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Sereine Mauborgne dans le Var, Jean-Michel Jacques dans le Morbihan, auxquels s’ajoutent, dans les Alpes-de-Haute-Provence, Emmanuelle Fontaine-Domeizel, suppléante du ministre Castaner et donc amenée à siéger dans l’hémicycle, et, en Aveyron, Anne Blanc, qui a exercé en libéral : quatre Idels, toutes sous les couleurs macronistes de La République en marche, entrent à l’Assemblée nationale. Au total, huit infirmiers ont été élus comme titulaires sur quelque 80 députés issus du secteur de la santé. Une situation inédite dans l’histoire de la République.
Jean-Michel Jacques, 49 ans, élu à 54,72 %
→ Originaire de Lorraine et ancien infirmier des commandos Marine en mission en Afghanistan et au Mali, vous voilà député…
Engagé dans la Marine, à 20 ans, j’ai fait l’école de spécialité d’infirmier à Toulon pour ne pas être réformé. J’ai obtenu le diplôme d’infirmier des Armées. Je suis devenu l’un des “infirmiers de l’avant”, en mission et sur le front, là où l’on allie sport et contact. En 2010, à 42 ans, j’avais le sentiment d’être arrivé au bout d’un cursus. Comme j’avais passé mon diplôme d’État en 2000 – pour des raisons d’équivalence européenne –je suis devenu formateur à l’IFSI de Lorient qui cherchait un profil d’urgentiste. En parallèle, je continue d’être infirmier sapeur-pompier volontaire, pour garder un certain niveau dans la gestion de l’urgence.
→ En 2014, vous êtes devenu maire de Brandérion, commune de quelque 1 200 habitants. Qu’est-ce qui a motivé votre engagement public ?
Je conduisais une liste citoyenne, sans couleur politique, qui prônait le renouveau de la vie publique locale. Après vingt-cinq années passées avec les mêmes élus, les électeurs nous ont choisis à 70 %, preuve d’un désir de changement. En avril 2016, j’ai retrouvé dans le projet d’Emmanuel Macron la démarche que j’avais au niveau communal. J’ai été le premier maire du Morbihan à lui apporter mon soutien.
→ Installé au sein d’un cabinet d’infirmiers depuis 2013, vous continuez d’exercer ?
Arrivé en tant que remplaçant, je n’ai jamais voulu être associé. Statutairement, c’était plus simple. Une manière aussi de garder ma liberté d’action sur la scène publique. Devenu référent départemental d’En Marche !, j’ai arrêté mon activité en janvier pour me consacrer à l’élection présidentielle. C’était un choix à faire, financièrement notamment, mais cela en valait la peine.
→ Que peuvent apporter des professionnels de santé au débat ?
Notre exercice nous a donné une certaine expertise, elle doit désormais être utile et au service de tous. Pour ma part, ce sera au niveau de la formation des professions de santé, notamment concernant le glissement des tâches et des compétences. Ce glissement peut être utile et permettre de monter en niveaux. Bien souvent, les soignants ne peuvent pas faire tel ou tel acte parce qu’ils sont prisonniers des décrets. Exemple : pourquoi un pompier ne peut pas prendre la glycémie d’une personne quand n’importe quel patient peut le faire seul ? Il faut permettre ces glissements tout en sécurisant l’activité de chacun.
→ Que comptez-vous faire politiquement pour les Idels et libéraux de santé ?
Il y a beaucoup d’actes de coordination qui sont réalisés en “off” mais qui ne sont pas reconnus. Il faut les valoriser. Chez monsieur Untel ou madame Unetelle, combien d’Idels prennent le temps de faire toutes ces petites choses, “à côté” de leur mission de soin ? Reconnaître ces actes de coordination, par une tarification, c’est contribuer à préserver les personnes à leur domicile. Certes, il y a d’autres services présents, comme les hospitalisations à domicile. Mais il n’y en a pas partout. Il faut aussi revoir les prescriptions. Faire repasser les patients par les cabinets médicaux pour une bouteille de Bétadine est une perte d’énergie et d’argent. Qu’on soit infirmier, médecin ou ambulancier, il faut dépasser le protectionnisme et le corporatisme, et remettre le patient et la couverture de soins au cœur de notre pensée de soignant. Mais il faut pour cela oser et se permettre de penser différemment.
→ Pendant sa campagne, Emmanuel Macron a annoncé le doublement des maisons de santé. N’est-ce pas un peu une coquille vide ?
Dans ma circonscription plutôt rurale, certaines initiatives, difficiles à mettre en place, sont déjà opérationnelles. Hélas, malgré de lourds investissements des collectivités, elles ne trouvent pas de médecins. Certains ont peur de venir car ils ont une fausse image de la pratique en zone rurale et cherchent à avoir tous les services à portée de main. Il nous faut travailler là-dessus.
Propos recueillis par Carole Tymen
Sereine Mauborgne, 45 ans, élue à 54,65 %
→ Quel a été votre parcours professionnel ?
