ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
Sur le terrain
Enquête
Aux dernières élections, les questions de santé avaient disparu des radars. à l’approche de la présidentielle les 23 avril et 7 mai, collectifs, plateformes et autres groupes de réflexion poussent cette fois comme des champignons. Et les champignons, ce n’est pas toujours facile à reconnaître…
Collectif Santé 2017, Santé au 55 Faubourg ou encore France santé 2017 sont très actifs. Et des membres de ces groupes lancent en parallèle leur propre plateforme de réflexion, comme le LEEM (Les entreprises du médicament), adhérant au Collectif Santé 2017. Mais aussi la Fédération hospitalière de France, ou encore la Mutualité française avec le site placedelasante.fr. Le CISS (Collectif interassociatif sur la santé), qui regroupe plus de quarante associations de patients et d’usagers, et les directeurs d’hôpitaux y vont aussi de leurs suggestions, tout comme le Conseil national de l’Ordre des médecins ainsi que celui des sages-femmes, qui ont diffusé leurs livres blancs. Le livre du Medef, lui, est bleu, et comporte des pistes dans le domaine de la santé et de la protection sociale. Le Club de réflexion sur l’avenir de la protection sociale (le Craps), présidé par Jean-Claude Mallet, ancien président de la Caisse nationale de l’Assurance maladie des travailleurs salariés, vient également d’éditer un site dédié à l’élection. Alors qu’un collectif composé notamment de la pneumologue Irène Frachon, dénonçant l’influence des intérêts financiers sur la politique de l’état, a posé vingt questions aux candidats (réponses sur le site securite-sanitaire.org). Un dernier exemple d’initiative en vue de la présidentielle ? L’invitation à s’exprimer de la Fédération des prestataires de santé à domicile aux candidats, et sa plateforme “Osons le domicile”, qui propose notamment « d’accélérer le transfert de l’hôpital vers le domicile » et « d’ouvrir de nouveaux champs de traitements à domicile » (en dialyse et chimiothérapie).
L’Ordre national des infirmiers (ONI) a mis en ligne fin février une plateforme invitant les infirmières à soumettre leurs propositions, sur des thématiques précises comme la violence faite aux soignants. Objectif : que la vision et les intérêts des 600 000 infirmiers soient pris en compte. Fin mars, 21 274 réponses étaient comptabilisées. « Nous allons hiérarchiser les propositions, explique Karim Mameri, secrétaire général de l’ONI, précisant que des premiers rendez-vous ont été fixés avec les candidats ou leurs équipes. Nous voulons que des engagements forts soient pris par les candidats. »
Les objectifs affichés de toutes ces institutions sont sensiblement identiques : faire de la santé un enjeu prioritaire de la présidentielle et, pour certains, défendre des objectifs propres à chaque profession. « La création de tous ces collectifs montre l’intérêt que les Français portent à la santé, analyse Patrick Errard, président du LEEM. Contrairement aux dernières élections, cette fois-ci, il ne sera pas possible de faire l’impasse. Et on voit bien que le sujet est sur la table dans les programmes des candidats » (lire page suivante). Santé au 55 Faubourg (en référence à l’adresse du palais de l’Élysée) a lui aussi été créé en réaction au manque de mesures dans le domaine de la santé lors des élections de 2007 et 2012, aussi bien de la part des politiques que des professionnels de santé. « On voyait déjà cette année se profiler sans proposition de santé venant des candidats et le débat se faire avec les mêmes qu’en 2012, regrette Olivier Mariotte, président du Nile, agence de conseil en affaires publiques spécialisée en santé, porteuse du groupe de réflexion. De fait, nous avons créé Santé au 55?Faubourg, non pas pour porter des idées partisanes dans la campagne, mais pour faire en sorte que la santé soit présente dans les débats. » Même son de cloche du côté de France santé 2017. En quelque sorte, le parti de ces collectifs, c’est celui… de la santé. Et le pari est déjà en partie gagné : la santé a été évoquée aux débats des primaires de la droite comme du Parti socialiste et de ses alliés - et toutefois plus rapidement expédiée lors du débat sur TF1 entre cinq candidats le 20 mars.
