Dans les Bouches-du-Rhône, l’association Caire 13 soutient les professionnels libéraux atteints d’un cancer. De la paperasse à l’oreille attentive.
LE SERVICE PUBLIC DE SANTÉ AU TRAVAIL DES BOUCHES-DU-RHÔNE, à Marseille, abrite les bureaux de l’association Caire 13, créée en 2014. Christine Patoux-Gavaudan, psychologue du travail depuis trente ans, est la seule salariée de cette structure, unique en son genre, d’accompagnement des professionnels libéraux atteints d’un cancer. « L’association a été créée pour leur trouver des solutions en matière de reprise d’activité, de retraite ou de reconversion », explique-t-elle. Les libéraux sont souvent mal informés de leurs droits et ne pensent pas forcément à solliciter une aide financière ou une prise en charge des cotisations. Parfois, il leur faut penser à faire la démarche pour être reconnu comme handicapé à la suite de la maladie. Caire 13, tout au long de ce chemin, prend les travailleurs non salariés par la main.
En 2016, soixante-dix personnes ont frappé à la porte de Caire 13. Parmi elles, 22 % issues de la santé et de l’action sociale. « Quatre Idels nous ont contactés, ainsi que trois médecins, des kinésithérapeutes, des orthophonistes… », précise Christine Patoux-Gavaudan. Cette catégorie socio-professionnelle représente la majorité des demandes, à égalité avec les professionnels du BTP.
Brigitte a appelé Caire 13 en octobre dernier. Idel depuis 2004 à Martigues, elle est frappée en 2013 par un cancer du sein qui deviendra métastatique. « Je serai en soin à vie jusqu’à récidive de la maladie. Je suis allée voir Caire 13 car j’approchais de l’échéance des trois années de maladie et ma prise en charge par les assurances allait changer mais on ne nous prévient pas. J’allais de plus en plus mal sans savoir si on me dirait de reprendre le travail. » Brigitte ne pensait pas qu’il lui était légitime de s’arrêter de travailler. « On a une propension à se croire les plus fortes, mais non. Christine de Caire 13 a listé mes demandes et m’a répondu avec précision, avec l’aide d’un comptable bénévole. »
Les professions libérales, une fois touchées par la maladie, peuvent se retrouver socialement et financièrement démunies. « Il faudrait créer une médecine du travail pour les libéraux », exhorte Daniel, bénévole de l’association. Il y a sept ans, à peine retraité, cet expert-comptable est atteint d’un cancer du rein. « J’ai eu la “chance” que cela m’arrive à la retraite. Le travail était derrière moi. Maintenant, je cherche à me rendre utile aux autres. » Parmi les 45 bénévoles, une majorité d’anciens libéraux retraités (avocats, banquiers, experts-comptables, chefs d’entreprise, assistants sociaux…).
Les travailleurs malades non salariés contactent principalement Caire 13 pour résoudre la question des revenus après la maladie. « Ils nous contactent d’abord pour des questions relatives à leur maintien en activité ou à une reconversion professionnelle, pour la gestion de l’entreprise et pour les questions relatives aux assurances. Viennent ensuite des demandes d’aides concernant le régime social des indépendants, des demandes auprès d’autres caisses maladie, explique Christine Patoux-Gavaudan. Nous accompagnons nos bénéficiaires et jouons parfois les “idiots” à leur place. Pas question de repartir sans avoir obtenu une réponse claire ! Lorsqu’on est malade, on n’a pas toujours la capacité de compréhension des procédures administratives, nous servons aussi à cela. »
Claire est Idel dans le centre de Marseille. En 2014, on lui décèle un lymphome. Durant deux ans et demi de traitement, la gestion de son cabinet est assurée par un remplaçant. « Fin 2016, j’ai contacté Caire 13 car j’arrivais doucement à la fin des trois ans de maintien de revenu assuré par mon assurance et la Carpimko – assurance vieillesse des professions libérales. Je recherchais des conseils financiers mais aussi une oreille attentive. » Après avoir rencontré Christine Patoux-Gavaudan pour un premier entretien “diagnostic”, Claire lie connaissance avec un expert-comptable retraité avec qui elle fait le point sur son avenir professionnel et financier. « Après la maladie, je ne peux pas envisager de reprendre vingt jours par mois. Un médecin expert va examiner mon état de santé. Caire 13 m’a dit que le mieux serait que j’aie la possibilité d’être reconnue en invalidité catégorie 1 par le médecin pour obtenir une rente qui remplacerait une partie du manque à gagner. Sans cela, je ne sais pas comment je pourrais faire. »
L’action de Caire 13 s’insère dans le Plan cancer 2014-2019 et bénéficie de partenaires financiers permettant la gratuité de l’accompagnement. Grâce à des relations de confiance établies avec différentes administrations et organismes – comme le RSI, la Sameth, l’Urssaf, la CPAM
RSI : Régime social des indépendants ; Sameth : Service d’appui au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés ; Urssaf : Unions de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d’allocations familiales ; CPAM : Caisse primaire d’Assurance maladie.
Observatoire sociétal des cancers, rapport 2013 consultable en ligne via le lien raccourci bit.ly/2p0X0UN
En 2013, La Ligue contre le cancer a consacré une large partie de son rapport d’observation annuel à la situation des travailleurs indépendants atteints d’un cancer. Ils sont « parmi les plus exposés aux conséquences médicales et socio-économiques de la survenue d’un cancer ». En effet, les dispositifs de reprise du travail progressive existent peu ou prou pour les libéraux et ceux-ci méconnaissent, la plupart du temps, leurs droits. « Le sens des dénominations de contrats d’assurances offerts sur le marché n’a pas toujours été décodé (confusions entre produits portant sur les “accidents de la vie” et les assurances santé) », annonce le rapport. Pour un tiers de personnes interrogées, la maladie les a poussées à relativiser la valeur travail : « La maladie avait amené à envisager d’une manière nouvelle le rapport au travail et l’organisation des sphères personnelle et professionnelle. » Deux ans après le diagnostic du cancer, près de 73 % d’entre eux étaient à nouveau au travail.
En plus des tracas financiers inhérents à la maladie, Claire, Idel à Marseille, avait besoin de soutien et d’écoute. Depuis trois mois, elle participe au groupe de parole mensuel de l’association Caire 13. « Je ne voulais plus me sentir seule. La famille est présente mais n’a pas vécu la maladie. Lors des groupes de parole, animés par une coach, on est six ou sept bénéficiaires. On est de grands bavards car on a accumulé beaucoup de choses durant la maladie. Cela m’a redonné l’élan pour reprendre le travail à mon rythme. »