L'infirmière Libérale Magazine n° 334 du 01/03/2017

 

Cahier de formation

Savoir

La sexualité est présente quotidiennement dans les soins infirmiers et dans les relations avec les patients, au détour de chaque geste, de chaque mouvement ou échange de mots. Elle se situe de plain-pied dans le domaine de la morale, de la subjectivité et de l’éthique. La sexualité est une thématique qui suscite des controverses liées à son histoire et qui divisent les groupes humains et les personnes.

DE LA SEXUALITÉ À LA SANTÉ SEXUELLE

Points de repères historiques

Le terme “sexualité” est apparu dans le monde occidental (France / Angleterre) en 1838 (d’après le Trésor de la Langue française), en plein cœur de la modernisation industrielle. À cette époque, il s’inscrit dans le registre de la biologie, désigne « le caractère de ce qui est sexué, l’ensemble des caractères propres à chaque sexe » et renvoie à la génitalité et à la vie reproductive. Cette définition biologique de l’instinct sexuel définit la normalité sexuelle, opposée à toutes les autres formes d’activités érotiques à visée non reproductive qui sont dès lors considérées comme des “perversions sexuelles”.

C’est à partir du début des années 1920 et sous l’influence de la psychanalyse que l’on commence à considérer la sexualité comme « l’ensemble des comportements relatifs à l’instinct sexuel et à sa satisfaction (qu’ils soient ou non liés à la génitalité) ». C’est la recherche de la satisfaction et l’obtention du plaisir qui deviennent les composantes principales de la sexualité. Les rapports Kinsey publiés en 1948 et 1953(1) ont renouvelé fondamentalement la conception de la sexualité en consacrant la “fonction de l’orgasme” comme la principale finalité du comportement sexuel. La reconnaissance de la centralité de l’orgasme associée à la possibilité de dissocier efficacement la vie érotique de la fonction reproductive – offerte par la découverte et la diffusion de la pilule – constitue la “révolution sexuelle” des années 1960.

Une nouvelle époque s’amorce au début des années 1990 avec l’instauration du consentement comme valeur centrale d’une relation sexuelle à la fois saine et égalitaire. En témoignent la fin de l’obligation contractuelle des relations sexuelles au sein du mariage et la nécessité de l’obtention d’un consentement à chaque activité sexuelle.

L’arrivée du Viagra (sildénafil) marque la reconnaissance de la possibilité de l’activité sexuelle dans le contexte du vieillissement et des maladies chroniques. L’accomplissement de la fonction sexuelle devient un marqueur central de la “santé sexuelle” et de la “qualité de vie”.

Enfin, plus récemment, on assiste à la reconnaissance de la diversité et de la fluidité des identités de genre. Une loi votée en juin 2016 par le Parlement français consacre la “démédicalisation” des troubles de l’identité de genre et du transsexualisme et autorise le changement d’état-civil sans obligation d’effectuer des opérations de « chirurgie de réassignation sexuelle ».

Invention de la santé sexuelle

La “santé sexuelle” entre dans le canevas du concept de santé, conçu dès 1946 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, et [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ».

Voici la définition qu’en donne l’OMS en 2002 : « La santé sexuelle est un état de bien-être physique, émotionnel, mental et social associé à la sexualité. Elle ne consiste pas uniquement en l’absence de maladie, de dysfonction ou d’infirmité. La santé sexuelle a besoin d’une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles, et la possibilité d’avoir des expériences sexuelles qui apportent du plaisir en toute sécurité et sans contraintes, discrimination ou violence. Afin d’atteindre et de maintenir la santé sexuelle, les droits sexuels de toutes les personnes doivent être respectés, protégés et assurés. »

Stratégie nationale en construction

En mars 2016, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) publie un rapport qui recommande la mise en place d’une stratégie nationale de santé sexuelle et reproductive – celle-ci a été annoncée mais pas encore rendue publique à l’heure de notre bouclage. Ce rapport propose la coordination des organismes gouvernementaux(2) et régionaux(3). Il considère que la santé sexuelle repose sur une démarche volontariste de la part des professionnels de santé devant ainsi faire preuve d’initiative en la matière, sans attendre nécessairement une demande du patient qui aurait du mal à s’exprimer spontanément. Il recommande la mise en œuvre d’un programme de formation soutenue pour l’ensemble des professionnels de santé en attribuant à chacune des professions des domaines particuliers d’intervention. Enfin, et c’est une grande nouveauté, ce programme inclut la lutte contre les discriminations (sexistes, homophobes, transphobes, en fonction de l’âge) et contre les violences et les harcèlements comme une dimension centrale de la promotion de la santé sexuelle. La santé sexuelle apparaît ainsi indissociable des questions d’égalité et des droits humains. En un certain sens, la promotion de la santé sexuelle constitue un levier en direction de l’égalité.

