L'infirmière Libérale Magazine n° 336 du 01/05/2017

 

La vie des autres

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Laure Martin  

En août 2010, Thierry Giraud, infirmier libéral, a fondé l’association Manoj, qui contribue au dépistage et à la prise en charge d’enfants nécessitant des soins au Népal. Une activité à laquelle participent nombre d’infirmières et de médecins français.

Tout commence par un voyage en Inde, en 1985, avec son épouse. Le couple, bénévole dans un centre de Mère Teresa, termine son séjour au pied des montagnes de l’Himalaya.

« Totalement séduit par le paysage, je me suis toujours dit que j’y retournerais », se souvient Thierry. Il attend vingt ans avant d’organiser son voyage au Népal en 2005. « J’ai eu un véritable coup de foudre pour ce pays où j’ai fait du trekking. Ce voyage reste l’un des plus mythiques que j’ai pu faire. » Néanmoins, outre les magnifiques paysages et la découverte de vallées inexplorées, ce voyage lui permet aussi de faire le constat de la grande détresse médicale de la population rurale népalaise. « J’y suis donc retourné en 2006 et 2007 avec du matériel pour dispenser des soins aux habitants au cours de mes treks, raconte Thierry. Au Népal, il y a beaucoup de cas de brûlures car la population cuisine à même le sol, à la portée des enfants. » L’absence de soins entraîne des cicatrices et des rétractions cutanées, génératrices de handicaps, « alors qu’en France, c’est facilement réparable avec une petite chirurgie », souligne-t-il. Très vite, il se sent frustré par cette impossibilité d’assurer le suivi des soins qu’il dispense. Il rejoint alors en 2008 une association française œuvrant au Népal, l’occasion de faire des camps de santé, de manière informelle. « En 2010, nous sommes allés dans le village de Simjung, où j’ai été très bien accueilli. J’y ai fait la rencontre d’un petit garçon de quatre ans né avec une pathologie cardiaque grave. Avec un Népalais, devenu depuis l’un des deux coordinateurs de mon association au Népal, nous l’avons fait prendre en charge à l’hôpital de Katmandou avec les moyens de l’association. » Opéré le 27 mai, le petit garçon décède le 29 mai. « Je l’ai appris le 30 mai, le jour de mon anniversaire, se remémore Thierry. Cela a été un véritable déclic. J’ai alors décidé de fonder ma propre association et de lui donnerle nom de ce petit garçon, Manoj. » L’infirmier trouve alors de nombreux adhérents parmi ses patients et les habitants de son village.

Trois cents opérations de cataracte

« Comme j’avais bien été accueilli à Simjung, j’ai voulu y poser les bagages de mon association. » Son objectif : « Mener un travail de fond sur le plan sanitaire et médical en y faisant du dépistage, de la prise en charge et en travaillant sur l’hygiène et l’accès à l’eau. » Il commence par construire des toilettes collectives avec un don du Rotary Club. Très vite, il est rejoint, au sein de son association, par des amis médecins et infirmiers, qui permettent de donner à son organisation non gouvernementale, déclarée d’intérêt général, une stature un peu plus médicale. Il met en place deux services à destination de la population népalaise. Tout d’abord, des camps de santé, organisés de manière formalisée avec les autorisations de l’administration locale et du ministère de la Santé népalais.

« Nous avons commencé par la mise en place de camps de santé généralistes avec des infirmières et des médecins français. C’était l’occasion de former les infirmières locales qui, dans les villages, sont les seules à dispenser des soins, les médecins exerçant davantage en ville. »

L’association organise désormais uniquement des camps de santé dentaires et ophtalmologiques avec des médecins du Nepal Eye Hospital etdu Kantipur Dental Hospital. Manoj sponsorise leur venue dans des villages, où ils sont logés et nourris. Trois cents opérations de cataracte ont déjà été réalisées dans six camps de santé. Une organisation rendue possible via l’aide apportée par deux coordinateurs népalais, salariés de l’association.

Treks médicaux

L’association Manoj organise également des treks médicaux d’une dizaine de jours avec en moyenne cinq à sept heures de marche quotidienne.

« Des médecins et des infirmiers bénévoles de l’association, qui financent eux-mêmes leur voyage, partent pour des treks de dispensaire en dispensaire, accompagnés des coordinateurs. Ils vont à la rencontre des infirmières népalaises pour noter leurs besoins en matériel médical afin que nous puissions le leur faire acheminer par la suite » (lire l’encadré ci-dessus). L’équipe française en profite également pour aller à la rencontre les enfants dans les écoles afin de détecter les pathologies graves. Une fois ces enfants répertoriés, les coordinateurs de l’association prennent le relais et organisent leur prise en charge. « Nous finançons le déplacement des enfants de leur village à l’hôpital, ainsi que la consultation, les examens biologiques, les radiologies et la chirurgie », indique Thierry qui a effectué cette année son 21e voyage au Népal.

En partenariat avec des étudiants grenoblois

L’association Manoj a un partenariat avec Namasté, une association d’étudiants en médecine à Grenoble (Isère). Lorsque les équipes de l’association de Thierry partent faire des treks médicaux, notamment pour répertorier les besoinsen matériels des dispensaires, la liste est alors envoyée à l’association Namasté. Les étudiants se chargent, de janvier à juin, de chercher les fonds nécessaires à l’achat de l’ensemble du matériel. Ils partent ensuite en juillet au Népal afin de distribuer le matériel directement sur place, aux différents dispensaires. « C’est aussi grâce à l’association Namasté que je peux envoyer des équipes d’infirmiers et de médecins faire des treks médicaux », salue Thierry. Les infirmiers népalais peuvent ainsi améliorer leur pratique professionnelle avec des équipements plus appropriés. L’association Manoj a, de son côté, déjà financé l’intégralité de l’achat d’une ambulance 4x4.

Ce qu’il dit de la profession d’Idel !

« Il y a autant d’infirmières hospitalières que d’infirmières libérales qui partent faire des treks médicaux au Népal dans le cadre de l’association. Les infirmières libérales, en raison de l’autonomie de leur pratique, savent très bien se débrouiller pour faire des soins sur le terrain. Lorsqu’elles partent pour des treks, elles prennent avec elles du matériel, généralement donné par leurs patients, pour dispenser des soins aux populations locales qu’elles croisent sur leur chemin. Elles ont une vraie capacité à travailler en extérieur, une adaptabilité facile et une connaissance large des différents types de pansements qui peuvent être utilisés. Leurs compétences techniques leur servent sur le terrain népalais. Lorsque c’est possible, elles font des consultations et des soins en collaboration avec les infirmiers locaux afin que ces derniers puissent rédiger les ordonnances. »