Pour le think tank (laboratoire à idées) LIR (pour association des laboratoires internationaux de recherche) Imaginons la santé, qui porte France santé 2017, il est impératif que le futur président simplifie l’accès aux soins des Français pour que chacun bénéficie de l’excellence médicale et thérapeutique au bon moment et au bon endroit, s’appuie sur les nouvelles technologies et la santé numérique ou encore soutienne la recherche et la médecine du futur pour faire de la santé un secteur économique dynamique. Santé au 55 Faubourg a préféré définir douze grands thèmes « qui constituent pour nous le panorama du système de santé », rapporte Éléonore Bleuzen, élève sage-femme, membre du comité de pilotage. À titre d’exemple : la démocratie en santé, l’accès aux soins et les parcours de santé, la santé publique et la prévention, la recherche et l’industrie, la dépendance… Le groupe de réflexion entend ainsi guider les candidats dans l’élaboration de programmes de santé avec des réflexions à dix, quinze, vingt ans. Pour se faire entendre, « des newsletters sont envoyées et des débats sont organisés, ajoute Olivier Mariotte. Nous sommes une petite force agissante et on met cela au service de la cause “santé” ».
Quant au Collectif Santé 2017, son « originalité tient au fait que nous rassemblons le plus d’acteurs de santé », souligne Patrick Errard. Quatorze organisations incluant les patients, les médecins, les pharmaciens d’officine, les biologistes, l’hospitalisation à domicile ou encore le LEEM se sont réunies, malgré les divergences que certains organismes peuvent avoir entre eux. Ce mouvement vise à apaiser la colère des acteurs de santé « car cela fait cinq ans qu’on nous divise et qu’on nous met dans des logiques comptables, regrette Patrick Errard. Aujourd’hui, nous voulons tous taper du poing sur la table ».
Au lieu de proposer aux candidats des mesures, leur démarche est de les interpeller sur des questions et de demander des engagements sur des chantiers qu’ils devront livrer. Pour le Collectif, il est primordial d’aborder les questions par le haut : que veut-on comme politique de santé publique pour les Français pour les cinq ans à venir ? Quelle organisation du système de soin pour servir cette politique ? Comment le financer ? « Jusqu’à présent, les candidats sortent des bouts de mesures qui leur sont donnés par leurs conseillers, dénonce Patrick Errard. Nous voulons qu’ils soient des stratèges. » Et de poursuivre : « Nous avons bon espoir que, dans cet esprit de démographie sanitaire, les syndicats d’infirmiers libéraux que nous avons démarchés et d’autres puissent nous rejoindre pour défendre nos engagements vis-à-vis des acteurs de la présidentielle. L’objectif est de créer un collectif qui transcende les différends. Mais ce collectif n’obère pas les revendications spécifiques de chaque acteur. »
Le point positif, c’est donc que la santé aura été plus évoquée en 2017 que lors des précédentes campagnes. Mais, au final, on recense beaucoup de collectifs aux noms très proches, aux motivations générales et apparemment similaires… et encore beaucoup de flou. On espère le voir dissipé dans la dernière ligne droite de la campagne. Car, à l’heure de notre bouclage, plus qu’un débat d’idées entre ces collectifs, c’était surtout une campagne d’influence qui entre eux se dessinait. Pour, avant même son élection, peser sur les choix du futur président.
L’Union nationale des professions libérales (UNAPL), dont fait partie la Fédération nationale des infirmiers (FNI), a dressé une liste de vingt mesures organisées autour de cinq priorités pour le prochain quinquennat. « Donner à chaque jeune un avenir et de l’espoir », « favoriser le développement des entreprises libérales de proximité », avoir « la garantie d’une fiscalité équitable pour les entreprises libérales », « préserver la qualification et la réglementation des professions libérales » en interdisant l’accès partiel aux professions réglementées libérales ou encore « renforcer la protection sociale des professionnels libéraux », notamment en maternité, sont quelques-unes de ses revendications. Et à l’heure où les candidats à la présidentielle évoquent une refonte, voire une fusion du régime sociale des indépendants (RSI) avec le régime général, l’UNAPL défend son maintien et plaide davantage pour une réforme en profondeur de ce système. De son côté, la FNI a présenté, fin décembre, les cinq axes de son programme présidentiel pour les infirmières libérales. Parmi ses propositions : rendre les soins accessibles à tous sur tout le territoire en créant un statut officiel d’infirmière de famille ou en donnant aux infirmières le statut officiel de professionnel de santé de premier recours.
