L'infirmière Libérale Magazine n° 335 du 01/04/2017

 

Cahier de formation

Savoir faire

Les infirmières peuvent renouveler une prescription de contraception orale, en connaissant les médicaments utilisés, les précuations d’emploi et les contre-indications. De même, elles ont la possibilité de prescrire des substituts nicotiniques aux patients dont elles assurent la prise en charge.

La pilule contraceptive est la méthode de contraception la plus utilisée en France. Comme tout médicament, elle présente des contre-indications, des précautions d’emploi et des effets indésirables à évaluer au moment de la prescription. Si sa prescription concerne davantage les infirmières scolaires que les libérales, il n’est pas impossible de faire face à une demande. Philippe Gentit se souvient d’avoir renouvelé une seule fois une prescription de pilule : « C’était juste avant l’affaire des pilules de troisième et quatrième générations (lire l’encadré p.42). Ce qui m’a fait rétroactivement réfléchir à mon acte de prescription. »

LÉGISLATION

Un droit pour les infirmières et les pharmaciens

Depuis le 23 juillet 2009, confor mément à l’article L.4311-1 du Code de la santé publique, les infirmières sont autorisées à renouveler les prescriptions de contraceptifs oraux datant de moins d’un an pour une durée maximale de six mois, non renouvelable.

Tous les contraceptifs oraux

L’article du Code de la santé publique précise : « À l’exclusion des contraceptifs oraux figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de la Santé. » Cependant, cette liste n’est toujours pas parue : les infirmières peuvent donc tous les prescrire.

DEUX TYPES DE PILULES

Les contraceptifs oraux agissent sur les deux types d’hormones sexuelles féminines : l’œstrogène et/ou la progestérone.

Les pilules œstroprogestatives

Aussi appelées contraceptifs hormonaux combinés, ces pilules contiennent un œstrogène de synthèse (éthinylestradiol) ou naturel (estradiol) et un progestatif de synthèse (variable) qui bloquent l’ovulation. Ce qui correspond à la plupart des pilules contraceptives proposées aux femmes en l’absence de facteur de risque particulier. Ces pilules sont très fiables si elles sont bien utilisées. Le traitement est interrompu pendant une période de sept ou quatre jours pendant laquelle surviennent les règles. Il existe plusieurs types de pilules œstroprogestatives.

Plusieurs compositions

Selon le type et la dose d’œstrogène

Les pilules œstroprogestatives contiennent au maximum 35 microgrammes d’éthinylestradiol, œstrogène le plus souvent utilisé. Elles sont toutes dites “minidosées”. Quelques pilules plus récentes contiennent de l’estradiol (Qlaira, Zoely), œstrogène naturellement présent chez la femme.

Selon le type de progestatif

→ Noréthistérone : ce progestatif dit “de première génération”, apparu dans les années 1960, n’est plus commercialisé en France.

→ Lévonorgestrel, norgestrel, “de deuxième génération” (années 1970-1980).

→ Désogestrel, gestodène, norgestimate, “de troisième génération” (années 1990).

→ Les autres progestatifs (drospirénone, acétate de chlormadinone, diénogest), les plus récents, sont parfois dits “de quatrième génération”.

Selon le type d’association

→ Les pilules minidosées monophasiques : une même quantité d’hormones est administrée tous les jours. Ce type d’association concerne un grand nombre de formes commerciales (Belanette, Belara, Convuline, Drospibel…).

→ Les minidosés biphasiques : deux dosages différents administrés en fonction de la phase du cycle, deux types de comprimés (Adepal, Pacilia, Seasonique).

→ Les minidosés triphasiques : trois dosages, trois types de comprimés (Daily, Evanecia, Perléane, Tri-Minulet, Trinordiol).

→ Les minidosés multiphasiques : plus de trois dosages.

Principaux effets indésirables

Les pilules sont généralement bien tolérées, d’autant mieux qu’elles sont faiblement dosées.

Effets secondaires gênants

Sont possibles, surtout en début de traitement : petits saignements hors période des règles, nausées, gonflement des seins et parfois aménorrhées ou problèmes de peau. Ces effets disparaissent habituellement avec le temps. En cas de nausées, conseiller de prendre la pilule au milieu d’un repas.

