L'infirmière Libérale Magazine n° 335 du 01/04/2017

 

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FICHE PRATIQUE

Véronique Hunsinger*   Mehdi Aslam**  

Le droit à l’oubli permet aux anciens malades d’un cancer de ne plus avoir à déclarer la maladie guérie, sous certaines conditions, lors d’une demande d’assurance pour un emprunt.

Qu’est-ce que le droit à l’oubli ?

La loi de modernisation du système de santé du 26 janvier 2016 a renforcé la convention Aeras (“S’assurer et emprunter avec un risque aggravé pour la santé”) qui vise à améliorer l’accès aux crédits pour les personnes malades ou handicapées. Cette convention a été signée en 2006 entre l’État, les fédérations professionnelles des organismes d’assurance et des établissements de crédit et les associations de malades et de consommateur. À la demande d’associations comme la Ligue contre le cancer, la loi crée un “droit à l’oubli” pour les anciens malades au moment de leur déclaration sur leur état de santé dans un dossier de demande d’assurance emprunteur, c’est-à-dire les assurances obligatoires pour obtenir un crédit notamment immobilier.

Au bout de combien de temps s’exerce le droit à l’oubli ?

La loi prévoit qu’un demandeur d’une assurance emprunteur n’est purement et simplement plus obligé de faire mention, sur le formulaire de ses antécédents médicaux, du cancer dont il a souffert au bout de dix ans après la « fin du protocole thérapeutique ». Ce délai est réduit à cinq ans si la personne était mineure au moment de sa maladie.

Et pour les autres ?

Avant l’expiration de ce délai, les anciens malades qui font une demande d’assurance emprunteur sont obligés de mentionner la maladie qu’ils ont eue, au risque d’essuyer un refus ou de se voir appliquer une surprime. Néanmoins, une “grille de référence” - qui comporte un certain nombre de pathologies cancéreuses - prévoit aussi des cas où les personnes doivent mentionner le cancer dont ils sont guéris depuis moins de dix ans mais où l’assureur n’aura pas le droit de refuser de les assurer ou de leur appliquer une surprime en lien avec cet ancien cancer. C’est par exemple le cas pour certains cancers du sein (carcinome canalaire in situ et carcinome lobulaire in situ), de la peau (mélanome in situ ou de niveau I de Clark après exérèse complète et absence de syndrome du naevus dysplasique) ou du col de l’utérus (classe CIN III ou in situ si traitement de référence appliqué et surveillance recommandée par la Haute Autorité de santé) pour lesquels cette disposition s’applique au bout d’un délai d’un an après la fin des traitements. Pour les cancers de la thyroïde, le délai varie de trois à dix ans selon l’âge au moment du diagnostic (avant ou après 45 ans) et le stade d’évolution de la tumeur. Le délai varie également pour les cancers du testicule selon le stade et le type : entre trois ans (séminomes purs en stade I) et dix ans (tumeurs non séminomateuses ou mixtes de stade III).

La Ligue contre le cancer souhaite que cette “grille de référence” soit actualisée régulièrement en fonction des données de la science.

D’autres maladies sont-elles concernées ?

Pour l’instant, le droit à l’oubli est seulement étendu aux patients guéris d’une hépatite C à compter de 48 semaines après la fin du protocole thérapeutique. Mais, pour ces derniers, ce droit est néanmoins assorti d’une série de conditions importantes dont un score de fibrose initiale inférieur ou égal à F2, l’absence de co-infection par le virus de l’immunodéficience humaine et le virus de l’hépatite B, une échographie hépatique normale et aussi une absence de facteurs de risque tels que la consommation de tabac, d’alcool, le syndrome métabolique, le diabète, l’insuffisance rénale ou des antécédents psychiatriques.

Comment faire valoir ces droits ?

Un décret paru au Journal officiel le 14 février 2017 prévoit que les assureurs doivent désormais transmettre une information précise aux candidats à une assurance emprunteur pour que ces derniers puissent savoir s’ils ont quelque chose à déclarer ou non.

Qui va contrôler ?

L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), qui est le régulateur du secteur de la banque et des assurances, est chargée de veiller au bon respect de ces règles. Depuis l’entrée en vigueur de la loi, le service “Actions pour les personnes malades” de la Ligue contre le cancer n’a pas eu de remontées d’anciens malades qui auraient eu des difficultés à faire reconnaître leur droit à l’oubli. Cependant, un décret paru le 9 février 2017 a prévu des sanctions en cas de manquement, afin de sécuriser encore le dispositif.

Textes

• Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé - Article 190 : bit.ly/2mTuZgA

• Grille de référence des conditions d’accès à une assurance emprunteur : bit.ly/2lqcy6L

• Décret n° 2017-173 du 13 février 2017 précisant les modalités d’information des candidats à l’assurance emprunteur lorsqu’ils présentent du fait de leur état de santé ou de leur handicap un risque aggravé : bit.ly/2mTAPi4