Éducation à la sexualité, éducation à l’égalité

Le 13 juin 2016, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) remet le “Rapport relatif à l’éducation à la sexualité”, qui confirme l’association des questions de la sexualité et de l’accompagnement des jeunes à la question de l’égalité entre les hommes et les femmes. Ainsi, selon le HCE, « les stéréotypes de sexe sont des représentations schématiques et globalisantes qui attribuent des caractéristiques supposées “naturelles” aux filles/femmes et aux garçons/hommes, sur ce que sont et ne sont pas les filles et les garçons, les femmes et les hommes. Ils font passer pour naturels et normaux des rôles de sexe différents et hiérarchisés, assignés aux femmes et aux hommes ». La lutte contre le maintien des stéréotypes de genre qui imposent des formes de masculinité et de féminité “hégémoniques” aux garçons et aux filles est placée au premier plan d’une éducation à la sexualité.

LE CADRE DE L’ACTION : DÉONTOLOGIE ET ÉTHIQUE

Enjeux éthiques, professionnels et personnels

La sexualité touchant à l’intime, au pulsionnel et aux besoins fondamentaux, l’infirmière peut se trouver tour à tour en position de témoin, de soutien mais aussi en position de devoir poser des limites. L’exercice infirmier dans ce domaine nécessite un positionnement à la fois professionnel et personnel à forte connotation éthique.

Légitimité à traiter des questions sexuelles

Le décret de compétences infirmières permet de légitimer de nombreuses interventions dans le domaine de la santé sexuelle. L’article R. 4311-3 du Code de la santé publique (CSP) précise ainsi que « relèvent du rôle propre les soins liés à la fonction d’entretien de la vie et visant à compenser partiellement ou totalement un manque ou une diminution d’autonomie d’une personne ou d’un groupe de personnes ». Ceci est renforcé par les articles R. 4311-5 et 6 : « L’infirmier a compétence pour prendre des initiatives, accomplir les soins qu’il juge nécessaires. » Le Code de déontologie précise quant à lui (article R. 4312-33 du 27/11/2016) que « l’infirmier a le libre choix de ses actes professionnels et de ses prescriptions qu’il estime les plus appropriées ». Ajoutons à cela la recommandation du HCSP de mars 2016(4) pour « une démarche volontariste de la part des professionnels de santé devant faire preuve d’initiative en la matière (santé sexuelle) sans attendre nécessairement une demande du patient qui aurait du mal à s’exprimer spontanément ».

Moyens de défense de l’infirmière face aux violences

L’article R. 4312-11 du CSP, inclus dans le Code de déontologie, est déterminant quant à l’ouverture, la permissivité et la maîtrise requises par l’infirmière pour traiter de l’intime. « L’infirmier doit écouter, examiner, conseiller, éduquer ou soigner avec la même conscience toutes les personnes quels que soient, notamment, leur origine, leurs mœurs, leur situation sociale ou de famille, leur croyance ou leur religion, leur handicap, leur état de santé, leur âge, leur sexe, leur réputation, les sentiments qu’il peut éprouver à leur égard ou leur situation vis-à-vis du système de protection sociale. » Toutefois, hors cas d’urgence, « l’infirmier a le droit de refuser ses soins pour une raison professionnelle ou personnelle » ; afin d’assurer la continuité des soins (article R. 4312-12), « il doit (…) en expliquer les raisons [au patient], l’orienter vers un confrère ou une structure adaptée et transmettre les informations utiles à la poursuite des soins ». Cette disposition est particulièrement utilisée lors de difficultés relationnelles (voire d’incompatibilité) ou quand le comportement du soigné porte atteinte à la dignité et au respect de l’infirmière, voire lors d’un harcèlement moral ou/et sexuel dudit patient ou de son entourage. Rappelons que toute atteinte vécue par l’infirmière comme une agression sexuelle émanant d’une personne consciente peut justifier un dépôt de plainte auprès de la gendarmerie ou de la police.

Infirmière témoin de violences

L’infirmière libérale étant autorisée à “entrer” dans l’intimité des personnes, au sein de leur foyer, au plus près de leur famille, cette professionnelle de santé est un témoin privilégié de situations qui peuvent s’avérer problématiques.

