BUZZ > C’est dans un contexte d’épidémie de grippe saisonnière qu’une interne-urgentiste à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a décidé d’interpeller la ministre de la Santé. Dans sa vidéo publiée le 11 janvier et visionnée plus de 11,5 millions de fois, elle dénonce le manque de moyens au sein des hôpitaux publics. Décryptage.
Bonsoir madame Touraine, c’est encore moi, c’est l’interne, lance en guise d’introduction Sabrina Ali Benali dans une vidéo sur sa page Facebook. Juste une petite question, c’est quoi cette grosse blague ? », interpelle le médecin, tenant dans les mains la Une du journal Le Parisien avec en gros titre “Grippe, l’état d’urgence”. « Madame Touraine demande à ce qu’on repousse les opérations non urgentes pour ouvrir des lits à l’hôpital, énonce Sabrina Ali Benali en faisant référence à la décision prise par la ministre pour faire face à l’épidémie de grippe saisonnière. Mais c’est tous les jours l’état d’urgence à l’hôpital madame Touraine ! »
Difficile pour Sabrina Ali Benali de laisser passer ce qu’elle considère comme étant une « bonne opération de communication » de Marisol Touraine. Elle entreprend alors de décrire à la ministre, non sans émotion, sa journée aux urgences, avec tout d’abord la prise en charge d’une patiente de 75 ans qui s’est présentée avec une insuffisance cardiaque assez sévère, nécessitant un transfert urgent. « J’ai appelé onze hôpitaux de l’Île-de-France et pas un n’avait un lit disponible pour la recevoir », explique-t-elle, déconfite. Plus tard, dans sa journée, appelée en gériatrie, elle débute un massage cardiaque sur un patient, « jusqu’à ce qu’on s’aperçoive qu’il ne voulait pas de réanimation », raconte-t-elle. Pourquoi les professionnels hospitaliers ne connaissaient-ils pas les volontés de ce patient ? Face au manque de personnels, l’interne explique que les hôpitaux ont recours à des vacataires « qui ne connaissent pas bien les patients ». Sabrina Ali Benali se retrouve ensuite face à un patient gisant au sol. Elle apprend alors de la bouche de l’infirmière que cette dernière est toute seule pour prendre en charge 26 malades et qu’elle n’a pas vu le patient tomber. « Je voulais juste vous expliquer ce que c’était votre politique en vrai, madame Touraine, pas dans les chiffres et les grands tableaux Excel […] mais ce que cela représente en vrai. »
Le succès de cette vidéo n’a pas laissé les instances indifférentes. C’est au micro de France Inter, dans l’émission “Le Téléphone Sonne”, que la réponse est venue, non pas du cabinet de la ministre, mais de Martin Hirsch, directeur général de l’AP-HP. Ce dernier a affirmé que Sabrina Ali Benali n’était pas interne des hôpitaux de Paris mais qu’elle travaillait dans un hôpital privé à but non lucratif. Il a également remis en cause ses propos du fait qu’elle soit co-responsable de la commission santé du Parti de gauche – une fonction dont elle ne s’est jamais cachée. Il n’en fallait pas moins pour que la jeune femme riposte dans une autre vidéo publiée le 18 janvier.
« Le vent se lève et on dérange apparemment », soutient-elle, touchée par ces accusations, sa fiche de salaire de l’AP-HP dans les mains – sa paie est en effet assurée par le bureau des internes de l’AP-HP, avec laquelle son actuel établissement est conventionné.
Dernière vidéo publiée en date du 20 janvier : l’interne se trouve aux côtés de trois urgentistes de renom, Patrick Pelloux, Christophe Prudhomme et Gérald Kierzek, décidés à apporter à Sabrina Ali Benali tout leur soutien en assurant que ses propos reflètent malheureusement bien la réalité du secteur public hospitalier…