QUALITÉ DE VIE > Fin janvier, à l’occasion de la Journée paramédicale de la région Auvergne-Rhône-Alpes, le Dr Gilbert André, algologue, est revenu sur le lien entre la douleur et le sommeil - à moins que ce ne soit l’inverse…
« Je dors mal, je ne dors plus. » C’est sous ce titre que le Dr Gilbert André, algologue au centre hospitalier Émile-Roux du Puy-en-Velay (Haute-Loire), a fait une intervention tout en humour à l’attention des 250 professionnels de la santé de la région Auvergne-Rhône-Alpes venus assister au rendez-vous annuel de cette Journée paramédicale organisée à l’hôpital Louis-Pradel de Lyon (Rhône). « Quand on atteint l’âge de 75 ans, on aura passé 25 ans à dormir… ça doit avoir une utilité. Or, dans le monde médical, on ne s’attache pas suffisamment au sommeil. » Partant de ce constat, l’expert a proposé de redécouvrir le couple sommeil/douleur.
Après être revenu sur le mécanisme du sommeil - quatre cycles de 90 à 120 minutes complets pour passer une bonne nuit, en fonction de notre potentiel génétique, avec une alternance de sommeil profond et de sommeil paradoxal -, le Dr Gilbert André a fait la distinction entre les douleurs aiguë et chronique et leur rapport au sommeil. Si la douleur aiguë, à savoir une douleur de moins de trois mois, qui est utile puisqu’elle a un rôle d’alarme, est source d’anxiété et empêche de dormir, il en va tout autrement de la douleur chronique. Celle-ci, d’une durée de plus de trois mois, « inutile et envahissante », peut générer la dépression, et nécessite que l’on s’intéresse au rôle du sommeil. « La privation de sommeil abaisse le contrôle de la douleur, elle augmente la sensation douloureuse, souligne le Dr Gilbert André. Il est utile de demander aux personnes comment elles dorment. » En effet, les patients souffrant de douleur chronique ne déclarent pas nécessairement de problème de sommeil. Pourtant, les études montrent une association étroite entre sommeil et risque de syndrome fibromyalgique. Plus on s’intéresse tôt à la qualité du sommeil et plus on évite que les personnes ne développent des douleurs chroniques. Une étude danoise, menée sur des jeunes, montre que ceux qui ont des troubles du sommeil ont plus de chances de développer des pathologies douloureuses.
Comme dans le cas de l’évaluation de la douleur, de nombreux outils existent pour évaluer la qualité du sommeil : agenda du sommeil, actimètre, échelle de somnolence Epworth, somnographie, polysomnographie. Le Dr Gilbert André recommande l’utilisation des deux premiers, qui livrent des informations complètes. La littérature montre l’implication du sommeil lent profond pour récupérer ; or il apparaît que les fibromyalgiques n’ont pas cette capacité. En améliorant la qualité du sommeil, « on n’a jamais guéri une fibromyalgie, mais on a amélioré considérablement la qualité de vie et on a remis en route, en mouvement », rappelle-t-il. Une première mesure serait donc d’arrêter la prescription de benzodiazépines, qui réduisent le sommeil lent profond. Le Dr Gilbert André conseille également d’accorder plus d’importance à son horloge interne, qui requiert une diminution progressive de la lumière le soir pour que notre cerveau enclenche le mécanisme de sommeil.
Les infirmières aux commandes
La Journée paramédicale Auvergne-Rhône-Alpes est née en 2009 sous l’impulsion de Dominique Gillet, correspondante régionale de la Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD) de 2009 à 2016. Avec une poignée d’infirmières ressource douleur membres de la Société Auvergne-Rhône-Alpes de la douleur (Saradol), elles ont lancé ce rendez-vous annuel après avoir fait le constat d’un manque de journées formatrices, de partages d’expériences professionnelles pour les paramédicaux qui ne participent pas ou peu aux congrès nationaux et régionaux. Organisée par un comité de pilotage de sept infirmières bénévoles, la Journée paramédicale réunit chaque année un public pluriprofessionnel de 250 à 300 personnes d’Auvergne-Rhône-Alpes, grâce au soutien financier de la SFETD, de Saradol et de la Fondation Apicil.