Hématologue, professeure des universités – praticienne hospitalière, ancienne patronne de la HAS et de l’INCa : le profil de la Pre Agnès Buzyn, nouvelle ministre de la Santé, contraste avec celui de Marisol Touraine… et suscite bien des attentes chez les professionnels de santé libéraux.
La Pre Agnès Buzyn, 54 ans, avait encore une marche à gravir. C’est fait. Après avoir obtenu son titre de professeure d’hématologie en 2004, après avoir présidé le Conseil d’administration de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) de 2008 à 2013, après avoir dirigé l’Institut national du cancer (INCa) de 2011 à 2016, après avoir chapeauté la Haute Autorité de santé (HAS) depuis 2016, la voilà qui hérite du ministère de la Santé.
Très tôt dans sa carrière, cette habituée des postes à responsabilité avait cherché à s’impliquer au-delà de ses activités de soins et de recherche. Elle est notamment passée par le conseil scientifique de l’Agence de la biomédecine ou encore par celui de l’Établissement français du sang.
Mais c’est avant tout son profil de soignante qui retient l’attention des professionnels de santé libéraux. Spécialisée dans la transplantation, elle a en effet dirigé l’unité de soins intensifs d’hématologie pour adultes à l’hôpital Necker de 1992 à 2011. Avec un médecin aux commandes, les soignants espèrent pouvoir trouver un partenaire plus ouvert que lors du précédent quinquennat.
Se référant aux premières déclarations de la nouvelle ministre, le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux a par exemple salué « l’intention affichée de “travail collectif” », et a espéré que celui-ci ne se résumera pas « au seul “tout-médecin” ni au seul “tout-structure” ».
En ville, d’autres infirmières sont à l’unisson. « Du fait de son cursus, elle est assez proche des besoins du patient et de ceux des professionnels de santé », espère Emmanuelle Vatinel, Idel dans le Var et présidente de l’Association des infirmières libérales de Hyères. Ce qu’elle attend concrètement ? « Plus de reconnaissance du travail effectué par les Idels. »
L’optimisme est donc le sentiment dominant, et il est partagé par les syndicats de médecins libéraux. MG France a salué la nomination « d’un médecin au parcours remarquable ». Même la turbulente Union française pour une médecine libre, tout en restant prudente, s’est félicitée de l’arrivée d’une « consœur au ministère de la Santé ».
Seule note discordante chez les praticiens libéraux : la réaction de la Confédération des syndicats médicaux français, principale centrale de la profession, qui s’est dite « sceptique » face au « passé » d’Agnès Buzyn, soupçonnée de méconnaître la médecine de ville.
Hormis cette voix singulière, il semble qu’un vent d’espoir souffle chez les professionnels de santé libéraux. Agnès Buzyn devrait peut-être s’en méfier, car rien n’est pire qu’un espoir déçu.
Si la nouvelle ministre a été bien accueillie dans le monde de la santé, elle a déjà dû essuyer deux polémiques médiatiques. La première était liée à son mari, le Pr Yves Lévy, qui dirige l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Cet organisme public est placé sous la double tutelle des ministères de la Recherche et de la Santé, ce qui crée pour Agnès Buzyn une situation de conflit d’intérêts. Celle-ci a toutefois fait savoir qu’elle se retirerait de toutes les décisions liées à l’Inserm (hypothèse la plus probable à l’heure où nous mettons sous presse, un “déport” au profit de Matignon).
Autre sujet de polémique : des déclarations passées sur l’indépendance des experts employés par l’industrie pharmaceutique. En janvier 2016, lors d’une audition devant le Sénat, celle qui présidait alors l’INCa avait en effet estimé qu’il est difficile de trouver des experts à la fois compétents et dénués de liens avec les laboratoires. Elle avait notamment dénoncé les « experts institutionnels qui se trouvent dans toutes les agences et dont on peut se demander quelle va être leur expertise, puisqu’ils ne participent plus ni aux essais thérapeutiques, ni aux boards », les conseils de direction des laboratoires pharmaceutiques.
Mais si cette déclaration a pu être critiquée au nom de la transparence, peut-on reprocher à Agnès Buzyn d’être vendue aux lobbies ? En 2015, en effet, elle s’était élevée contre celui de l’alcool… et contre un certain Emmanuel Macron. Alors ministre de l’Économie, l’actuel président préparait la loi qui porte son nom, et s’était mis en tête de promouvoir la consommation de vin sous couvert d’œnotourisme. Il avait trouvé la présidente de l’INCa sur sa route.
A.R.
Prévue le 9 juin, l’ouverture des négociations entre l’Assurance maladie et les syndicats représentatifs d’Idels est à nouveau reportée, cette fois au 12?juillet, pour cause de non-parution de l’enquête de représentativité des syndicats, justifie l’Assurance maladie. L’étude « a bien été réalisée, et ses résultats exploités », assurait pourtant fin mai la Direction de la Sécurité sociale (DSS), mais la proposition de la DSS sur les organisations syndicales à retenir comme représentatives « n’a pas pu être présentée au précédent cabinet » ministériel. Elle devait donc l’être à l’équipe Buzyn. La fin des négociations, programmée en octobre, devrait donc être aussi décalée, au grand dam notamment du Sniil, le syndicat regrettant qu’« aucune avancée pour la profession infirmière [libérale] ne pourra être mise en place avant minimum mi-mai 2018 ».
À noter, une incertitude et aussi ce qui peut apparaître comme une surprise. L’incertitude a concerné le casting des négociations pour l’Assurance maladie : son patron Nicolas Revel aurait pu partir diriger le cabinet du nouveau Premier ministre, mais cette proposition du nouveau président de la République n’a pas été retenue, a révélé entre autres France Inter. La surprise, y compris, selon des échos à l’heure de notre bouclage, du côté des syndicats : cette négociation devrait porter sur un avenant et non une convention – c’est en tout cas que nous ont assuré, chacune de leur côté, la DSS et l’Assurance maladie, la convention devant être reconduite tacitement prochainement, visiblement fin juillet, par le ministère, en l’absence de dénonciation par les signataires dans les délais. Reste à voir ce que cette configuration impliquerait plus précisément pour l’ampleur des négociations : après tout, la DSS évoque « un avenant conséquent, étant donné que la convention est reconduite »…
M.H.
→ Marisol Touraine “Macron-compatible”…
Marisol Touraine penche désormais du côté d’Emmanuel Macron, comme en témoigne sa candidature aux législatives, les 11 et 18?juin. L’ex-ministre a même fait disparaître, de son affiche électorale, le logo et les couleurs du PS, se présentant comme « candidate de la majorité présidentielle avec Emmanuel Macron »… dont le mouvement n’a investi personne dans sa circonscription d’Indre-et-Loire, qui compte au total quatorze candidats. Au final, fin mai, une partie du Parti socialiste lâchait celle qu’il avait pourtant investie comme candidate à la députation…
… mais ni Martial Candel ni Alain Delannoy
Dans notre dernier numéro, deux Idels engagés dans la campagne des législatives étaient en attente des investitures d’En Marche !. Mais ni Martial Candel, en Dordogne, ni Alain Delannoy, dans le Pas-de-Calais, n’ont été choisis pour défendre les couleurs du mouvement présidentiel dans leur circonscription respective. Au premier, En marche ! a préféré un maire de 69 ans ; le second, lui, représentera finalement le Parti socialiste face à dix autres candidats, dont le député sortant. Résultats dans notre prochain numéro.