À l’issue des manifestations qui ont rassemblé plusieurs milliers d’infirmières le 7 mars, seize organisations ont présenté une plateforme de propositions en vue de l’élection présidentielle.
IDE ET IDELS ÉTAIENT PLUSIEURS MILLIERS à battre le pavé dans toute la France à cinquante jours du premier tour de l’élection présidentielle, le 7 mars. Un moyen de se faire entendre dans une campagne où la santé a pris une place inédite (lire aussi notre enquête pp.60-62) mais où toutes les questions n’ont pas forcément été débattues. C’est pourquoi seize organisations infirmières
Si l’appel à manifester du 7 mars a été lancé au départ pour la « défense du service public » par une intersyndicale FO-CGT-SUD, le collectif formé en novembre de syndicats d’infirmières libérales et salariées ainsi que d’associations et d’organisations étudiantes s’est trouvé en bonne place. Ce sont entre 10 et 12 000 manifestants selon la police et entre 30 et 35 000 selon les organisateurs qui ont défilé ce jour-là à Paris, ainsi que plusieurs centaines dans une douzaine de villes de province.
Estimant n’avoir jamais été écoutés par Marisol Touraine au cours des cinq années écoulées, les porte-paroles du mouvement n’ont pas demandé à être reçus au ministère. En revanche, une délégation a été auditionnée le jour même à l’Assemblée nationale par la présidente de la commission des Affaires sociales Catherine Lemorton et le député Olivier Faure pour le groupe socialiste ainsi que par les députés Philippe Vigier et Francis Vercamer pour le groupe UDI. Les autres groupes parlementaires n’ont pas réagi.
La plateforme, composée de dix propositions, réussit à faire le lien entre les revendications des Idels et des IDE. Au sujet de la dégradation des conditions de travail, une préoccupation largement partagée dans les cortèges de la manifestation du 7 mars et à propos de laquelle la ministre allait faire des annonces quelques jours plus tard (lire pp.10-11), les signataires demandent une « reconnaissance de la pénibilité par un départ anticipé en retraite » ainsi que la définition d’un plan national sur la sécurité. En ville, il faut « mobiliser les préfets et les élus locaux des secteurs vulnérables afin que des dispositifs de prévention, d’alerte et de surveillance spécifiques soient mis en œuvre », plaident-ils. Les revendications salariales, moins entendues dans la manifestation, sont cependant également portées, pour les Idels, via une révision de la nomenclature. Les organisations rappellent également la nécéssité de réactualiser le décret d’actes et d’exercice infirmier de 2004. Sur la question de l’hospitalisation à domicile (HAD), les représentants des Idels et des IDE sont convenus de « faire des soins de ville libéraux la filière naturelle du retour à domicile, après une hospitalisation ». Avec un principe : l’HAD « doit être réservée pour des cas limités et selon un référentiel qui demeure nécessaire ». Enfin, s’agissant spécifiquement des Idels, la plateforme avance plusieurs propositions originales sur la permanence des soins : associer les Idels à la permanence des soins des généralistes sur le même mode de rémunération, créer une consultation infirmière d’urgence en ville et instaurer une cotation pour réponse aux appels d’urgence le soir ou le week-end.
« Cette plateforme montre l’unité du désarroi de la profession infirmière quels que soient les secteurs ou les spécialités », estime Catherine Kirnidis, présidente du Sniil. L’objectif des signataires de la plateforme est de la faire connaître aux équipes des candidats à la présidentielle ainsi qu’aux candidats aux législatives. La nouvelle mandature va coïncider avec l’ouverture des négociations en vue de la nouvelle convention des infirmières avec l’Assurance maladie. « Nous sommes vraiment la dernière roue du carrosse car nous arrivons après toutes les autres professions qui ont pu négocier avant les élections », déplore Catherine Kirnidis. L’enjeu de se faire entendre à ce moment était donc doublement important.
* AEEIBO, Anfiide, ANPDE, CEEIADE, Convergence infirmière, CNI, FNI, SNIA, Snics-FSU, SNIES-UNSA, Sniil, SNPI CFE-CGC, Snipuerlib, Unaibode, UNEF et Unidel.
Alain, Idel dans l’Ain (FNI)
« Les politiques parlent tout le temps du virage ambulatoire, mais personne n’a l’air de voir que les Idels sont les pivots des soins à domicile et que nous sommes la seule profession à assurer la permanence des soins 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Cela fait trente ans que je fais ce métier et c’est la première fois que je vois une ministre de la Santé qui nous méprise à ce point. Mais aucun programme des candidats à la présidentielle ne parle d’ailleurs de nous. »
Émeline, Idel en Picardie (Unidel)
« Il y a des IDE et des Idels dans cette manifestation car nous sommes avant tout des soignants et nous aimerions que notre profession soit enfin mieux reconnue. Nous continuerons à nous battre pour la qualité des soins même si nous sommes tous débordés de travail. Dans ma région, nous subissons de plus en plus la concurrence de l’HAD alors que nos soins sont beaucoup moins chers. C’est incompréhensible alors que, dans le même temps, la CPAM nous ennuie sans arrêt pour de supposés indus. »
Paula, Idel en Seine-et-Marne (Sniil)
« Nous aimerions que les politiques comprennent enfin que les Idels prodiguent tous les jours des soins de qualité au plus près des patients et pour un prix très bas. Nous voudrions être reconnus pour tout ce à quoi nous avons été formés et que nous faisons déjà. Je pense en particulier à la prévention. Aujourd’hui, je trouve que le système de santé ne nous utilise pas à bon escient alors que nous sommes des relais essentiels auprès de la population. »