Chimiothérapie et qualité de vie - L'Infirmière Libérale Magazine n° 337 du 01/06/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 337 du 01/06/2017

 

Soins de support

Cahier de formation

Points sur

Marie Fuks  

Utilisée seule ou en association à la radiothérapie, la chimiothérapie s’accompagne d’effets secondaires généralement bien pris en charge lorsqu’elle est administrée en intraveineuse à l’hôpital mais beaucoup plus problématiques lorsqu’il s’agit de chimiothérapie orale prise à domicile. Un défi pour les Idels car l’observance des traitements est en jeu.

Chimiothérapie orales : des effets sous-estimés

Prescrites dans la majorité des cas par l’oncologue sans accompagnement infirmier, contrairement aux chimiothérapies intraveineuses (IV) réalisées à l’hôpital, les chimiothérapies orales (CO) n’en sont pas moins pourvoyeuses d’effets secondaires face auxquels les patients sont souvent démunis. « C’est un vrai problème, confirme Véronique Tual, cadre de santé à l’Institut Curie, car les effets de ces traitements pris à la maison, soit en continu, soit en cures de trois semaines espacées d’une semaine d’arrêt, sont souvent sous-évalués par les médecins et ne bénéficient pas du même encadrement paramédical que les traitements IV. » De leur côté, les Idels, à l’instar de Sylvie Persem, installée à Arthez-d’Asson (Pyrénées-Atlantiques), confirme : « Lorsque j’interviens au chevet d’un patient sous CO, ce n’est jamais dans le cadre de la surveillance des effets secondaires du traitement. Pourtant, une telle surveillance permettrait de renforcer les informations fournies par l’oncologue (mais pas forcément comprises et intégrées par les patients) et de mettre en place une véritable éducation thérapeutique du patient (ETP), afin d’anticiper et de limiter les effets indésirables avant qu’ils n’affectent la qualité de vie des patients. » Car les effets qu’elle observe (syndrome main-pied, nausées-vomissements, diarrhées, aphtes, mucite, fatigue) sont souvent installés et leur impact sévère sur le quotidien des patients.

Comment faire face à ces situations ?

Pour les aider à mieux les prendre en charge préventivement et curativement, le Réseau de cancérologie de Midi-Pyrénées (Oncomip), en partenariat avec l’Observatoire du médicament, des dispositifs médicaux et de l’innovation thérapeutique (OMéDIT) de Haute-Normandie, a conçu des fiches d’information sur le bon usage des anticancéreux oraux, leur iatrogénie et la prévention et le traitement de leurs effets secondaires. Les médecins, pharmaciens et infirmiers libéraux peuvent avoir accès à ces fiches (via le lien raccourci bit.ly/2qZ489u) mises à disposition dans le cadre du projet “Promouvoir l’éducation thérapeutique en chimiothérapie orale : soutien à la formation des professionnels de santé” (lire l’encadré page ci-contre).

À noter : il existe aussi une version patient que les Idels peuvent télécharger et remettre aux patients. « À domicile, les Idels se retrouvent pour les CO dans un contexte similaire à celui des chimiothérapies IV à l’hôpital, commente Véronique Tual. C’est ce qui rend leur implication tout à fait utile en termes de continuité des soins et d’accompagnement, car les patients, plus disponibles et plus à l’écoute de leurs explications, peuvent mieux mémoriser et mettre en application les conseils qui leur sont prodigués. Cela permet d’améliorer l’observance et donc l’efficacité du traitement et le pronostic des patients. » Autant dire qu’il pourrait être opportun que les Idels s’emploient à faire reconnaître cette prise en charge dans leur champ de compétences, sachant que, comme l’indique Sylvie Persem, « la cotation AIS 4 serait tout à fait applicable dans le cadre d’une surveillance hebdomadaire des effets secondaires des chimiothérapies orales ».

Effets indésirables chimio-induits : que faire en pratique ?

En dehors du contexte propre à la prescription et à l’accompagnement des CO, la nature et l’intensité des effets chimio-induits dépendent de nombreux facteurs et en premier lieu du patient lui-même, des traitements qu’il reçoit et de l’information qu’il a reçue. Toutes les situations ne pouvant être décrites ici, voici un résumé des conseils de prévention et de la conduite à tenir pour maîtriser les principaux effets secondaires des chimiothérapies et préserver la qualité de vie des patients.

Nausées et vomissements

→ Prévention : boire entre les repas, éviter les aliments frits, gras ou épicés. Manger lentement, fractionner les repas en plusieurs petits repas légers.

