L'infirmière Libérale Magazine n° 336 du 01/05/2017

 

Soins de support

Cahier de formation

Point sur

Marie Fuks  

Au fur et à mesure des séances, la radiothérapie peut provoquer des réactions locales mais aussi systémiques. Point sur les moyens et conseils permettant aux Idels d’en limiter l’impact et de préserver ainsi une meilleure qualité de vie des patients soumis à ce traitement.

Ciblée et totalement indolore en soi, la radiothérapie peut engendrer des effets secondaires spécifiques à la zone du corps visée par l’irradiation (lire l’encadré ci-dessous) et des effets communs à tous les cancers (radiodermite, fatigue), dont les retentissements sur la qualité de vie des patients peuvent être majeurs et nécessitent de mobiliser tous les acteurs de santé susceptibles d’intervenir pour en prévenir la survenue et en limiter l’aggravation.

Prévenir et traiter les radiodermites

Généralités

Si la radiothérapie peut provoquer des troubles cutanés chroniques(1), c’est plus fréquemment dans les jours ou les semaines qui suivent le début de la radiothérapie qu’une radiodermite aiguë plus ou moins sévère survient. Elle peut prendre différentes formes : radiodermite sèche, exsudative ou radionécrose aiguë correspondant à un grade de sévérité classifié de I à IV. De nombreux facteurs (chimiothérapie concomitante(2), altération préalable de la zone traitée, âge avancé, immunosuppression, tabagisme, dénutrition) peuvent favoriser et aggraver la toxicité cutanée radio-induite, comme le souligne un référentiel de l’Afsos(3). Aucun traitement radioprotecteur n’ayant fait à ce jour la preuve de son efficacité, il est important de rappeler les mesures préventives à prendre avant les séances et en cours de radiothérapie pour limiter la survenue et l’aggravation des radiodermites. « Les Idels peuvent non seulement rappeler ces informations aux patients, mais aussi contribuer à repérer précocement les rougeurs suspectes pour mettre en place les conseils appropriés », explique Véronique Tual, cadre de santé à l’Institut Curie, également impliquée dans les soins de support à l’Afsos.

Mesures préventives

Soins d’hygiène

→ Réaliser la toilette avec un savon surgras ou syndet(4), de préférence liquide.

→ Sécher la peau délicatement, en tamponnant, sans jamais frotter (pour limiter l’effet abrasif). L’usage d’un sèche-cheveux pulsant uniquement de l’air froid peut être conseillé pour les zones à risque de macération (plis, dessous de bras…).

Mesures générales à respecter

→ Hydrater la peau avant le début de la radiothérapie.

→ N’appliquer aucun produit (crème, huile ou lait hydratants notamment) sur la peau dans les heures qui précèdent la séance de radiothérapie (risque d’effet bolus qui accroît la toxicité des rayons). En revanche, après les séances, l’application quotidienne de crème émolliente de type dermocosmétique, ou de type Dexeryl, Cérat de Galien, vaseline, calendula, peut être prescrite pour hydrater la peau particulièrement sèche ou atopique(3) des patients.

→ Éviter l’usage d’irritants cutanés : parfum ou déodorant spray alcoolisés, sparadrap, talc, vêtements irritants ou trop serrés, sous-vêtements avec armature, épilation. En cas de rasage absolument nécessaire, privilégier le rasoir électrique.

→ Privilégier les vêtements en coton, amples (plus “respirants”).

→ Éviter l’exposition solaire de la zone traitée par radiothérapie durant le traitement et au moins un an après (port de vêtements protecteurs, voire écran total a minima).

→ Proscrire les saunas, hammam, gommage durant toute la durée du traitement et l’année qui suit. Les bains en piscine et eau de mer sont également déconseillés pendant la radiothérapie et doivent être impérativement suivis d’un rinçage à l’eau douce, et d’un séchage doux complet.

Prise en charge curative

La prise en charge soignante des radiodermites fait appel à différents types de traitements plus ou moins combinés en fonction du grade des lésions et peut, en cas de sévérité majeure (ulcération, nécrose, grade IV), justifier l’arrêt de la radiothérapie et la cure chirurgicale par une équipe spécialisée en chirurgie plastique et réparatrice. L’ensemble de ces traitements évolutifs en fonction du grade des lésions est résumé dans le référentiel sus-cité de l’Afsos.

