencez à vivre (Flammarion, 2017). C’est sa réponse à toutes les injonctions - obéir, être sage, parfait, conscient… -, méditer. « C’est surtout un acte de tous les moments qui consiste en une forme d’attention et de bienveillance, en dehors de tout jugement. » Dès lors, le rapport aux autres et au monde change, « à la maladie aussi, c’est pourquoi la méditation peut accompagner un changement thérapeutique… ».
* Organisme de recherche pour l’intégration des sciences aux traditions de sagesse et pratique contemplative du bouddhisme.
« J’ai rencontré plutôt des infirmières hospitalières, qui subissent beaucoup de pression, travaillent avec plus de technicité, ce qui les éloigne du relationnel et les empêche parfois de faire ce pourquoi elles ont choisi ce métier. Le rôle des Idels auprès des patients est vraiment central dans une société qui perd le sens des relations humaines… et qui fait que les gens sont de plus en plus isolés. L’infirmier doit, il me semble, se protéger de l’intensité émotionnelle, il peut être bouleversé, submergé par l’empathie. La méditation permet d’être présent sans être submergé : l’important n’est pas de sentir ce que l’autre sent, mais d’être avec lui, dans la bienveillance, ce qui est différent. Il y a selon moi une fausse compréhension de la distance thérapeutique. »
L’école
* Plus d’infos sur ecole-occidentale-meditation.com - 53, rue Raymond-Losserand - 75014 Paris.