Créé avec une dizaine de personnes, le Parti pour la santé a lancé un “Appel pour une santé libérée”, signé à l’heure de notre bouclage par moins de 250 personnes. Il entend présenter des candidats lors des élections législatives. « Nous avons limité notre message à une mesure pour la santé et la liberté thérapeutique », explique la présidente du parti, le Dr Delépine, pédiatre oncologue et ancienne chef de service à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, et qui a été à la fois soutenue et critiquée pour son refus des traitements standard. La volonté du Parti : que les praticiens récupèrent leur liberté de soigner. À l’heure de la présidentielle, il plaide pour une refonte complète du système de santé, « loin de l’influence des lobbies et des intérêts particuliers » et « en dégraissant le mammouth administratif ».
Pour plus d’informations sur les programmes des candidats
Le site sante55faubourg.fr via le lien raccourci bit.ly/2nnpCuQ ou encore www.lasantecandidate.fr
→ Comme en 2012, l’essor des maisons de santé fait consensus chez presque tous les candidats. Comme en 2012, certains programmes manquent de concret ou de précision pour la santé en ville. Et parfois de persévérance : le projet de Benoît Hamon de conventionnement sélectif pour les médecins semble moins affirmé, comme le souhait de François Fillon de ne confier à la Sécu que les « gros risques »…
Fillon François, Les Républicains
→ Lutter contre les déserts médicaux, réduire les temps d’attente aux urgences en développant les maisons médicales et les structures d’urgences pour les premiers soins.
→ Transformer les groupements hospitaliers de territoire en groupements de santé de territoire pour les ouvrir aux cliniques et aux libéraux.
Hamon Benoît, Parti socialiste
→ Lutter contre les déserts médicaux en retirant le conventionnement aux médecins s’installant en zone surdotée.
→ Encourager le développement des maisons de santé pluriprofessionnelles rassemblant des médecins libéraux appuyés par une société de service pour les fonctions support.
Le Pen Marine, Front national
→ Lutter contre les déserts médicaux en instaurant un stage d’internat dans les zones concernées, en permettant aux médecins retraités d’y exercer et en y développant les maisons de santé.
→ Desserrer le numerus clausus dans les facultés de médecine afin de pourvoir les besoins médicaux avec du personnel français formé en France.
Macron Emmanuel, En marche !
→ Créer un service sanitaire de trois mois pour les étudiants en santé (médecine, pharmacie, dentaire ou soins infirmiers) pour faire du dépistage, de la prévention et de la sensibilisation.
→ Déserts médicaux : rouvrir le numerus clausus, doubler le nombre de maisons pluridisciplinaires de santé d’ici 2022 et développer la télémédecine.
Mélenchon Jean-Luc, Parti de gauche
→ Supprimer le dépassement d’honoraires chez les médecins.
→ Pour lutter contre les déserts médicaux, créer un service public de proximité, un corps de médecins généralistes fonctionnaires, et mettre en place des centres de santé.
→ Réinvestir dans la prévention et la médecine scolaire.
Et aussi
→ Certains des six autres candidats mentionnent aussi la santé dans leur programme. évoquons, puisqu’il cite spécifiquement les IDE, Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France), qui propose d’amplifier la création de nouveaux métiers de la santé reconnus par des diplômes, pour soulager la surcharge de travail des médecins et permettre des évolutions de carrière notamment pour les IDE (infirmières de coordination, infirmières d’évaluation, en particulier pour les personnes âgées).