Prendre en compte la fatigue

Causes spécifiques et générales

La radiothérapie n’est pas fatigante en soi. Elle n’en demeure pas moins très souvent associée à une sensation de fatigue causée par la multiplicité des trajets et les temps de transport qu’elle impose cinq à six jours sur sept, à laquelle peuvent s’ajouter le contrecoup de la maladie elle-même et, le cas échéant, celui de l’opération préalable, de la chimiothérapie associée, de la modification du rythme de vie, de l’amaigrissement ou de l’anxiété. Dans ce contexte, l’Idel peut mettre en place des mesures de prévention, de surveiller le poids du patient et d’instaurer un contrôle EVA (échelle visuelle analogique) de la fatigue sachant qu’un score supérieur à 6 dénote d’un impact sévère sur la vie quotidienne et nécessite un avis médico-psychologique(5).

Prévention de la fatigue

« Pour prévenir la survenue et l’aggravation de la fatigue, il peut être utile que les Idels relayent à domicile les conseils donnés à l’hôpital dans le cadre des consultations infirmières ou des programmes d’éducation thérapeutique du patient », explique Véronique Tual. La prévention de la fatigue repose en grande partie sur le bon état général physique et psychologique du patient et doit concilier un repos réparateur mais sans excès (trop de repos ne présente pas de bénéfices et peut même être délétère), une activité physique adaptée (APA) progressive et continue (lire l’encadré ci-dessus), une alimentation équilibrée (énergétique) et suffisante (afin de prévenir la dénutrition) et une prise en charge de la douleur et de l’anxiété bien anticipée (ne pas laisser les troubles s’installer)(5).

Les Idels peuvent également conseiller la mise en place de techniques d’économie d’énergie telles que :

→ hiérarchiser les objectifs de chaque journée,

→ déléguer certaines tâches à l’entourage,

→ répartir les tâches ménagères sur la semaine,

→ fractionner les activités et aménager des pauses dans la journée pour récupérer.

L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêts.

(1) À distance de la radiothérapie (des mois, voire des années), une radiodermite chronique peut se développer à la faveur d’un traumatisme ou d’une exposition solaire, par exemple.

(2) Certaines chimiothérapies (sels de platine, gemcitabine, anthracycline, actinomycine, thérapies ciblées) aggravent la radio-toxicité cutanée de la radiothérapie.

(3) Référentiel de l’Association francophone de soins oncologiques de support (Afsos), “Toxicité cutanée radio induite”, décembre 2014 (à lire via le lien raccourci bit.ly/2opfhuh).

(4) Le PH des syndets est voisin de 5.5 - 6. Il permet de protéger l’acidité de la peau alors qu’un PH neutre (voisin de 7) favorise la multiplication de certaines bactéries et l’altération de la barrière cutanée.

(5) Référentiel de l’Afsos, “Fatigue et cancer”, décembre 2010 (bit.ly/2oIn1Lq).

Les effets secondaires spécifiques

→ En fonction du type de cancer (ORL, pancréas, sein, encéphale, prostate, poumons, rectum…), la radiothérapie peut engendrer des effets secondaires spécifiques au site traité (mucite, dysphagie en cas d’irradiation ORL, ou encore cystite, rectite en cas d’irradiation pelvienne), dont la nature et les modalités de prévention et de prise en charge sont détaillées dans les livrets d’information réalisés par la Société française de radiothérapie oncologique en partenariat avec le Syndicat national des radiothérapeutes oncologues et la Ligue contre le cancer.

→ Ces brochures sont téléchargeables via le lien raccourci bit.ly/2pdsjQG

L’activité physique adaptée, remède à la fatigue

De nombreuses études colligées dans une expertise de l’Inserm(I) montrent que la pratique d’une activité physique adaptée d’au moins 30 minutes (idéalement 46 à 60 minutes), au moins deux à cinq fois par semaine, favorise une diminution de la fatigue, y compris chez les patients atteints de cancer, à condition qu’elle soit individualisée, adaptée (marche, aquagym, gymnastique douce, vélo), et de préférence encadrée dans le cadre de programmes conçus et dispensés par des professionnels spécifiquement formés, comme le proposent des organismes comme la Fédération nationale sport-cancer (CAMI)(II), Siel Bleu(III) ou La Ligue nationale contre le cancer (service Apeseo)(IV). Cela peut aussi concerner au quotidien le fait de monter les escaliers, aller faire ses courses à pied, promener le chien à pas rapides… pour commencer en douceur et ensuite s’inscrire dans un programme plus ambitieux vraiment efficace.

(I) “Activité physique, contextes et effets sur la santé. Expertise collective, Synthèse et recommandations”, Inserm, mars 2008 (bit.ly/2oRZok1).

(II) www.sportetcancer.com ; info@sportetcancer.com.

(III) www.sielbleu.org

(IV) www.ligue-cancer.net (plus précisément bit.ly/2nZuLtK).

Info +

À lire dans notre prochain numéro, le second volet, sur la chimiothérapie et la qualité de vie.