L'infirmière Libérale Magazine n° 334 du 01/03/2017

 

Émilie Mazade, infirmière coordonnatrice chez un prestataire à Cornebarrieu (Haute-Garonne)

La vie des autres

Sophie Magadoux  

Ex-infirmière hospitalière, Émilie Mazade travaille aujourd’hui pour un prestataire de santé à domicile. À ce poste, qui requiert technicité et autonomie, elle entend intervenir en soutien direct des Idels et faciliter les relations entre équipes hospitalières et professionnels de ville.

En janvier 2016, l’infirmière Émilie Mazade met pour la première fois les pieds chez un prestataire de santé à domicile. Aujourd’hui, elle est tout à son aise dans la société Accord médical pour laquelle elle travaille. Il est onze heures et, comme souvent, un coup de fil l’oblige à revoir son planning de la journée : elle doit partir en urgence du siège de la société à Cornebarrieu, en banlieue ouest de Toulouse, pour se rendre à Castelnaudary, à une heure de route en direction de Carcassonne. Chaque semaine, elle parcourt environ mille kilomètres. « Un patient en soins palliatifs, chez qui j’ai installé une hyper-alimentation parentérale et une pompe à morphine, doit être réhospitalisé le plus rapidement possible. Il faut que j’aille sur place pour prendre le relais de l’infirmière libérale qui doit continuer sa tournée », explique cette infirmière coordonnatrice – une fonction nommée ailleurs “infirmière conseil”.

« Disposer d’une très grande autonomie »

Fin 2015, après douze ans d’exercice en milieu hospitalier, dont un de réanimation en service de chirurgie digestive, cinq en salle de réveil et six au bloc opératoire, Émilie veut goûter à autre chose. Elle hésite à devenir infirmière anesthésiste ou libérale. « Je me suis inscrite dans une agence de recrutement paramédical, le temps de me décider », dit-elle. Très vite, l’agence lui propose le poste qu’elle occupe actuellement. « Le jour de l’entretien d’embauche, je ne connaissais rien à ce domaine. » Elle y découvre le moyen d’exploiter ses compétences techniques et la possibilité de « conserver le travail d’équipe », mais aussi de « disposer d’une très grande autonomie » et « de récupérer le relationnel avec le patient », même si elle ne réalise plus aucun soin. Une révélation pour Émilie qui sort du bloc opératoire. La voilà dotée d’une vision complète du parcours du patient.

Formatrice en cabinet infirmier

À présent, contactée par les services hospitaliers ou les patients eux-mêmes, voire les Idels, « j’assure une passerelle entre l’hôpital et la ville, pour faciliter la continuité des protocoles de soins, permettre une prise en charge globale et veiller à garder le patient au centre du dispositif », explique Émilie.

Pendant plusieurs mois, elle est d’abord intervenue en doublon d’une infirmière coordonnatrice plus expérimentée. Côté technique, un délégué médical l’a formée au matériel du domicile. Car, « si les pompes, diffuseurs et autres dispositifs n’avaient pas de secret pour moi, ce ne sont pas les mêmes. Et comme le matériel évolue rapidement, je mets régulièrement à jour mes connaissances et les complète sur les thèmes récurrents du domicile – plaies et cicatrisation, nutrition et oncologie, stomathérapie et sondages », précise-t-elle. En effet, pour soutenir des consœurs libérales, mieux vaut dominer son sujet. « Je n’ai pas fait toutes ses études pour amener des cartons », lance la professionnelle. Toutefois, la formation reste une proposition. Elle s’organise au cabinet, « de façon à former toutes les Idels, loin du patient, sur un créneau qui les arrange, entre leur tournée du matin et celle du soir ». Une formation en présence du patient « serait délétère, pour lui car il pourrait perdre confiance dans son Idel, et pour moi, car il risquerait de m’appeler pour un oui pour un non », dit Émilie, attentive à préserver l’esprit d’équipe. « Je suis souvent au téléphone avec les Idels pour connaître leurs besoins, suivre l’état du patient, etc. », insiste l’infirmière coordonnatrice, qui travaille au maximum avec cinq ou six cabinets à la fois.

« Libérer les Idels des tâches satellites »

Son rôle : envoyer des e-mails de suivi au médecin, garantir la conformité de la prescription, passer à la pharmacie, prendre un rendez-vous en urgence pour changer un protocole, faire intervenir un réseau douleur ou attendre le samu, etc. « En plus de l’astreinte technique, mon rôle est de libérer les Idels de toutes les tâches satellites au soin et qu’elles puissent se concentrer sur leur cœur de métier. De toute façon, elles restent le pivot du domicile, puisque je ne fais rien sans les consulter. Au départ, le patient ne me connaît pas », explique Émilie. Côté prescripteur, elle entend aussi simplifier les rouages. En amont d’une hospitalisation, il arrive qu’elle soit mandatée pour expliquer au patient les étapes à venir, en quoi consiste la chirurgie ou le traitement. « Les prescripteurs se trouvent moins sollicités et leurs patients récupèrent mieux, car moins anxieux. » C’est ce qu’elle constate depuis qu’elle assume aussi une fonction de responsable de pôle : « Je fais connaître ma structure auprès des services hospitaliers et des prescripteurs. Quand on y croit… »

Elle dit de vous !

« Je suis en relation quotidienne avec les libérales : ce sont elles qui interviennent à domicile auprès du patient pour lequel j’ai pris en charge la coordination entre l’hôpital et le domicile. Ce sont les utilisatrices du matériel que j’installe et auquel je les forme si nécessaire. Certaines craignent que je marche sur leurs plates-bandes ; alors que, pour moi, nous sommes totalement complémentaires, nous travaillons en équipe. D’ailleurs, j’aurais beaucoup de mal à assumer leur travail, comme les soins de nursing, ou la quotidienneté de la prise en charge. J’admire leur grande capacité d’adaptation et de patience. Ainsi, parfois, elles doivent exercer dans un contexte très éloigné du milieu stérile. Je me souviens d’une dame refusant d’être séparée de son animal de compagnie. L’infirmière a fait en sorte d’entretenir une voie centrale au bras droit tandis que la patiente caressait son chien du côté gauche. »

PRISE EN CHARGE À DOMICILE

Les prestataires de santé recrutent…

Selon la Fédération des prestataires de santé à domicile (PSAD), un million et demi de personnes bénéficient en France de services de santé à domicile. Ces entreprises proposent prestations, matériels pour les soins et l’équipement du domicile, aides à la mobilité (fauteuils roulants…), dispositifs pour prévenir les escarres… 800 à 1 000 infirmières – la profession de santé largement la plus représentée – interviennent au sein de ces prestataires, principalement dans le domaine du respiratoire, de la perfusion ou encore du diabète. En raison du nombre croissant de prises en charge complexes, le secteur des PSAD (privé ou associatif) recrute. La formation est généralement réalisée en interne, pour des professionnels de santé diplômés ayant déjà exercé dans le soin. Les qualités demandées : rigueur (en termes de qualité et de sécurité), technicité, pédagogie et sens du service.