Cahier de formation
Savoir faire
La vaccination anti-HPV étant l’objet de controverses, débats, plaintes et demandes d’indemnisation, le fait de l’évoquer chez les jeunes filles expose les Idels à des situations parfois difficiles à gérer d’autant qu’elles peuvent elles-mêmes être troublées par le climat de défiance auquel participent certains membres de la communauté médicale et scientifique, et elles n’ont pas toujours les arguments tangibles à opposer à ceux avancés par les détracteurs de la vaccination. « En tant que soignante, je me fais un devoir de rappeler l’importance de la vaccination et de la préconiser, commente l’Idel Isabelle Allison. Mais il est vrai que mes collègues et moi sommes de plus en plus souvent confrontées à des patientes en pleine confusion, ne sachant pas qui croire, voire totalement acquises à l’idée de ne plus faire vacciner leurs enfants au prétexte que les vaccins leur font courir des risques inacceptables. Nous tentons bien de leur rappeler les bénéfices historiques de la vaccination, que le risque zéro n’existe pas, que beaucoup d’études montrent que les complications post-vaccinales observées restent marginales, mais ce n’est souvent pas suffisant pour les rassurer. » Les Idels se documentent donc sur ce sujet, pour pourvoir étayer leur argumentation et répondre de manière circonstanciée et factuelle aux patientes dans le doute.
De manière pragmatique, un moyen d’y contribuer consiste à répertorier les principales critiques du vaccin HPV et les réponses possibles à la lueur des connaissances actuelles et des études
Les deux vaccins actuellement disponibles ne protègent effectivement que sept femmes sur dix. Mais faire courir un risque de CCU à dix femmes sur dix au prétexte que “seulement” sept sont protégées est-il fondé ? Qui plus est, le Gardasil 9 valences, qui devrait être prochainement commercialisé en France, permettra d’étendre la protection à plus de neuf femmes sur dix.
0,7 % de morts évitables, n’est-ce pas 0,7 % de trop d’un point de vue médical et humain ? Par ailleurs, peut-on tolérer et ne pas s’alarmer de la mort évitable de 1 000 femmes au prétexte de ne pas inquiéter les jeunes filles en leur expliquant qu’en refusant de se vacciner, elles prennent le risque d’être contaminées par le HPV et de développer, au pire, un cancer, et a minima un condylome acuminé dommageable pour leur vie sexuelle et leur qualité de vie ?
Le dépistage ne permet pas de diminuer les infections à HPV. Il permet de détecter celles qui ont évolué en lésions précancéreuses, voire en cancer. Par ailleurs, seulement 61 % des femmes se font dépister, ce qui n’est pas suffisant. Dès lors, il est important de promouvoir la vaccination pour réduire les risques de contamination par les HPV couverts par les vaccins pour les 39 % de femmes qui n’adhèrent pas au programme de dépistage. En outre, pour celles qui se font vacciner, il est important de se faire dépister quand même car les vaccins existants, même s’ils devraient couvrir près de 90 % des risques de cancer avec le 9 valences, ne couvrent pas la totalité des virus oncogènes.
Les sels d’aluminium figurent parmi les adjuvants les plus utilisés dans le monde avec un recul d’utilisation de 90 ans et des centaines de millions de doses injectées. Néanmoins, l’aluminium est aujourd’hui mis en cause dans l’apparition d’une quinzaine de maladies pouvant être dues à un processus auto-immun incluant des affections neurologiques (affections démyélinisantes du système nerveux central et syndrome de Guillain-Barré), rhumatologiques (lupus localisé ou systémique, vascularites, polyarthrite rhumatoïde, myosite ou dermatomyosite, syndrome de Gougerot-Sjögren), hématologiques (purpura thrombopénique immunologique), endocriniennes (diabète de type 1, thyroïdites, pancréatites) et gastro-intestinales (maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, maladie cœliaque)
Mettre la pertinence des études en doute revient à discréditer et remettre en doute l’indépendance des organismes ou les institutions qui les conduisent : entre autres, le Centre for Disease Control (CDC) qui confirme le bon profil de tolérance du Gardasil sur 56 millions de doses administrées entre 2006 et 2013 aux États-Unis
Actuellement, la vaccination HPV reste très orientée sur la prévention du CCU. « Or il est important d’avoir une vision large des risques liés à l’infection HPV, insiste le Dr Darmon. Ces risques concernent d’autres cancers (vaginal, vulvaire, anal, ORL), mais aussi les condylomes acuminés (MST) dont la fréquence (50 000 nouveaux cas par an), la contagiosité, le vécu psychologique très douloureux, les traitements pénibles et longs, et les récidives fréquentes retentissent lourdement sur la qualité de vie des patients. » D’où l’intérêt d’inciter les Idels à saisir toutes les opportunités pour parler de la vaccination HPV non seulement en termes de prévention des cancers génitaux mais aussi de prévention des MST. « C’est effectivement un argument auquel on ne pense pas forcément et qui peut en soi constituer un moyen d’aborder plus généralement la prévention des MST qu’elle soit vaccinale (CCU, condylomes) ou mécanique (préservatif), l’une ne dispensant pas de l’autre pour se protéger de toutes les MST », conclut Isabelle Allison.
(1) Les réponses sont issues d’entretiens avec le Pr Denis Querleu et le Dr Jean-Claude Darmon ainsi que de l’intervention du Dr Odile Bouchard, médecin interniste spécialiste des pathologies infectieuses et tropicales à Avignon, lors de la 11e rencontre du réseau Oncosud, novembre 2016.
(2) ANSM, Assurance maladie, “Vaccins anti-HPV et risque de maladies autoimmunes : étude pharmaco-épidémiologique”, Rapport final (à télécharger via bit.ly/1OvGJQO).
(3) Rapport à consulter via bit.ly/2q6KT9A
(4) Le HCSP encourage aussi, dans une étude de 2013 (bit.ly/1yaYbCT), la poursuite des recherches destinées à évaluer la sécurité des adjuvants. Il ne remet pas en cause la sécurité des vaccins contenant de l’aluminium. Autre étude à signaler, celle de l’Académie nationale de pharmacie de 2016 (bit.ly/1SkujcG), selon laquellele rapport bénéfice/risque est en faveur de l’utilisation des adjuvants aluminiques.
(5) Dr Odile Bouchard, intervention lors de la 11e rencontre du réseau Oncosud, novembre 2016.
Vous intervenez chez Mme R. pour réaliser le rappel DT-Polio de ses jumelles de 12 ans et vous en profitez pour lui indiquer que ses filles se situent dans la fenêtre (11-13 ans) de vaccination contre le HPV. Pourtant convaincue de l’intérêt de la vaccination, elle vous explique qu’elle est très ébranlée par tout ce qu’elle entend et lit sur ce sujet en général, et sur la vaccination HPV en particulier, et qu’elle ne se sent pas prête pour l’instant à faire vacciner ses filles contre ce risque.
Vous vous étiez préparée à cette réaction et lui répondez que vous la comprenez compte tenu de la controverse entretenue autour de ce vaccin. Vous lui proposez d’en discuter afin de lui apporter quelques arguments et éléments de réponses pour l’aider dans sa réflexion et sa prise de décision.