Cahier de formation
Savoir faire
C’est la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé qui, dans son chapitre II “Innover pour préparer les métiers de demain”, autorise les infirmiers à prescrire les traitements de substituts nicotiniques. L’objectif est de donner accès au forfait d’aide au sevrage tabagique aux patients qu’ils ont en charge dans le cadre d’une prescription médicale. Une mesure qui va dans le sens du Programme national de réduction du tabagisme 2014-2019 qui prévoit d’impliquer davantage les professionnels de santé, de mobiliser les acteurs de proximité dans l’aide à l’arrêt du tabac et d’améliorer l’accès aux traitements d’aide au sevrage du tabac.
→ La prévalence du tabagisme se stabilise pour atteindre 34,1 % en 2014 chez les 15-75 ans (après une hausse entre 2005 et 2010).
→ Le tabagisme régulier (ou quotidien) concerne 28,2 % des 15-75 ans en 2014. Il est stable chez les hommes, et en baisse chez les femmes (il passe de 26 % en 2010 à 24,3 % en 2014).
→ Le nombre moyen de cigarettes fumées parmi les fumeurs quotidiens (13,5) est stable. Le nombre de cigarettes manufacturées est en baisse, celui des cigarettes roulées en hausse (de 2,8 à 4,4 par jour).
→ Le tabagisme occasionnel est en légère hausse : 5,9 % en 2014.
→ 6 % des 15-75 ans déclarent utiliser la cigarette électronique, 2,9 % chaque jour, 1 % sont des “vapoteurs” exclusifs (ils ne fument pas ou plus de tabac).
→ La proportion d’ex-fumeurs est en augmentation : 31 % en 2014.
→ La part de fumeurs ayant fait une tentative d’arrêt dans l’année est en augmentation : 29 % en 2014.
→ Le tabac est la première cause de mortalité évitable en France.
→ Il est également la première cause de mortalité par cancer.
→ Les décès par tabac représentent 7 % de la mortalité féminine et 21 % de la mortalité masculine.
→ Un fumeur sur deux décèdera du tabac.
Ce sont les seuls traitements pharmacologiques du tabagisme disponibles en vente libre à la pharmacie.
Tous les substituts nicotiniques fonctionnent sur le même principe. Ils délivrent de la nicotine par voie veineuse administrée par absorption transcutanée (patchs) ou par voie orale (gommes, comprimés, inhaleur). La diffusion lente et progressive de la nicotine permet au fumeur de se libérer progressivement de la dépendance en limitant les symptômes de sevrage (irritabilité, humeur dépressive, troubles du sommeil). À la différence des pics de nicotine que procure la cigarette.
Les principales formes de substituts nicotiniques sont les gommes à mâcher, les comprimés, les inhaleurs et les patchs.
→ Les patchs qui délivrent 7, 14 ou 21 mg sur 24 heures (en continu).
→ Les patchs qui délivrent 25, 15 ou 10 mg sur 16 heures (sous forme discontinue).
Au lever sur une peau propre, sèche et saine. Changer de site chaque jour (omoplate, face externe du bras, haut de la fesse…). La patch autorise une douche rapide et peut être protégé par un pansement type Tegaderm. Le patch “16 heures” se retire au coucher, le patch “24 heures” le lendemain matin. L’action du patch débute une heure après son application.
Rougeurs, œdème (gonflement), démangeaisons et sensation de brûlure au point d’application sont possibles et proviennent en général d’applications répétées au même endroit sur la peau. Changer quotidiennement de site d’application et/ou changer de marque.
Il existe des gommes dosées à 2 mg et à 4 mg, de différents parfums et sans sucre. Les gommes dosées à 2 mg utilisées en monothérapie ne sont pas adaptées pour les fumeurs fortement dépendants à la nicotine (score de 4 à 6 au test de Fagerström simplifié, voir l’encadré p.46, ou fumant plus de 20 cigarettes par jour).
Le nombre de gommes à utiliser est lié à la dépendance à la nicotine évaluée au moyen du test de Fagerström simplifié. Ce médicament peut être associé aux dispositifs transdermiques sur avis médical.