Effets secondaires graves

Ils sont rares mais imposent d’interrompre le traitement. C’est essentiellement, au niveau vasculaire, l’accident thrombotique veineux (phlébite, embolie pulmonaire) ou artériel (infarctus du myocarde, AVC). Les pilules de deuxième génération contenant du lévonorgestrel sont préconisées en première intention (ANSM). Les pilules de troisième génération contenant du désogestrel ou du gestodène et celles de quatrième génération contenant de la drospirénone ne doivent pas être utilisées en première intention. Elles exposent à un risque accru d’accidents thromboemboliques et ne sont plus remboursées.

Contre-indications

Des antécédents personnels ou familiaux d’hypertension artérielle, de diabète, d’excès de cholestérol, de migraine ou de phlébite peuvent faire choisir des alternatives avec des pilules uniquement progestatives ou la pose d’un stérilet. Fumer plus de dix cigarettes par jour est une contre-indication relative chez les femmes de plus de 35 ans.

Les pilules progestatives

Ces pilules ne contiennent que des progestatifs, qui présentent moins de contre-indications que les pilules œstroprogestatives. Elles sont dites “microdosées” car elles contiennent une très faible dose d’hormone (Microval, Cerazette et génériques de Cerazette : Antigone, Clareal, Désogestrel génériques, Desopop, Lactinette, Optimizette). Elles sont efficaces à condition d’une prise régulière, tous les jours à la même heure, y compris pendant les règles. Ces contraintes les rendent un peu moins efficaces en pratique que les pilules œstroprogestatives.

Effets indésirables

L’irrégularité des saignements est l’effet le plus fréquemment rapporté (jusqu’à 50 % des femmes utilisant le désogestrel). Les autres effets les plus fréquemment rapportés sont : de l’acné, une modification de l’humeur, une humeur dépressive, une douleur mammaire (mastodynies), des nausées, des céphalées, une prise de poids, une diminution de la libido.

Contre-indications

→ Accidents thromboemboliques veineux évolutifs.

→ Présence ou antécédent d’affection hépatique sévère, tant que les paramètres de la fonction hépatique ne sont pas normalisés.

→ Tumeurs malignes sensibles aux stéroïdes sexuels connues ou suspectées.

→ Hémorragies génitales inexpliquées.

PRINCIPALES INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

Ces interactions peuvent entraîner un saignement génital survenant en dehors des règles (métrorragie) et/ou un échec de la contraception.

L’association d’une contraception hormonale est déconseillée avec :

→ les inducteurs enzymatiques : certains anticonvulsivants comme les barbituriques (Alepsal, Gardenal…), la carbamazépine (Tegretol), la phénytoïne (Di-Hydan, Dilantin…), la primidone (Mysoline), la rifampicine (Rovamycine, Rifadine…), la griséofulvine (Griséfuline), le millepertuis ;

→ certains inhibiteurs de protéases du VIH : ritonavir (Norvir), nelfinavir, lopinavir (Kaletra), éfavirenz (Sustiva et génériques) et névirapine (Viramune et génériques) ;

→ le modafinil (Modafinil, Modiodal) utilisé dans la prise en charge de narcolepsies.

Il est préférable d’utiliser une autre méthode de contraception non hormonale (stérilet) durant la période d’interaction et le cycle suivant ou d’associer un préservatif à la pilule contraceptive.

VALIDITÉ DE LA PRESCRIPTION

La vérification de la bonne observance du traitement

L’infirmière peut renouveler les prescriptions de contraceptifs oraux dans les mêmes conditions que le pharmacien*. Avant de renouveler, il est recommandé (aux pharmaciens) de s’assurer que :

→ la prescription date de moins d’un an ;

→ la durée de validité de l’ordonnance est expirée ;

→ la totalité des contraceptifs prescrits a été délivrée.

La rédaction de la prescription

Pour procéder au renouvellement d’une prescription de contraceptifs oraux, l’infirmière doit porter sur l’original de l’ordonnance médicale :

→ son identification complète : nom, prénom et numéro d’identification ;

→ la mention « renouvellement infirmier » ;

→ la durée de ce renouvellement, exprimée en mois, pour six mois au plus ;

→ la date de ce renouvellement.

Cet original est par la suite remis à la patiente.