À ce titre, « si [elle] constate que la personne soignée a subi des sévices ou des mauvais traitements, sous réserve de l’accord de l’intéressé [s’il est majeur], [elle] en informe l’autorité judiciaire », selon l’article R. 4312-17 du CSP. Si ceci concerne un mineur ou une personne vulnérable (âgée, handicapée), « l’accord n’est pas nécessaire ». Par extension, l’article R. 4312-18 inclut les sévices, privations, mauvais traitements ou atteintes sexuelles. Dans ces cas, l’infirmière « doit mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour protéger les personnes et/ou alerter les autorités judiciaires et administratives ». L’alerte va du signalement simple auprès d’un tiers au signalement au procureur de la République. Ce dernier nécessite une procédure écrite à titre personnel et relatant des faits décrits et précis. Notons qu’informer le médecin ou tout autre professionnel ne fait pas office de procédure de signalement. Si les faits ne sont pas signalés, la personne témoin de ceux-ci peut être poursuivie pour « non-révélation de maltraitance » (article 434.3 du Code pénal) et « non-assistance à personne en danger » (article 223.6). Ces derniers articles sont d’autant plus indiqués lors de l’exercice libéral puisque l’infirmière à domicile se retrouve souvent seule face à des situations difficiles ou compromettantes sur le plan intime et sexuel, des situations dont elle peut être la seule à avoir connaissance.

LA SEXUALITÉ COMME OBJET DE SOIN

Domaines d’intervention en santé sexuelle

L’intervention en santé sexuelle pour les infirmières concerne les domaines suivants :

→ la promotion de la santé sexuelle par l’information, l’éducation et la formation à une santé sexuelle épanouie et en toute sécurité ;

→ la prévention : la vaccination contre le virus de l’hépatite B et le papillomavirus humain, le dépistage et la prise en charge des infections sexuellement transmissibles, dont le virus de l’immunodéficience humaine et les hépatites virales ;

→ la santé reproductive et la prévention de l’infertilité liée aux causes infectieuses ;

→ la contraception, l’IVG et les grossesses non désirées/non prévues ;

→ la lutte contre les harcèlements, les violences sexuelles et les relations sexuelles sous la contrainte.

Classifications internationales des troubles sexuels

La Classification internationale des maladies (la CIM, développée par l’OMS) et le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (le DSM, développé par l’Association américaine de psychiatrie) distinguent trois grandes catégories de troubles et dysfonctions de la sexualité :

→ les troubles et dysfonctions sexuelles et les douleurs liées à l’activité sexuelle (non dus à un trouble ou une maladie organique) ;

→ les troubles de la préférence sexuelle, dénommées “paraphilies” (anciennement qualifiées de “perversions sexuelles”) ;

→ les troubles de l’identité de genre, désignés désormais comme des dysphories de genre. La transidentité n’est plus considérée comme une “maladie”. Par contre, les personnes peuvent avoir besoin d’un accompagnement compréhensif, à mettre en place avec l’équipe pluridisciplinaire chargée des soins. L’homosexualité et les questions d’orientation sexuelle ont été définitivement retirées de cette nomenclature en 1973.

Étiologie des troubles sexuels et types d’interventions

L’OMS, en 2016, propose une nomenclature des différents facteurs pouvant entraîner des problèmes sexuels(5). Cette nomenclature distingue :

1. les problèmes liés à une absence de connaissances sur son propre corps, ses organes, et sur le fonctionnement de la sexualité et des pratiques sexuelles ;

2. les problèmes liés à des croyances culturelles ou à des mythes qui renvoient à des connaissances dépassées ; ceci inclut aussi la question des valeurs morales, qui peuvent parfois constituer des obstacles à la santé sexuelle ;

3. les problèmes associés à la relation avec le partenaire : sentiments, attachement, violence, chantage affectif, pressions, etc. ;

4. les problèmes psychologiques inscrits dans l’histoire personnelle, les traumatismes infantiles, l’initiation sexuelle ratée, l’absence d’estime de soi, une mauvaise image du corps ;

5. les problèmes associés à des maladies, des blessures, des déficiences ou les conséquences d’un traitement chirurgical ou encore à des mutilations génitales ;

6. les conséquences de l’usage de substances psychotropes : opiacés, antidépresseurs, anxiolytiques, amphétamines, etc., qu’ils soient licites ou illicites.

