L'infirmière Libérale Magazine n° 335 du 01/04/2017

 

DOULEUR POSTOPÉRATOIRE À DOMICILE

Actualité

Sandrine Lana  

L’intervention de l’Idel dans la prise en charge des patients en chirurgie ambulatoire s’avère trop tardive, comme l’a souligné un Idel-Iade lors du forum régional de l’Idel, le 9 juin à Avignon. Dans ce cas, comment peut-elle faire face à leur douleur à domicile, après l’opération, dès J-0 ?

« L’IDEL N’INTERVIENT PAS AVANT LE RETOUR À DOMICILE lors d’une prise en charge en ambulatoire », a rappelé – et regretté – René Still lors du Forum régional de l’Idel, organisé le 9 juin à Avignon (Vaucluse) par l’URPS (Union régionale des professionnels de santé)-infirmières PACA. Cet Idel installé à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (Var) porte également les casquettes d’infirmier anesthésiste diplômé d’État, en collaboration libérale avec deux groupes de médecins anesthésistes, et de cadre de santé formateur en Ifsi spécialisé en algologie.

La place du placebo

Selon ce professionnel, la tardive intervention de l’Idel dans le parcours de soin en chirurgie ambulatoire est un manquement dans le protocole de soins. Car l’Idel reste « la personne la plus proche dans la vie du patient », souligne René Still. C’est à elle que revient le rôle d’évaluer la douleur dès le retour à domicile. « En ambulatoire (et en général), le diagnostic de la douleur chronique ou aiguë est un diagnostic commun du médecin ET de l’infirmière. »

Le conseil de cet infirmier anesthésiste est d’évaluer la douleur entre trois à cinq fois par jour (même par téléphone, s’il n’est pas possible de passer). De plus, dans le traitement de la douleur, « l’effet placebo a toute sa place. L’humain est capable de sécréter des endorphines diminuant la douleur. À partir du moment où le patient se sent écouté et pris en charge, forcément, il est dans cet état de bien-être et peut sécréter ces endorphines. Il ne faut donc pas lâcher les patients ».

Protocole d’analgésie multimodale

René Still évoque les protocoles analgésiques de prise en charge de la douleur chez le patient. Les meilleurs résultats sont obtenus par un protocole d’analgésie multimodale (AM), prévoyant notamment un analgésique périphérique de palier 1, un anti-inflammatoire en prise orale et un analgésique de palier 2. Ce protocole doit faire l’objet d’une discussion entre le prescripteur et l’infirmière libérale et se fait en plus d’une prise en charge non médicamenteuse. L’AM est également recommandée par la Société française d’anesthésie et de réanimation, qui propose sur son site Internet des fiches de recommandations concernant la prise en charge postopératoire(1).

« L’AM permet de diminuer les effets secondaires et de réduire les doses, ajoute René Still. Si on connaît bien son patient, on doit pouvoir adapter ce protocole selon l’évaluation de la douleur et le mode de vie du patient. » Mais, dans ce cas, un tel protocole doit être établi, tenant lieu de prescription et permettant donc à l’Idel cette pratique. Sans protocole, l’Idel ne peut adapter elle-même le traitement.

« Encore un cas floupour nous les Idels… »

Le spécialiste en algologie attire, en outre, l’attention sur la prise en charge de l’analgésie par cathéter périnerveux : « Elle est interdite pour les Idels. » Dans la salle, étonnement, demandes de précision… « La législation permet à l’infirmière de mettre en place un protocole d’analgésie(2), à condition que le médecin puisse intervenir à tout moment. Le hic : la gestion de changement de flacon sur un cathéter périnerveux n’est pas dans la NGAP. Ne prenez pas ce risque à domicile : jusqu’à présent, l’Ordre des infirmiers et la CPAM ne l’autorisent pas. S’il y a un souci, votre assurance n’interviendra pas », met-il en garde. La surveillance clinique est donc permise pour les Idels mais pas la manipulation des cathéters. « Encore un cas flou pour nous », souffle une Idel dans l’assemblée… « Il faut travailler et communiquer pour qu’un protocole soit bientôt disponible pour nous », conclut l’infirmier.

Autre élément essentiel durant une prise en charge en ambulatoire : la communication à tous les niveaux. Avec son patient d’une part, pour évaluer sa douleur, son autonomie. D’autre part, les contacts avec les équipes de l’hôpital sont bénéfiques pour tous. « Décrochez votre téléphone, ils seront ravis, scande l’Idel. Il n’y a pas de travail de qualité possible sans un retour d’informations aux équipes soignantes. »

(1) sfar.org, onglet “Référentiels”, puis “ALR et douleur”, sous-partie “Douleur post-opératoire”.

(2) Article R.4311-9 du Code de la santé publique : « injections de médicaments à des fins analgésiques dans des cathéters périduraux et intrathécaux ou placés à proximité d’un tronc ou d’un plexus nerveux, mis en place par un médecin et après que celui-ci a effectué la première injection. »