L'infirmière Libérale Magazine n° 337 du 01/06/2017

 

BURN-OUT

Actualité

Laure Martin  

L’Association d’aide aux professionnels de santé et médecins libéraux (AAPML) a organisé fin avril, sous le haut patronage du ministère, le colloque Soigner les soignants. L’occasion d’aborder la question du burn-out des professionnels, et ce, dès leurs études.

L’Union régionale des professionnels de santé (URPS)-infirmiers libéraux d’Île-de-France, qui représente environ 6 000 Idels, a mené en 2014 avec l’AAPML une étude adressée aux infirmiers et aux masseurs-kinésithérapeutes libéraux, afin de connaître les raisons de leur burn-out.

21 % des Idels prêtes à changer de métier

« La première cause est la non-reconnaissance des Idels à leur juste valeur », explique John Pinte, représentant de l’URPS-infirmiers. L’exigence de plus en plus prégnante des patients et l’excès de paperasserie complètent la liste. « Les Idels regrettent leur manque de temps pour la vie privée, parasitée par la vie professionnelle », ajoute-t-il.

Ainsi, 62 % des infirmiers libéraux se sentent personnellement menacés par l’épuisement professionnel et, parmi eux, 21 % sont prêts à changer de métier. « À la suite de cette enquête, l’URPS a mis en place un partenariat avec l’AAPML afin d’avoir une personne désignée pour aider les infirmiers dans le besoin, indique John Pinte. Notre rôle est de les orienter vers les interlocuteurs dédiés. »

Un dispositif d’écoute

Créée en 2004, l’AAPML, reconnue d’intérêt général, « offre aux professionnels de santé un dispositif concret d’écoute téléphonique, d’accompagnement et de soutien psychologique spécialement dédié », rapporte le Dr Régis Mouries, président de l’AAPML. Outre une assistance psychologique par téléphone, anonyme et confidentielle, l’association oriente si nécessaire les appelants vers un psychologue ou toute autre structure ou réseau proposant une prise en charge adaptée.

Favoriser la reconnaissance du travail

Marie Pezé, docteur en psychologie et responsable du réseau de consultations Souffrance et travail, s’est elle-même alarmée de la présence de 130 consultations souffrance et travail en France. « Ce n’est pas une réussite, mais un symptôme, précise-t-elle. Si on tombe malade à cause du travail, c’est parce que ce dernier occupe une place centrale dans la préservation de notre santé individuelle. » Et d’ajouter : « L’hyperactivité est aujourd’hui une demande essentielle faite aux personnes au travail. Or, dans la fonction publique hospitalière par exemple, c’est le manque de reconnaissance qui multiplie par deux l’absence au travail. » Il faut selon elle faire attention « aux surdités quotidiennes » et « attacher de l’importance aux prises de parole des sentinelles de terrain ».

Pour les étudiants aussi

Parmi ces sentinelles, le Dr Valérie Auslender, médecin généraliste et auteur du livre Omerta à l’hôpital, le livre noir des maltraitances faites aux étudiants en santé (lire p. 21), a été témoin de nombreuses violences commises envers les étudiants. Elle considère que « les pouvoirs publics doivent s’emparer de cette question » et que « le plan d’action de la ministre doit aussi concerner les étudiants ». Selon une étude de l’Ordre des médecins de juin 2016, sur 8 000 jeunes médecins et étudiants en santé, 14 % ont déjà eu des pensées suicidaires. De même, l’étude de 2015 de la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnesi) a révélé que 85 % des étudiants en IFSI jugent leur formation empreinte de violences. « On parle de violences physiques, de chantage sexuel et de pressions psychologiques », précise le Dr Auslender. Quels outils pour lutter ? « À mon échelle, je ne peux qu’inciter les étudiants à témoigner et dénoncer les violences qu’ils subissent, insiste le médecin. Ils doivent également rompre leur solitude et en parler à leurs formateurs et aux directeurs des IFSI. » Ces derniers doivent s’emparer du phénomène et instaurer des groupes de parole. « Avec la Fnesi, nous allons mettre en place des actions de prévention au sein des IFSI pour aider les étudiants à lutter contre le harcèlement moral et leur donner les clefs pour les soutenir, les défendre et faire en sorte qu’ils ne se sentent plus seuls. »

en savoir +

• Numéro d’appel de l’AAPML :0 826 004 580 (Île-de-France)

• Numéro d’appel de Soins aux professionnels de santé (SPS) : 0 805 23 23 36 (toute la France)