Les souvenirs cheminenten breton jusqu’au Riv-Âge - L'Infirmière Libérale Magazine n° 337 du 01/06/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 337 du 01/06/2017

 

CULTURE & PATRIMOINE

Actualité

Carole Tymen  

Au cœur du Finistère, dans le secteur rural de Châteauneuf-du-Faou, une association et trois artistes originaires des lieux ont recueilli la parole des anciens. Résultat : une exposition de photos et de mots basée sur leur passé et la langue bretonne.

ILS ONT MOINS DE QUARANTE ANS, sont artistes professionnels et habitent en Centre-Bretagne. Ensemble, en partenariat avec l’ADSMN*, ils viennent de mener le projet Riv-Âge auprès des aînés du secteur sur la thématique “breton, corps et chant, vecteurs de souvenir”. Entre septembre et janvier derniers, la comédienne Maya Le Strat, la chanteuse Rozen Talec et le photographe Éric Legret sont intervenus auprès d’une dizaine de personnes dites “isolées”, de 50 à 90 ans, qui vivent à leur domicile et qui sont suivies par l’ADMSN. « Les personnes ont été repérées par nos intervenants, chez elles, et invitées à participer », explique la directrice de l’association, Marie-Christine Noan.

À raison d’un atelier hebdomadaire mené dans l’école de la commune de Châteauneuf-du-Faou, les trois artistes ont fait réagir les participants sur leur parcours de vie. Les ateliers intègrent le chant, la musique bretonne, la lecture et l’écriture. L’objectif ? Solliciter leur mémoire via une chanson à forte résonnance personnelle ou un objet de leur choix qu’ils conservent chez eux. Henriette est venue avec le menu de son mariage célébré en 1956. Bertrand, Lisette, Jean-Marc et Marguerite ont apporté, pêle-mêle, un moulin à café, la photo d’une mère perdue trop jeune, la chanson héritée d’une grand-mère. « Ce sont des moments bouleversants pour nous qui ne sommes pas soignants, explique Maya Le Strat. Il nous faut trouver la frontière entre l’histoire intime et fragile, qui doit rester dans le cadre de l’atelier, et la restitution artistique du projet. »

« Joie de vivre »

Au cœur du projet, il y a la langue bretonne. « C’est une population qui l’a connue dans le cercle familial, développe la chanteuse Rozenn Talec, spécialiste du collectage de chants anciens locaux. Beaucoup de souvenirs y sont liés. » Ensemble, ils ont tenté de combler des passages manquants d’un chant des sœurs Rumen qui évoque – en breton – des noces en Centre-Bretagne. « Mon rôle était de lancer la machine et de l’accompagner, en aucun cas de faire à leur place. » « On a souvent pris des chemins de traverse, reconnaît Maya Le Strat. C’est un public exigeant et difficile à mener là où nous voulions. Mais comme ils se font plaisir, c’est difficile d’aller contre… »

La philosophie du projet Riv-Âge est bien de travailler avec des artistes professionnels et non des animateurs « pour juste passer le temps ». « Ce n’est pas parce qu’on est en milieu rural et avec un public vieillissant qu’il faut avoir des exigences artistiques à la baisse », milite la directrice de l’ADSMN.

La restitution du projet consiste en une exposition des photos d’Éric Legret, prises lors des séances. Les images ont été mises en mots par la comédienne qui a retranscrit certains échanges des séances. Des photographies dans lesquelles la couleur a toute sa place. « Il y a de la joie de vivre, même chez les personnes âgées, il n’y a pas de raison de les priver de couleurs », explique Éric Legret, plus habitué aux scènes musicales. Le projet est soutenu par l’Agence régionale de santé de Bretagne dans le cadre de son dispositif “culture et santé”. Il repose sur le partenariat entre les artistes, l’ADSMN et la clinique de l’Élorn, où des ateliers devaient également être organisés. L’équipe donne actuellement une suite au projet Riv-Âge avec un volet plus axé sur le théâtre et la mise en scène des personnes. Il est conduit par Maya Le Strat.

* L’Association pour le développement sanitaire en Montagnes noires (ADSMN) est une association locale qui favorise le maintien à domicile des personnes et la conservation de leur autonomie. Son secteur d’intervention couvre un tiers du département du Finistère et elle compte 120 intervenants, dont 40 Idels conventionnées.