Approches thérapeutiques

Dans le champ professionnel du soin comme de la relation, coexistent deux grandes conceptions de la sexualité.

→ La “fonction sexuelle” renvoie aux dimensions physiologiques, anatomiques et fonctionnelles pouvant justifier d’interventions de l’ordre du soin médical ou hygiénique.

→ La “sexualité” renvoie aux dimensions subjectives (le plaisir, la souffrance, le malaise) et relationnelles (le couple principalement), à l’accomplissement de soi ainsi qu’aux identités.

L’infirmière est présente à ces deux niveaux au titre de l’application des prescriptions d’une part et de l’accompagnement clinique et d’orientation d’autre part.

L’approche pharmacologique/ médicale de la sexualité

Le développement de la médecine sexuelle profite plus largement aux dysfonctions sexuelles que rencontrent les hommes, avec une grande variété de dispositifs et de médicaments pour traiter les deux grands troubles masculins : les dysfonctions érectiles et l’éjaculation prématurée. Les injections intra-caverneuses et le sildénafil (Viagra, Cialis, Levitra) représentent des solutions efficaces pour traiter les troubles de l’érection, à condition qu’elles soient accompagnées d’une prise en charge sexologique adaptée dans le cas de la prescription de sildénafil. La dapoxétine (inhibiteur spécifique de recapture de la sérotonine mais sans effet antidépresseur) est à ce jour le seul traitement montrant une efficacité relative sur le traitement de l’éjaculation prématurée. La prise en charge pharmacologique des troubles féminins, et notamment des troubles du désir (trouble sexuel le plus fréquemment rapporté par les femmes), ne fait pas l’unanimité et est soumise à des conditions de prescriptions très strictes et limitées. On peut évoquer l’Intrinsa, qui est un « patch libérant de la testostérone », qui n’a pour unique indication que le traitement de la baisse du désir sexuel chez les femmes ayant subi une ovariectomie bilatérale et une hystérectomie (ménopause chirurgicalement induite), et ne pouvant être prescrit qu’en association à un traitement par œstrogènes. Le cas de la flibansérine (Addyi), dérivé d’un antidépresseur, fait l’objet de nombreuses controverses quant à son efficacité réelle sur le désir féminin et sur ses effets secondaires potentiellement délétères en l’absence de recul et de pharmacovigilance.

Les approches psycho-sexologiques

Si certains médicaments peuvent faire preuve d’efficacité sur le traitement des troubles de la sexualité, la complémentarité avec une approche sexologique plus volontiers psychologique est souvent conseillée. Tous les grands courants psychothérapeutiques “classiques” peuvent s’adapter à des problématiques sexologiques. L’hypnose, la relaxation ou l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) constituent des outils thérapeutiques fréquemment utilisés dans l’abord des troubles de la sexualité. Il existe par ailleurs différents types de sexothérapies spécifiques, proposées par des sexothérapeutes et des sexologues formés en la matière. On peut citer les grandes approches suivantes, proposées individuellement ou en couple : l’approche sexo-cognitivo-comportementale, l’approche sexocorporelle, l’approche sexoanalytique ou encore l’approche comportementale.

Vers qui orienter ?

Les infirmières doivent avoir un minimum de connaissances sur les troubles de la sexualité afin de pouvoir déterminer s’il y a besoin d’orienter le patient vers un spécialiste d’une part (lire aussi la partie Savoir faire p.37) et vers qui l’orienter d’autre part. Selon le type de problématique rencontrée, l’orientation se fera principalement vers un médecin sexologue (par exemple dans le cas de dysfonctions sexuelles liées à une pathologie), vers un psychologue (dans le cas de dysfonctions sexuelles liées à une souffrance psychique ou un problème de couple…), vers un kinésithérapeute (dans le cas des femmes décrivant des difficultés sexuelles physiologiques post-partum…), vers une sage-femme (dans le cas de femmes décrivant des difficultés sexuelles durant et après la grossesse…), enfin vers une infirmière diplômée en sexologie (dans le cas de personnes rencontrant des difficultés sexuelles liées à une pathologie…).

Deux principaux sites référencent les sexologues (reconnus comme tels car diplômés d’un diplôme inter-universitaire, DIU, de sexologie) et constituent des sources fiables pour trouver un professionnel de santé diplômé : le site de l’Association interdisciplinaire post-universitaire en sexologie (aius.fr), qui donne la liste des sexologues (médecins et non médecins) habilités par la principale organisation française de sexologie, et celui de la Fédération française de sexologie et santé sexuelle (ff3s.fr).

