L'infirmière Libérale Magazine n° 337 du 01/06/2017

 

PÉRIMÈTRES D’ACTIVITÉ

Votre cabinet

Audrey Uzel  

L’hospitalisation à domicile (HAD) est parfois accusée d’outrepasser ses compétences, notamment par des Idels. Comment dès lors distinguer l’activité de HAD de l’activité libérale ? Voici des éléments de réponse.

Une structure

Bien qu’introduite en France dans les années cinquante, l’HAD a véritablement connu un essor avec la loi hospitalière du 31 juillet 1991 qui en faisait une alternative à l’hospitalisation traditionnelle. La loi HPST de 2009 est revenue sur cette définition. Aujourd’hui, l’HAD est un mode d’hospitalisation à part entière. En effet, elle est réalisée par un établissement de santé, quelle que soit sa forme (public, privé, lucratif, non lucratif), comme en témoigne l’article L. 6111-1 du Code de la santé publique (CSP). À ce titre, et contrairement aux professionnels libéraux, la structure d’HAD est tenue aux mêmes obligations sécuritaires qu’un établissement de santé. Elle est donc soumise à des conditions techniques de fonctionnement prévues par décret (articles D. 6124-306 et suivants du CSP).

Une misssion

Le décret du 2 octobre 1992, pris en application de la loi du 31 juillet 1991, présentait l’HAD comme étant en charge « d’assurer au domicile du malade, pour une période limitée mais révisable en fonction de l’évolution de son état de santé, des soins médicaux et paramédicaux continus et nécessairement coordonnées », se différenciant de ceux « habituellement dispensés à domicile par leur complexité et leur fréquence ». En vingt ans, les critères de définition de l’HAD n’ont pas évolué. En effet, le décret n° 2010-344 du 31 mars 2010 définit l’HAD comme assurant « au domicile du malade, pour une période limitée mais révisable en fonction de l’évolution de son état de santé, des soins médicaux et paramédicaux continus et coordonnés. Ces soins se différencient de ceux habituellement dispensés à domicile par la complexité et la fréquence des actes ». Continuité, coordination, complexité, fréquence, tels sont les critères posés par le pouvoir réglementaire pour définir depuis toujours le champ d’action de l’HAD. Cependant, ces critères restent flous et obscurs et ne peuvent suffire en eux-mêmes pour différencier l’activité libérale et en HAD. Plusieurs circulaires ont tenté d’éclaircir cette définition rhétorique.

Des circulaires de la DGOS

Par voie de circulaires, la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) a mis l’accent sur la nature des soins prodigués en HAD pour tenter de définir son champ d’intervention. Ainsi, en 2000, elle distingue trois types de soins :

→ les soins ponctuels, définis comme des soins techniques et complexes, chez des patients ayant une pathologie non stabilisée, pris en charge pour une durée préalablement déterminée. Ils peuvent être fréquemment réitérés (chimiothérapie) ;

→ les soins continus associent, pour une durée déterminée préalablement, des soins techniques plus ou moins complexes, des soins de nursing, de maintien et d’entretien de la vie pouvant aller jusqu’à la phase ultime. Ils concernent des patients ayant une pathologie évolutive ;

→ la réadaptation au domicile, pour les patients pris en charge pour une durée déterminée, après la phase aiguë d’une pathologie neurologique, orthopédique, cardiologique ou d’une polypathologie.

Cet éclairage n’est pas satisfaisant dès lors que des professionnels libéraux peuvent assurer une prise en charge complexe, supposant des actes techniques ou une surveillance particulière, dans le cadre de leur activité.

Lors d’une nouvelle circulaire diffusée en 2004, la DGOS tente alors d’apporter des précisions sur chacun des critères posés par le CSP :

→ continuité : il s’agit de mettre en œuvre les moyens de garantir la permanence et la continuité des soins ;

→ coordination : cela suppose « d’être en mesure de coordonner, au chevet du malade, les interventions de plusieurs professionnels, relevant de spécialités ou de disciplines différentes et de modes d’exercice différents. La coordination repose sur le médecin régulateur » ;

→ complexité : la prise en charge suppose une charge en soins importante et pluridisciplinaire. La circulaire précise que « l’intensité des actes et des interventions au chevet du patient, notamment infirmières, permet de distinguer la prise en charge en HAD, des autres modes de prise en charge à domicile ». C’est pourtant omettre que certains soins réalisés par des Idels sont également complexes ;

→ fréquence : l’état du patient doit faire l’objet d’une évaluation médicale régulière afin d’adapter, de façon continue, la prise en charge au plus près de ses besoins. Il s’agit d’une évaluation réalisée par l’équipe médicale (dont le médecin coordinateur) et soignante, en lien avec le médecin traitant.

En 2006, la DGOS se borne à rappeler que l’HAD est avant tout une hospitalisation et que la charge en soins y est importante. Elle fait du protocole de soins le socle de la prise en charge en HAD.

Il s’ensuit que la pertinence d’une prise en charge en HAD s’apprécie concrètement. Si l’on devait résumer grossièrement, on pourrait dire que la prise en charge en HAD se justifie si le patient avait dû être maintenu - mais ne l’a pas été pour des raisons financières - en hospitalisation “traditionnelle” qui assure la permanence, la continuité et la sécurité des soins, avec prise en charge par une équipe pluridisciplinaire (médecin, infirmier, aide-soignant, psychologue…) coordonnée par un médecin. Mais, ici encore, cette tentative de définition est insatisfaisante dès lors qu’elle ne fait pas la part belle aux soins délivrés. En effet, une hospitalisation est parfois décidée pour une simple surveillance, sans que le patient ne nécessite une prise en charge complexe.

Des séjours en HAD invalidés

La frontière reste très mince entre soins relevant de l’HAD et soins relevant de l’offre libérale. Et cela se traduit notamment aujourd’hui dans le cadre des contrôles opérés par l’Assurance maladie sur les structures d’HAD. Celles-ci bénéficient, pour la poursuite de leurs missions, d’un forfait appelé GHT (groupe homogène de tarif), destiné à couvrir l’ensemble des prestations réalisées auprès des patients. L’admission en HAD étant décidée par un médecin, au regard de l’état de santé du patient et de ses besoins de soins, et formalisée dans un protocole de soins, elle ne devrait pas être remise en cause par l’Assurance maladie. Pourtant, lors de contrôles, l’Assurance maladie invalide certains séjours en HAD au motif que les soins prodigués ne répondent pas aux critères de définition de la prise en charge en HAD (continuité, coordination, complexité, fréquence). En d’autres termes, elle estime que les soins dispensés auraient pu l’être par des professionnels de santé libéraux. L’Assurance maladie soutient donc que des soins réalisés en HAD pourraient l’être en soins de ville. Il existe une césure entre des structures d’HAD qui estiment leur intervention fondée, car validée par un professionnel de santé et confortée par la rédaction d’un protocole de soins, et les professionnels libéraux, forts des contrôles de l’Assurance maladie, qui constatent que les soins dispensés s’apparentent à des soins “de ville”.

Le débat reste entier. Une réforme de la tarification de l’HAD permettra, peut-être, d’y voir plus clair. De même que des référentiels d’activité d’HAD dont une mission parlementaire* a confié l’élaboration à la Haute Autorité de santé.

* À consulter via le lien raccourci bit.ly/2qOqd7A