L'infirmière Libérale Magazine n° 337 du 01/06/2017

 

PHLÉBOTOMIE

L’exercice au quotidien

Laëtitia Di Stefano*   tOad**  

Si Sandrine était auparavant un peu frileuse face à la saignée, elle la pratique aujourd’hui auprès de ses patients, dont la majorité souffre d’hémochromatose.

Avant d’exercer en libéral, j’ai passé treize ans dans un service d’hématologie, où j’ai découvert la pratique de la saignée. J’étais un peu réticente. Venant d’un service de greffes, je n’avais jamais été confrontée à ce soin. Mais j’ai rapidement apprécié cet acte. Par la suite, j’ai naturellement pris en charge des patients en ville, dont 90 % sont touchés par l’hémochromatose. Il est nécessaire de diminuer leur taux de fer, pour éviter le stockage, dans les organes notamment. Les autres pathologies concernées sont la drépanocytose et la polyglobulie. Il y a une dizaine d’années, les hôpitaux de l’AP-HP ont arrêté les saignées pour des raisons budgétaires. Les patients, qui avaient l’habitude de se rendre en hôpital de jour dans un contexte cadré, cocooné, se sont retrouvés lâchés dans la nature. Les premiers temps ont été compliqués : peu d’infirmières connaissaient ce soin et il faisait peur, je pense. Les patients étaient stressés, voire mécontents, de devoir acheter le matériel, faire établir leur bilan sanguin… Il a fallu installer un climat de confiance, dédramatiser.

Aujourd’hui, les habitudes ont été prises. Les généralistes font le dépistage et les malades sont pris en charge très tôt, puis le médecin fait le suivi en ville. Le patient choisit de faire un “don saignée” à l’Établissement français du sang (EFS) ou de s’adresser à une infirmière. Ils peuvent faire leurs saignées en vacances dans une autre région de France avec n’importe quelle infirmière.

Je trouve ce soin particulièrement intéressant car je crée un vrai lien avec les patients. Je fais une consultation, toujours en lien avec le médecin prescripteur, vers qui je me tourne si j’ai un souci. Je reste cependant juge, par exemple, de savoir si la saignée doit se faire ou pas. Si tout est en ordre, je fais la saignée, prends les constantes, puis assure une surveillance du temps de repos. C’est un acte de nomenclature infirmière [AMI 5] dont il ne faut pas avoir peur, et pas plus dangereux qu’une perfusion. Le sang doit être jeté avec les déchets médicaux recyclables. Les patients achètent un kit de ville, dans lequel les aiguilles sont plus petites que celles utilisées à l’hôpital, ce qui n’est pas pour leur déplaire. En Bretagne, les Idels sont davantage habituées, car l’hémochromatose est une maladie d’origine celte. »

Sophie Michel, directrice de l’URPS-infirmiers Île-de-France

« Nous faisons partie du comité de pilotage sur l’hémochromatose mis en place par l’Agence régionale de santé en juin 2015, après la demande notamment d’associations de patients* qui rencontraient des difficultés à qu’on leur fasse des saignées en ville. Les temps d’attente étaient longs à l’EFS, qui faisait également des saignées sans don, ce qui n’est pas de leur ressort. L’idée était donc de désengorger l’EFS et de valoriser cet acte méconnu des Idels. Les prescripteurs eux-mêmes ne savent pas forcément que les infirmières peuvent le faire. Nous avons donc élaboré des ordonnances cadre et d’autres documents avec le comité de pilotage. L’Assurance maladie a réalisé un carnet de suivi en ville. Enfin, nous organisons des réunions d’information dans les hôpitaux, avec l’intervention de médecins hospitaliers, ce qui favorise le lien ville-hôpital. »

* FFAMH et Efaph ; Idf.infirmiers-urps.org ; Ferif-parcourshemochromatose.fr.