En monothérapie, le traitement se fait habituellement en deux phases :
→ première phase (environ trois mois) : mâcher une gomme chaque fois que l’envie de fumer apparaît. Généralement, 8 à 12 gommes par jour sans dépasser 30 gommes par jour ;
→ seconde phase : quand l’envie de fumer est surmontée, réduire progressivement le nombre de gommes mâchées par jour. Arrêter le traitement lorsque la consommation est réduite à 1 à 2 gommes par jour.
Il est recommandé de ne pas utiliser les gommes à mâcher au-delà de douze mois, mais certains ex-fumeurs éprouvent des difficultés à s’en passer.
L’effet est ressenti après quelques minutes, la concentration maximale de nicotine dans le sang est obtenue en trente minutes environ.
Hoquets, brûlures d’estomac, irritations de la gorge, inconfort abdominal sont possibles, généralement quand la gomme est mâchée trop vite.
Ils sont plus facile à utiliser et plus discrets que les gommes.
Ils sont dosés à 1, 1,5, 2, 2,5 et 4 mg. Les comprimés dosés à 1,5 mg ou 2 mg sont indiqués chez les fumeurs faiblement ou moyennement dépendants, qui fument leur première cigarette au-delà de trente minutes après le réveil.
→ Le comprimé – ou la pastille – à sucer est placé dans la bouche où il va se dissoudre. La nicotine libérée est progressivement absorbée par la muqueuse buccale. Le comprimé doit être régulièrement déplacé d’un côté à l’autre de la bouche jusqu’à dissolution complète (environ vingt à trente minutes). En cas de succion trop rapide, une partie de la nicotine ne diffuse pas à travers la muqueuse buccale mais est avalée. Le comprimé ne doit être ni mâché ni avalé. S’abstenir de boire ou de manger pendant la prise.
→ Le comprimé sublingual est placé sous la langue, ou entre joue et gencive, et se dissout lentement pendant environ trente minutes. Il ne doit être ni avalé ni croqué.
Le traitement se fait habituellement en trois étapes :
→ étape 1 : semaines 1 à 6, un comprimé à sucer toutes les heures voire toutes les deux heures ;
→ étape 2 : semaines 7 à 9, un comprimé à sucer toutes les deux à quatre heures ;
→ étape 3 : semaines 10 à 12, un comprimé à sucer toutes les quatre à huit heures.
Pour aider à la poursuite du sevrage après les douze semaines : un à deux comprimés à sucer par jour seulement en cas de tentations fortes.
Ne pas dépasser quinze comprimés par jour. Il est recommandé de ne pas utiliser les comprimés au-delà de six mois.
Hoquets, irritations de la gorge, inconfort abdominal, généralement si le comprimé est sucé trop vite.
Dispositif rappelant la forme d’une cigarette électronique contenant une cartouche de 10 mg de nicotine. Le geste est semblable à celui de la cigarette. L’air aspiré se charge de micro-gouttelettes de nicotine qui sont absorbées par la muqueuse buccale. Il existe un goût de tabac apprécié par certains.
L’inhaleur est utilisé chaque fois que l’envie de fumer apparaît. Prendre une bouffée de la même manière qu’avec une cigarette. La fréquence des aspirations et leur intensité sont adaptées aux besoins du patient. La durée d’une cartouche peut varier de vingt minutes jusqu’à quatre fois vingt minutes en fonction des aspirations.
Le traitement se fait habituellement en deux phases :
→ première phase (environ trois mois) : le nombre de cartouches utilisées est fonction des besoins du patient, généralement de six à douze par jour sans dépasser douze cartouches par jour ;
→ seconde phase : quand l’envie de fumer est complètement surmontée, le nombre de cartouches par jour est réduit progressivement durant six à huit semaines si nécessaire.
Toux et irritation buccale possibles.
Solution pour pulvérisation buccale à 1 mg par dose.
Après amorçage de la pompe, placer l’embout du pulvérisateur aussi près que possible de la bouche. Appuyer sur la partie supérieure du distributeur en évitant les lèvres. Il est recommandé de ne pas inhaler lors de la pulvérisation pour que le produit n’entre pas dans les voies respiratoires. Éviter de déglutir pendant les quelques secondes qui suivent la pulvérisation. S’abstenir de manger et de boire lors de la pulvérisation buccale. S’abstenir impérativement de fumer au cours du traitement par ce médicament.
Le spray a l’absorption la plus rapide, avec un effet sur l’envie de fumer ressenti dès la première minute après administration.