Formations et supports professionnels

Acquérir des connaissances mais également réfléchir aux retentissements personnels que peuvent faire émerger des problématiques liées à la sexualité dans le cadre de son exercice infirmier sont deux piliers fondamentaux d’une approche éthique de la sexualité.

Les formations

Le DIU de sexologie et d’études de la sexualité humaine, proposé par l’Association interdisciplinaire post-universitaire en sexologie (AIUS, aius.fr), est ouvert à différents professionnels de santé, tels les psychologues, les médecins, les kinésithérapeutes, les sages-femmes ainsi que les infirmières. Ce diplôme se déroule sur trois ans et offre une formation diplômante reconnue. Un diplôme universitaire (DU) de santé sexuelle préparé en une année est également proposé dans quelques universités du réseau de l’AIUS.

Des formations spécifiques en sexothérapie selon le type d’orientation thérapeutique souhaitée sont accessibles à toute personne intéressée par la question mais elles sont généralement plus onéreuses et ne sont pas officiellement reconnues.

Dans le cadre du développement professionnel continu (DPC), certaines formations sont dédiées spécifiquement à la sexualité et aux dimensions communicationnelles de sa prise en charge. La contraception et la santé sexuelle sont l’une des trente-quatre orientations nationales du DPC pour la période 2016-2018(6).

Les supports professionnels

L’irruption de la sexualité dans l’exercice infirmier peut soulever des questionnements à la fois professionnels et personnels qui peuvent trouver des réponses dans différents supports professionnels. L’analyse de la pratique professionnelle (APP) constitue un outil privilégié pour rompre l’isolement dans lequel peuvent se trouver les infirmières libérales et développer un questionnement en groupe de pairs sur les situations rencontrées. L’objectif recherché est d’amener les professionnels à réfléchir sur leurs croyances, leurs représentations ainsi que sur leurs émotions, et de prendre conscience de l’impact de leurs valeurs sur les soins aux patients. L’analyse de la pratique professionnelle en vidéo-entretien (via Skype par exemple) constitue également un outil intéressant. À partir d’une situation, d’une problématique, une demande d’analyse de pratique est formulée auprès d’un superviseur clinicien infirmier. Une démarche de supervision auprès d’un psychologue peut également permettre de questionner son implication personnelle dans certaines situations.

(1) A. Kinsey, W. Pomeroy & C. Martin. Le comportement sexuel de l’homme. Paris : éditions du Pavois, 1948 ; A. Kinsey, W. Pomeroy, C. Martin & P. Gebhard. Le comportement sexuel de la femme. Paris : Amiot-Dumont, 1953.

(2) L’ensemble des ministères concernés seraient impliqués : santé, enfance, famille, justice…

(3) Selon le constat du HCSP, la santé sexuelle est disséminée dans plus de quatorze plans et de multiples structures axées sur la prévention et le dépistage : PMI, Cegidd, CDAG, Corevih.

(4) Haut Comité à la santé sexuelle, 2016, “Rapport sur la Santé sexuelle et reproductive” (via le lien raccourci bit.ly/1WsE4en).

(5) G. M. Reed, J. Drescher, R. B. Krueger & et al., “Disorders related to sexuality and gender identity in the ICD-11: revising the ICD-10 classification based on current scientific evidence, best clinical practices, and human rights considerations”, World Psychiatry, 2016, 15: 205-221.

(6) Arrêté du 8 décembre 2015 (sur legifrance.gouv.fr via le lien raccourci bit.ly/2l3Ge5q).

Droits de l’Homme et droits sexuels

« Les droits de l’Homme sont propres à tout être humain. Cependant, leur reconnaissance ne crée pas des droits en soi. Les droits de l’Homme sont au-delà des valeurs culturelles. Si une culture particulière a des pratiques qui vont à l’encontre des droits de l’Homme, elle doit être modifiée, comme dans le cas des mutilations génitales des femmes (…). L’approche en termes de droits de l’Homme a déjà été développée à propos de la promotion de la santé reproductive. La protection de la santé étant un droit de l’Homme fondamental, il en découle que la santé sexuelle repose sur des droits sexuels. »

Source : Pan American Health Organization, Organisation Mondiale de la Santé, “Promotion of sexual health, Recommendations for action”, 2000 (à lire en anglais via le lien raccourci bit.ly/2kS2ss7).

