Pour répondre au problème de désertification médicale et lutter contre l’engorgement des urgences, la Mutuelle sociale agricole Lorraine a mis en place depuis 2015 des ateliers d’éducation à la santé familiale à destination des usagers, dispensés par des professionnels de santé dont des Idels.
CES ATELIERS D’ÉDUCATION À LA SANTÉ FAMILIALE, conceptualisés par le Laboratoire éducations et pratiques en santé (LEPS) de l’Université Paris 13 en réponse aux carences de l’offre de soins, ont été suggérés par le médecin coordonnateur régional de la Mutuelle sociale agricole (MSA) Lorraine, le Dr Jean-Louis Deutscher, à l’Agence régionale de santé Lorraine (aujourd’hui Grand Est). Au cours de ces ateliers, des professionnels de santé forment des usagers “lambdas” afin qu’une famille puisse disposer, parmi ses membres, d’un référent santé auto-soins pour les petites maladies courantes, et qui sache également sécuriser la période d’attente entre le signalement d’un accident grave et l’arrivée des secours. L’objectif est à la fois de limiter les consultations inutiles qui surchargent les médecins généralistes ainsi que les appels aux urgences. Ces ateliers sont testés sur deux territoires éloignés des sièges de structures mobiles d’urgence et de réanimation : l’Est de Lunéville et le Nord de la Meuse. Sandrine Audinot, infirmière libérale dans une Maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) à Vicheret (Vosges), a été “recrutée”, avec 23 autres professionnels de santé (médecins généralistes, de PMI, sapeur-pompier, pharmaciens, travailleurs sociaux), pour dispenser ces ateliers. « On m’a proposé d’y participer parce que je fais déjà de l’éducation thérapeutique au sein de ma MSP avec un programme de la MSA sur le cardiovasculaire », explique-t-elle.
Avant d’organiser ces ateliers, les professionnels de santé ont été préalablement formés à les dispenser, par les membres du LEPS, pendant deux jours, fin janvier 2015. Des usagers ont ensuite été sollicités pour participer aux ateliers, notamment via les contacts d’une travailleuse sociale de la MSA. Ils ont été choisis dans les Centres communaux d’action sociale (CCAS), des maisons familiales rurales ou encore des missions d’insertion. Pour la première session fin 2015-début 2016, quatre groupes d’une quinzaine de personnes chacun ont été constitués. Assistantes maternelles, adolescents, membres d’une maison familiale rurale et personnes issues d’une instance locale de coordination gériatrique ont ainsi participé aux ateliers délivrés par un binôme de professionnels de santé formés et indemnisés. L’auto-soin ou “les bobos simples de la vie quotidienne”, les pansements pour les agressions extérieures et les petits traumatismes, les soins d’urgences et enfin les situations d’exception (grand froid, canicule, inondation, risque nucléaire) constituent les quatre ateliers du tronc commun auxquels s’ajoutent trois autres modules spécifiques, au choix, sur la santé des adolescents, la puériculture et la gérontologie.
Sandrine Audinot a dispensé son premier atelier en binôme avec un médecin généraliste, fin avril 2017, à des intervenants en crèche et des parents. « Ils avaient beaucoup de questions, cela a été un bel échange », raconte-t-elle. Au cours de cet atelier, les deux professionnels de santé ont d’abord demandé à la dizaine de personnes présentes quels étaient les maux auxquels ils avaient été confrontés à la maison et au travail ces six derniers mois et comment ils les avaient gérés. « Pendant ce tour de table, nous avons répondu à leurs questions puis nous leur avons donné des solutions appropriées », explique Sandrine Audinot. Ensuite, ensemble, ils ont constitué une pharmacie familiale afin de pouvoir agir au quotidien de façon adaptée. « L’intérêt de ces ateliers est de parvenir à une vraie redistribution des cartes, estime l’infirmière. Nous retendons la main aux familles, en tant que producteurs de soins, nous leur redonnons confiance en leur montrant les bons gestes pour des problèmes du quotidien et d’urgence car ils agissent souvent correctement mais la peur leur fait perdre confiance en eux. Nous les soutenons dans cette démarche car il y a de moins en moins d’acteurs de santé sur le territoire. Il faut redonner du sens et désengorger les urgences. » Pour Sandrine Audinot, il est important que des Idels participent à ce type d’ateliers car « notre duo avec les médecins est riche, conclut-elle. Nous n’avons pas les mêmes compétences, nous nous complétons dans notre mode d’intervention ».