Hoquets, irritations de la gorge, inconfort abdominal sont possibles.
Le traitement se fait habituellement en trois étapes :
→ étape 1 : semaines 1 à 6, une ou deux pulvérisations aux moments habituels de consommation de tabac ou en cas d’envie irrésistible de fumer (quinze cigarettes par jour correspondent à une à deux pulvérisations au moins quinze fois par jour). Si l’envie persiste quelques minutes après une pulvérisation, utiliser une deuxième pulvérisation. La plupart des fumeurs doivent utiliser une ou deux pulvérisations toutes les trente minutes à une heure ;
→ étape 2 : semaines 7 à 9, réduire le nombre quotidien de pulvérisations pour obtenir, à la fin de la semaine 9, un nombre moyen de pulvérisations égal à la moitié de celui de l’étape 1 ;
→ étape 3 : semaines 10 à 12, réduire le nombre de pulvérisations jusqu’à un maximum de quatre pulvérisations par jour à la semaine 12. À partir de deux à quatre pulvérisations par jour, l’arrêt est possible.
Le dosage est choisi en fonction du degré de dépendance pharmacologique sachant qu’une cigarette représente 1 mg de nicotine, qui correspond à 1 mg de substitut. Donc pour substituer un paquet de vingt cigarettes par jour, il faut un patch à 21 mg par 24 heures ou à 25 mg pour 16 heures. Sachant qu’une cigarette roulée vaut deux ou trois cigarettes normales. Plusieurs patchs peuvent être nécessaires pour les fortes dépendances, sur avis médical.
Le sous-dosage se manifeste par une persistance de l’envie de fumer, une irritabilité, une nervosité, une concentration difficile… L’ajustement des doses peut nécessiter plusieurs jours. Mettre en garde les patients qui veulent trop réduire la dose de nicotine ou trop vite, car le sous-dosage est facteur d’échec. Faire un point dès la première semaine pour adapter au besoin la posologie, puis toutes les deux à trois semaines.
Plus rare que le sous-dosage, le surdosage peut entraîner nausées, bouche pâteuse, dégoût du tabac, diarrhées, insomnie, maux de tête…
Le traitement peut durer de six semaines à six mois selon les personnes. Les doses sont diminuées progressivement. En pratique, la durée doit être suffisante pour prévenir les rechutes, jusqu’à six, douze mois, voire plus si nécessaire. Le risque de dépendance aux substituts nicotiniques est très faible et ne concerne que les formes orales. Il s’agit plutôt d’une “dépendance comportementale”, préférable à la reprise du tabagisme.
Même si la motivation reste le facteur de réussite prépondérant, les substituts nicotiniques doublent, voire triplent les chances d’arrêt à un an. À posologie égale, les différentes formes ont une efficacité équivalente. L’association de plusieurs formes de substituts nicotiniques est possible sous contrôle médical (par exemple, patch et gommes ou patch et inhaleur). L’efficacité du traitement est renforcée.
Chez les femmes enceintes ou qui allaitent et chez les personnes venant de faire un infarctus du myocarde ou un accident vasculaire cérébral, l’utilisation des substituts nicotiniques doit se faire sous contrôle médical.
Elle peut être contrôlée par quelques précautions diététiques. Expliquer qu’il faut peut-être accepter de prendre quelques kilos qui seront perdus par la suite. Admettre dans un premier temps qu’arrêter de fumer, c’est 200 kilocalories brûlées en moins et 3 ou 4 kg en plus…
La nicotine augmente la libération de certains neuromédiateurs dont la sérotonine. Il faut quelques semaines pour que le corps s’adapte à l’arrêt du tabac. Si ce symptôme persiste, consulter.
La nicotine accélère la vidange digestive et intestinale. Un laxatif doux ou adsorbant peut être proposé.
Elles sont possibles pendant deux, trois semaines car l’arrêt du tabac améliore la fluidification des sécrétions bronchiques.
Il est possible chez les gros buveurs de café car le tabac accélère le catabolisme de la caféine. Consommer moins de café ou passer au décaféiné.
L’Assurance maladie rembourse, sur prescription, les traitements par substituts nicotiniques (patch, gomme, pastille, inhaleur…) à hauteur de 150 euros par année civile et par personne.