→ Conduite à tenir : prendre un antiémétique. UPour en savoir plus sur la prise en charge des nausées-vomissements chimio-induits, consulter le lien raccourci bit.ly/2q3nZ2h.

Diarrhées

→ Prévention : éviter le café, les boisons glacées, le lait, les fruits et les légumes crus, les céréales, le pain complet et l’alcool.

→ Conduite à tenir : boire au moins 2 litres par jour (dont boissons gazeuses type cola) pour éviter la déshydratation. Privilégier les féculents (riz, pâtes), les carottes, les bananes. Prendre un traitement anti-diarrhéique.

→ Pour en savoir plus sur la nutrition chez le patient atteint de cancer, aller sur le lien bit.ly/2qEmjOy.

Fatigue

→ Prévention : repos fréquent mais pas trop long pour préserver le sommeil nocturne. Bonne hygiène de vie et activité physique adaptée, régulière, d’intensité modérée, comme la marche.

→ Conduite à tenir : recherche d’anémie et de carence en folates ; recherche d’une hypothyroïdie (en moyenne cinq semaines après le début du traitement). Si TSH (thyréostimuline) anormale : traitement substitutif. Poursuite d’une activité physique adaptée.

→ Pour en savoir plus sur la fatigue et le cancer, consulter bit.ly/2oIn1Lq ; sur l’anémie et le cancer, bit.ly/2q3oqK2 ; sur l’activité physique et le cancer, bit.ly/2ryFrwS.

Syndrome main-pied

Douleurs à type de brûlure pouvant évoluer en phlyctènes généralement très douloureuses.

→ Prévention : éviter le soleil et toute exposition à la chaleur (sauna, bains chauds). Porter des vêtements amples et des chaussures confortables. Utiliser un savon doux surgras sans parfum, sans parabène. Éviter les tâches, travaux et produits ménagers irritants ainsi que les pansements adhésifs. Éviter les stations debout prolongées.

→ Conduite à tenir : consulter en cas de rougeur, chaleur, gêne, douleur. Faire des bains de pieds et de mains dans l’eau fraîche (15 minutes) et les sécher sans frotter. Hydrater abondamment la peau deux à trois fois par jour avec une crème émolliente. Antalgiques en fonction de l’intensité de la douleur.

→ Pour en savoir plus sur la prise en charge du syndrome main-pied, consulter bit.ly/2qAyHRR.

Stomatites, mucites

→ Prévention : éviter les aliments épicés, chauds et acides. Se brosser les dents avec une brosse très souple (brosses chirurgicales 7/100e ou 13/100e) en évitant les dentifrices mentholés. Boire des boissons fraîches pétillantes. Stimuler la production de salive (gomme à mâcher, brumisateur…).

→ Conduite à tenir : bains de bouche à base de bicarbonate de sodium à 1,4 %.

→ Pour en savoir plus sur les mucites et candidoses, lire bit.ly/2qyn39w ; sur les chimiothérapies et soins bucco-dentaires, consulter bit.ly/2qyIWpp.

L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêts.

Info +

Cet article fait suite au point sur la radiothérapie et la qualité de vie paru dans notre numéro de mai.

Améliorer la prise en charge des CO à domicile par l’ETP : un programme régional exemplaire

Un programme d’éducation thérapeutique du patient (ETP) en chimiothérapie orale a été mis en place en 2015 à l’initiative de l’Institut national du cancer, du Centre de lutte contre le cancer Claudius-Régaud de Toulouse (Haute-Garonne) et de l’Institut universitaire du cancer de Toulouse-Oncopôle (IUCT-O). Ainsi que l’explique Emmanuelle Arfé, cadre de santé chargée de projet IUCT-O, « il répond à plusieurs objectifs : satisfaire la demande des associations quant à la nécessité d’améliorer l’observance des chimiothérapies orales à domicile grâce à une meilleure gestion de leurs effets secondaires, mais aussi former les professionnels libéraux pour améliorer leur connaissance de ces traitements qui évoluent très vite et leur donner les outils d’éducation pour optimiser leur utilisation en apportant aux patients une information claire et pratique sur leur bon usage, leur iatrogénie et la prévention des effets indésirables ». Autorisé par l’Agence régionale de santé Occitanie en juillet 2016, le développement de ce programme, initialement localisé sur les huit départements de la région Midi-Pyrénées, devrait s’étendre au Languedoc-Roussillon et à la région bordelaise.

Pour en savoir plus : www.iuct-oncopole.fr/education-therapeutique, Arfe.Emmanuelle@iuct-oncopole.fr, 05 31 15 51 10.