* “Contraception hormonale orale : dispensation en officine”, fiche mémo de la Haute Autorité de santé, décembre 2013 (à consulter via bit.ly/2nADwcM).

Cas pratique

La fille de Mme R., chez qui vous êtes en visite, vous demande si vous pouvez renouveler sa prescription de pilule contraceptive. Elle n’a pas eu le temps de revoir le médecin.

Soit vous lui demandez la précédente ordonnance du médecin et vous lui posez quelques questions sur la bonne tolérance et la bonne observance du traitement avant de renouveler. Soit vous lui dites que vous n’êtes pas formée sur les contraceptifs oraux et vous lui conseillez de s’adresser à son pharmacien plus au fait de ce type de médicament et qui peut aussi renouveler son ordonnance.

Pilules de troisième et quatrième générations sous contrôle

L’année 2013 a été marquée par un tollé sur les pilules de troisième et quatrième générations après le dépôt de plainte d’une jeune femme imputant son lourd handicap à l’utilisation d’une pilule de troisième génération. La même année, un rapport de l’ANSM* évaluait que :

→ sur les 2 529 accidents thromboemboliques veineux attribuables à l’utilisation des pilules œstroprogestatives, 1 751 sont imputables aux pilules de troisième et quatrième générations ;

→ sur les vingt décès annuels par embolie pulmonaire attribuables à l’utilisation des pilules œstroprogestatives, six étaient liés aux pilules de première et deuxième générations, et quatorze aux pilules de troisième et quatrième générations.

Afin de limiter le risque d’accidents thromboemboliques veineux et de décès associés, l’ANSM recommandait de n’utiliser les pilules de troisième et quatrième générations qu’en seconde intention après avoir pris en compte les facteurs de risque avant toute prescription.

Source : “Risque thromboembolique veineux attribuable aux contraceptifs oraux combinés (COC) et évolution de leur utilisation”, Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), mars 2013 (à télécharger via bit.ly/2mOUTlR).

Point de vue

Une évaluation est nécessaire

Patricia Adam, infirmière scolaire, secrétaire générale adjointe du syndicat des infirmiers (ières) éducateurs en santé de l’Éducation nationale (Snies-UNSA)

« Avant la prescription d’une pilule, il y a toujours un entretien et une consultation infirmière, une prise de la tension, du poids, de la taille, etc. Cet acte infirmier fait partie de notre mission, et notre responsabilité est engagée. Une jeune fille peut demander un renouvellement quelques mois après la première prescription. Il faut alors l’interroger sur la présence d’effets indésirables qui ont pu apparaître en lien avec la prise d’un autre traitement ou la survenue d’une maladie. Nous avons bénéficié d’une journée de formation avec des gynécologues, des sages-femmes ou des intervenants du planning familial lorsque l’autorisation de renouveler les prescriptions a été donnée aux infirmières. »

Questions de patiente

Est-ce que certaines pilules œstroprogestatives sont plus efficaces que d’autres ?

Non, il n’y a pas de différence d’efficacité entre elles. Le nombre de grossesses pour cent femmes prenant une pilule œstroprogestative pendant un an est inférieur à un, quel que soit le type de pilule, à condition qu’il n’y ait pas d’oubli de prise.

Est-ce que les pilules de troisième génération sont mieux tolérées que d’autres ?

Aucune étude n’a démontré d’intérêt clinique supplémentaire des pilules de troisième génération sur les effets indésirables comme l’acné, la prise de poids, les nausées, les jambes lourdes, les mastodynies…

Est-ce que ma pilule œstroprogestative va me faire grossir ?

Non, ces pilules augmentent parfois l’appétit, mais elles sont faiblement dosées et ne font pas grossir.

Les générations de pilules

Différents types de pilules œstroprogestatives sont aujourd’hui commercialisées en France. Elles sont classées par “générations” selon le ou les progestatifs qu’elles contiennent, l’œstrogène étant le même pour toutes (éthinylestradiol). Les progestatifs les plus récents ont été élaborés pour limiter les effets secondaires (gonflement des seins, nausées…), ce qui pourrait laisser supposer que les plus récentes sont préférables. En fait, cette classification ne préjuge en rien des avantages ou inconvénients d’une “génération” par rapport aux autres. Les progestatifs de deuxième génération sont ceux qui entraînent le moins d’accidents vasculaires.