Situation clinique

« Un patient s’est montré sexuellement menaçant à mon égard »

« J’effectue des soins auprès d’un patient dont le comportement me pose question et me fait peur. C’est une véritable armoire à glace et, son truc, c’est de se mettre entre moi et la porte dès que je suis rentrée chez lui puis de fermer la porte à clé… Sur la table qui me sert de support pour les soins, il laisse traîner des vidéos pornographiques mettant en scène des infirmières. Sentant une menace planer, j’ai demandé à mon mari de m’accompagner et de prévenir la police si je ne sortais pas à temps. »

Il serait souhaitable d’échanger avec les collègues du cabinet infirmier sur cet état de fait, de confronter les points de vue et de se mettre d’accord sur la stratégie à adopter par tous. Un recadrage s’impose. Cela passera par le fait de nommer les faits et de dénoncer ce comportement équivoque auprès de la personne concernée (être accompagné d’un ou d’une collègue est nécessaire). Réorganiser la tournée peut s’avérer utile et envisager de confier ce patient aux collègues masculins, judicieux, car ils useraient probablement d’une confrontation plus directe qui limiterait les débordements – le fait d’être un soignant de sexe masculin ou féminin joue sur la nature de la relation quand il est question d’intimité, de nudité, de corps. Enfin, décider ensemble de l’arrêt de la prise en charge si tout incident se renouvelle et orienter le patient vers un autre cabinet après l’en avoir informé. Toute infirmière peut interrompre les soins (sauf urgence) pour des raisons personnelles ou professionnelles (cf. le Code de déontologie) à condition de l’orienter vers un autre cabinet ou structure de soins. Si l’infirmière se sent agressée ou vit cette situation comme du harcèlement sexuel et/ou moral, elle peut dénoncer les faits auprès de la gendarmerie ou de la police qui établira une main courante – procédure qui marque donc la survenue d’une infraction mais peut en rester là, si les faits ne se reproduisent pas.

Situation clinique

« Une patiente me confie en secret les abus dont elle est victime de la part de son mari »

« M. et Mme Z., âgés, vivent ensemble à leur domicile. Je dispense des soins au mari depuis plusieurs années. Mme Z. a toujours été présente mais très effacée, voire soumise aux caprices et aux exigences de son époux haut en couleur, au demeurant sans problème pour la qualité de ses échanges avec les infirmières. En arrivant un matin, Mme Z. m’annonce qu’elle souhaiterait me parler mais sans la présence de son mari. Elle me dit qu’elle m’observe depuis longtemps, qu’elle a confiance en moi et que je suis la seule à qui elle peut parler. “Mon mari abuse de moi depuis longtemps, c’est du viol ! Je n’en peux plus de ses assauts, il faut que ça cesse ! Dites-lui, faites quelque chose.” J’interpelle donc M. Z. à ce sujet, qui reçoit très mal mes remarques et me congédie. Dès le lendemain, mon cabinet est informé que les soins seront désormais effectués par d’autres infirmières. »

Intervenir dans un tel contexte requiert connaissances, expériences et stratégie. Un consensus d’équipe aurait été de mise pour réaliser les soins tout en assurant une surveillance attentive de Mme Z. au titre d’aidant naturel en difficulté. Continuer les soins aurait permis de se poser comme témoin et possible médiation dans ce foyer. Maintenant que vous êtes extérieure à ce foyer et que vous avez connaissance de faits d’agression sexuelle (viol entre époux) portant atteinte à une personne vulnérable non consentante, la procédure de signalement s’impose, avec déclaration écrite des faits au procureur de la République.

L’IDE peut intervenir surtout au premier niveau, au deuxième avec plus d’expérience ; le troisième niveau nécessite une formation de sexologue.

Source : Ce tableau résulte d’une association entre le modèle des troubles sexuels établi par l’OMS (2016) (Reed et al., 2016) et le modèle des types d’intervention en santé sexuelle établi par la WAS en 1974 (cf. Alain Giami, “Santé sexuelle : la médicalisation de la sexualité et du bien-être”, Comprendre. Revue de philosophie et de sciences sociales, 6, 97-115, 2005.)

Le saviez-vous ?

La sexologie n’est pas une spécialité

La sexologie ne constitue pas une spécialité médicale reconnue par l’Assurance maladie au même titre entre autres que la cardiologie. Elle est en revanche une compétence à part entière, dont peut aussi se prévaloir une infirmière par exemple qui a suivi une formation universitaire dans ce domaine.