Les substituts nicotiniques doivent être prescrits sur une ordonnance consacrée exclusivement à ces produits, aucun autre traitement ne doit figurer sur cette ordonnance.
Pour être remboursés par l’Assurance maladie, ces substituts nicotiniques doivent figurer sur la liste de près de 200 substituts nicotiniques pris en charge disponible sur le site de l’Assurance maladie (www.ameli.fr).
Pas de tiers payant en la matière, l’assuré doit faire l’avance du paiement à la pharmacie. Pour bénéficier du remboursement forfaitaire par l’Assurance maladie :
→ soit la personne présente sa carte Vitale à la pharmacie, la feuille de soins est directement transmise à la caisse d’Assurance maladie de l’assuré. Le remboursement est versé dans les cinq jours ;
→ soit la personne ne présente pas sa carte Vitale. Le pharmacien lui délivre alors une feuille de soins papier à envoyer à la caisse de Sécurité sociale de l’assuré.
Seul le montant du forfait de 150 euros sera remboursé au patient, même si la facture dépasse cette somme (voir le tableau p.47).
(1) Baromètre santé INPES 2014.
(2) Programme national de réduction du tabagisme 2014-2019 (à consulter via bit.ly/2nd7jXP)
En visite chez M. N., 53 ans, pour la réfection d’un pansement, celui-ci vous apprend qu’il a entendu dire que les infirmières peuvent prescrire des substituts nicotiniques. Il est fumeur et serait intéressé. Il vous dit aussi que son frère de deux ans son aîné serait également concerné.
Soit vous lui dites que vous pouvez effectivement lui prescrire des substituts nicotiniques : il faudra alors que vous voyez ensemble ce qui peut lui convenir. Mais cette prescription n’étant possible que dans le cadre d’une prise en charge médicale, ce ne sera pas possible pour son frère. Soit vous lui dites que vous n’êtes pas formée sur ce type de dispositif et vous l’incitez à en parler à son médecin traitant ou à se tourner vers une structure de lutte contre le tabac qui pourra lui proposer le traitement le mieux adapté, pour lui comme pour son frère. Lors de la visite suivante, vous lui donnez la liste des consultations de tabacologie dans sa ville (à retrouver sur www.tabac-info-service.fr).
→ Les médicaments
Le bupropion (Zyban LP) et la varénicline (Champix) bénéficient d’une indication dans le sevrage tabagique et ne sont délivrés que sur prescription médicale.
→ Les thérapies comportementales et cognitives (TCC)
Elles aident à modifier les comportements ou les habitudes de pensées : ne pas “craquer” en voyant une autre personne fumer, changer certaines habitudes, gérer son stress autrement qu’en fumant, comprendre à quoi correspondent certaines cigarettes fumées (réflexes, rituels, gestion de l’anxiété, plaisir)…
Les TCC peuvent être abordées via les consultations de tabacologie ou directement auprès d’un thérapeute cognitivo-comportementaliste.
→ Autres techniques
L’efficacité de l’acupuncture, la mésothérapie, l’homéopathie ou l’hypnose n’est pas prouvée. Elles peuvent néanmoins être une aide pour certains fumeurs.
D’autres techniques comme la relaxation, certains médicaments ou plantes relaxantes contre l’anxiété peuvent être des aides complémentaires.
→ Deux questions
Combien de cigarettes fumez-vous par jour ?
– 10 ou moins : 0
–
– 11 à 20 : 1
– 21 à 30 : 2
– 31 ou plus : 3
Dans quel délai après le réveil fumez-vous votre première cigarette ?
– Moins de 5 minutes : 3
– 6 à 30 minutes : 2
– 31 à 60 minutes : 1
– après plus d’1 heure : 0
→ Interprétation
De 0 à 1 : pas de dépendance à la nicotine. L’arrêt du tabac est possible sans recours à des substituts nicotiniques. Si le fumeur redoute l’arrêt, conseiller d’appeler Tabac info service.
De 2 à 3 : dépendance modérée. L’arrêt du tabac est possible sans recours à des substituts nicotiniques. En cas de manque ou de difficultés passagères (irritabilité, envie très forte…), un substitut nicotinique par voie orale peut aider et augmenter les chances de réussite.
De 4 à 6 : dépendance forte. Un traitement pharmacologique à dose suffisante et adaptée est recommandé (substitut nicotinique, bupropion, varenicline).