Le diabète gestationnel - L'Infirmière Libérale Magazine n° 337 du 01/06/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 337 du 01/06/2017

 

Endocrinologie

Cahier de formation

Points sur

Nathalie Belin*   Pr Jacques Lepercq**   Dr Éric Benamo***  

Le diabète gestationnel est défini comme un trouble de la tolérance glucidique conduisantà une hyperglycémie de sévérité variable, débutant ou diagnostiqué pour la première fois au cours de la grossesse. Son dépistage et sa prise en charge sont bien codifiés.

Le diabète gestationnel est fréquent. Une étude réalisée en 2012* a estimé sa prévalence en France à environ 8 %.

Deux entités sont distinguées :

→ un diabète patent, de type 2, préexistant à la grossesse mais méconnu car asymptomatique et qui persistera après l’accouchement ;

→ une anomalie de la tolérance glucidique apparaissant au cours de la grossesse, généralement en deuxième partie de grossesse, et disparaissant en post-partum. C’est par définition un diabète gestationnel.

Quelles sont les conséquences pour la mère et l’enfant ?

→ Pour la mère, il existe un risque modérément accru d’hypertension artérielle (HTA) et de prééclampsie, corrélé au degré de l’hyperglycémie initiale. Ce risque est augmenté en cas de surpoids ou d’obésité. Le risque de diabète gestationnel ultérieur lors d’une prochaine grossesse est fortement augmenté et il existe aussi un risque de développer un diabète de type 2 (ce risque persiste au moins vingt-cinq ans ; 20 % des nouveaux cas de diabète de type 2 en France sont représentés par des femmes ayant eu un diabète gestationnel).

→ Pour l’enfant, la macrosomie (poids de naissance > 4 kg) est la principale conséquence d’un diabète gestationnel. Elle est susceptible d’être à l’origine de difficultés à l’accouchement (traumatismes obstétricaux). Une hypoglycémie néonatale est aussi possible par augmentation de la sécrétion insulinique fœtale, à la suite du déséquilibre glycémique maternel. À long terme, il existerait un risque modéré de complications métaboliques, justifiant la surveillance habituelle de l’évolution pondérale infantile.

Quels sont les facteurs de risque ?

→ Les principaux facteurs de risque sont une surcharge pondérale, l’âge maternel (> 35 ans), l’origine ethnique (les femmes d’origine caucasienne sont à plus faible risque), des antécédents familiaux au 1er degré de diabète de type 2 et des antécédents personnels de diabète gestationnel ou de macrosomie. Un syndrome des ovaires polykystiques pourrait aussi être un facteur de risque.

Comment s’effectue le dépistage ?

→ Le dépistage n’est pas systématique mais ciblé. Il est recommandé en présence d’au moins l’un des facteurs de risque suivants : âge maternel supérieur ou égal à 35 ans ; indice de masse corporelle supérieur ou égal à 25 kg/m2 ; antécédents de diabète chez les apparentés au 1er degré ; antécédents personnels de diabète gestationnel ou d’enfant macrosome. En l’absence de ces facteurs de risque, la décision de dépister ou pas fait l’objet d’une évaluation et d’une information individuelles.

→ Idéalement, le dépistage ciblé doit être effectué en préconceptionnel ou lors de la première consultation prénatale. Il repose sur la réalisation d’une glycémie veineuse à jeun (après 12 heures de jeûne). Chez les femmes non dépistées au 1er trimestre ou chez celles dont la glycémie était normale au premier trimestre, la réalisation d’un test d’hyperglycémie provoqué par voie orale est recommandée entre 24 et 28 semaines d’aménorrhée (voir l’arbre de stratégie). Ce test est également proposé en l’absence de facteurs de risque si l’échographie du 3e trimestre révèle un fœtus dont le poids estimé est supérieur au 97e percentile.

À noter : chez toutes les femmes enceintes, une bandelette urinaire, à la recherche d’une glycosurie notamment, est réalisée à chaque consultation prénatale (mais ceci ne permet pas un diagnostic précoce du diabète gestationnel).

Quelle est la prise en charge ?

Mesures hygiénodiététiques

Elles sont à la base de la prise en charge. Une restriction calorique est indiquée en cas d’obésité, sans être inférieure à 1 600 kcal par jour. L’apport en glucides (sucres lents, 40 à 50 % de l’apport calorique total) doit être fractionné et réparti en trois repas et deux à trois collations. L’apport de glucides riches en fibres (céréales complètes, légumineuses…) est recommandé. Parallèlement, une activité physique régulière doit être maintenue ou mise en place, en l’absence de contre-indication (30 minutes trois à cinq fois par semaine).

Autosurveillance glycémique

Réalisée quatre à six fois par jour (au moins une fois à jeun et 2 heures après chaque repas), elle permet de surveiller l’efficacité des mesures hygiénodiététiques et d’indiquer une éventuelle insulinothérapie. L’objectif est l’obtention d’une glycémie capillaire à jeun inférieure à 0,95 g/l et une glycémie capillaire 2 heures après le début des repas inférieure à 1,20 g/l.

Insulinothérapie

Elle est envisagée après sept à dix jours de mesures hygiénodiététiques si ces objectifs ne sont pas atteints, avec principalement le recours aux analogues rapides (asparte, lispro notamment). Si une insuline d’action lente est nécessaire, l’insuline NPH (Neutral Protamine Hagedorn) est privilégiée (les analogues lents peuvent aussi être utilisés). Les antidiabétiques oraux ne sont pas indiqués.

Suivi

Le suivi jusqu’à l’accouchement est identique à celui d’une grossesse classique si le diabète est bien équilibré, sans retentissement fœtal. Sinon, un suivi rapproché (surveillance plus fréquente de la pression artérielle, protéinurie…) peut être mis en place. La découverte d’un diabète de type 2 durant la grossesse nécessite dans tous les cas un suivi rapproché à partir de 32 semaines d’aménorrhée. Un déclenchement ou un accouchement par césarienne peuvent être proposés selon le poids fœtal.

En post-partum

Une surveillance est nécessaire dans le post-partum immédiat pour s’assurer de la normalisation de la glycémie, sans traitement. Une contraception adaptée (microprogestatifs, dispositif intra-utérin) est nécessaire si d’autres facteurs de risques cardiovasculaires sont présents (obésité, hypertension artérielle, dyslipidémie…).

Quels conseils donner ?

→ Il n’y a pas de risque de complications particulières si les objectifs glycémiques sont atteints.

→ Le diabète gestationnel disparaît après l’accouchement mais peut récidiver. Il expose à un risque de diabète de type 2 au long cours, notamment s’il existe parallèlement une surcharge pondérale. Ceci doit inciter à poursuivre des mesures hygiénodiététiques et à dépister un diabète de type 2 tous les un à trois ans et avant une prochaine grossesse.

→ En dehors de la grossesse, le dépistage d’un diabète de type 2 est recommandé chez les femmes en surpoids ou obèses.

L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêts.

* Nolwenn Regnault, Benoît Salanave, Katia Castetbon, Anne Vambergue, Yaya Barry et al., “Diabète gestationnel en France en 2012 : dépistage, prévalence et modalités de prise en charge pendant la grossesse”, Bulletin épidémiologique hebdomadaire 2016;(9):164-73.