L'infirmière Libérale Magazine n° 334 du 01/03/2017

 

PORTRAIT

Actualité

Jean-Michel Delage  

LE POUVOIR DES MOTS > Peggy essaie de fédérer toutes les infirmières par le biais d’une pétition à signer en ligne. Elle vient également d’écrire un livre sur son expérience (notre chronique p. 67).

Issue d’une famille de soignants, Peggy d’Hahier, 46 ans, retient de son enfance ces mots de son père, anesthésiste : « Je suis de garde », ce qui signifiait qu’il serait encore loin d’elle pendant 24, voire 72 heures. Alors, à l’école, elle préfère dire, pour expliquer ces absences, qu’il était explorateur ! Déjà ce désir de raconter des histoires ?

« Des prises en charge assez violentes »

Peggy d’Hahier a opté pour des études de droit. « J’ai aimé ces quatre années d’études mais, au final, je n’avais pas plus d’idées de ce que je voulais en faire ! » Sur les conseils de sa sœur, cardiologue, elle se lance dans le concours d’infirmière. Avant de rejoindre différents services, plutôt “lourds” : urgences obstétriques, urgences, réanimation, chirurgie… jusqu’en 2003. « À la naissance de mon second enfant, atteint d’une grave maladie, j’ai pris une année de congé afin d’être près de lui. Et comme il n’allait toujours pas bien après cette période, j’ai démissionné de l’Assistance publique. » Dès que l’état de son enfant s’améliore, Peggy reprend des vacations dans des hôpitaux. Sans y trouver vraiment sa place. « Je n’étais pas forcément en accord avec les façons de prendre en charge les patients. Je trouvais cela assez violent. Cela ne correspondait pas du tout à la façon dont je voulais travailler. » Elle est ainsi le témoin de deux événements particuliers au sein des services où elle œuvre : le décès d’un jeune patient - « le médecin nous a laissées seules avec la famille, sans explication… un moment dramatique » - et la réaction d’une aide-soignante après la naissance de jumeaux dont l’un était trisomique - « l’aide-soignante proposait lourdement à la mère d’abandonner ce bébé en justifiant qu’elle avait la chance d’en avoir deux… » Peggy d’Hahier quitte définitivement l’hôpital pour créer, en 2006, son cabinet à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne), dans un quartier plutôt privilégié. « Je n’avais aucune idée de ce que c’était d’être en libéral, c’était l’aventure ! » Elle comprend vite la différence : l’approche du patient et les visites quotidiennes qui font que l’infirmière devient proche des gens. « On soigne un patient mais toute sa famille nous connaît. Il se crée des rencontres mais il faut trouver la bonne distance », reconnaît-elle.

« Une profession difficile à mobiliser »

Peggy d’Hahier a l’envie d’écrire pour partager son quotidien. Elle ouvre d’abord un blog pour y raconter son quotidien à ses proches, et ce sont eux qui l’encouragent à se faire éditer. « J’aime observer autour de moi. Et puis je retranscris. » Son livre est un recueil de situations vécues lors de ses premières années d’activité. Elle continue tout de même son blog et espère écrire encore d’autres ouvrages.

En plus de ses velléités d’écriture, l’Idel a également l’envie et le courage de faire bouger la profession d’infirmières. De toutes les infirmières. Pour cela, elle lance en janvier dernier, avec trois autres infirmières aussi blogueuses, une pétition sur Internet : “Le Manifeste des 600 000”. Elle a d’ailleurs déjà été signée par près de 9 000 infirmières*. « C’est une profession difficile à mobiliser. Et on ne sait pas vraiment pourquoi, alors que, d’un point de vue politique, elle pourrait avoir un poids. » La pétition, qui se veut fédératrice, fait son chemin sur la toile. Objectif avoué : faire tomber les murs entre les différents secteurs de santé. Car celles et ceux qui n’ont jamais travaillé en libéral peuvent avoir des a priori. La pétition devrait par la suite se retrouver sur le bureau du ministère ainsi qu’à l’Élysée. Infirmière, écrivain et militante : “Mademoiselle Peggy” - surnom donné par sa mère - vit à cent à l’heure. Et espère réussir à bouger toutes les troupes.

* À signer sur bit.ly/2mrRYUm