J’ai obtenu mon diplôme d’infirmière en 1995 et j’ai ensuite travaillé à l’hôpital du Mans, dans la Sarthe, en cancérologie infantile puis en post-réanimation polyvalente. Après mon deuxième congé maternité, j’ai fait une série de remplacements. Puis, un jour, j’ai rencontré une patiente infirmière libérale qui cherchait quelqu’un pour la remplacer pendant les vacances. C’était l’été de la canicule de 2003. Cette expérience a été une révélation, pour moi, de l’exercice libéral. L’automne suivant, j’ai créé mon cabinet puis, en 2009, j’ai déménagé dans le Var où j’exerce dans un cabinet avec trois autres infirmières libérales.
→ Quand avez-vous commencé à vous intéresser à la politique ?
Quand j’habitais dans la Sarthe, à Coulaines, j’ai été conseillère municipale déléguée de 2000 à 2003. J’étais chargée des associations, du conseil municipal des jeunes et de l’accueil des nouveaux habitants. J’étais écologiste, mais sans être encartée dans un parti. J’ai retenu de cette expérience ce que je ne voulais pas en politique : la logique des vieux partis. Mais j’ai également appris ce que représente le travail quotidien des élus locaux.
→ Comment avez-vous rencontré le mouvement En Marche !
Je me suis vraiment intéressée à Emmanuel Macron quand il a démissionné de Bercy. J’ai offert son livre Révolution à mon mari, qui est plutôt LR [Les Républicains]. Mais il a été emballé et je l’ai lu à mon tour. J’ai tout de suite adhéré à l’idéologie d’Emmanuel Macron au point que j’ai rejoint un comité En Marche ! dès décembre et me suis investie dans la campagne présidentielle. Je suis allée travailler dans les ateliers d’intelligence collective sur les thèmes de l’Europe, de la sécurité et de l’environnement.
→ Comment en êtes-vous venue à vous présenter vous-même aux législatives ?
Prise dans la dynamique de ce mouvement, j’ai eu envie de présenter ma candidature pour les législatives dans le Var. J’ai rempli un dossier en ligne et envoyé CV et lettre de motivation. J’ai passé un entretien d’une heure et quart au téléphone où j’ai dû répondre à beaucoup de questions sur ma future stratégie électorale et j’ai été choisie.
→ La campagne a-t-elle été difficile ?
Oui, la commune où je vis, Cogolin, est une mairie FN. Au second tour de la présidentielle, Marine Le Pen y a réalisé un score de 52 %. Moi, j’ai gagné contre un candidat FN avec presque 55 %. C’était vraiment un enjeu fort pour moi de battre le FN. Il y a eu un indéniable effet Macron. Nous avons aussi bénéficié de la démobilisation de l’électorat frontiste due à la mauvaise fin de campagne de Marine Le Pen et à la démission surprise de Marion Maréchal-Le Pen, qui est une figure iconique dans la région.
→ Votre métier d’Idel a-t-il été un atout aussi ?
Certainement ! Et comme je fais partie d’une SISA [société interprofessionnelle de soins ambulatoires] et que j’ai fondé avec une autre infirmière une association des professionnels de santé du golfe de Saint-Tropez, j’ai été soutenue dans la région.
→ Vous voyez-vous aussi comme une représentante des infirmières libérales au Parlement ?
Il faut certainement porter la voix des infirmières libérales en expliquant le maillage extraordinaire qu’elles représentent pour l’accès aux soins. Je vais d’ailleurs rencontrer les syndicats d’infirmiers libéraux prochainement, notamment pour parler des prochaines négociations conventionnelles. Il n’y a jamais eu autant de professionnels de santé à l’Assemblée nationale, et pas seulement des médecins. Je pense que nos travaux vont être très intéressants dans le domaine de la santé. On va notamment pouvoir améliorer la prévention grâce au service sanitaire pour les étudiants en santé. Ce sera aussi un moyen pour eux de se faire une idée de l’exercice en zone rurale. La ruralité, on l’aime ou on la fuit ! Mais c’est important de l’avoir rencontrée. En tant que députés issus de la société civile, nous avons aussi un rôle particulier à jouer pour éclairer les travaux parlementaires de l’expérience du terrain.
Propos recueillis par Véronique Hunsinger
Aucun des cinq Idels candidats interrogés dans notre numéro de mai n’a passé le premier tour. Fabienne Chochois (Les Républicains, Pas-de-Calais) a obtenu 10 % des suffrages ; Alain Delannoy (divers gauche, Pas-de-Calais) 4 % ; Sophie Rivière-Durivault (Front national, Gironde) 12,4 %. Martial Candel (Dordogne), lui, n’a pas été retenu par En Marche ! ; le candidat investi à sa place a été élu. Enfin, Isabelle Loeffel (France insoumise, Finistère) a laissé sa place de suppléante à une communiste ; le tandem a recueilli 14,6 % des suffrages.
C.T.
L’ancienne ministre de la Santé, Marisol Touraine, rêvait de prendre le “perchoir”, comme on appelle la présidence de l’Assemblée. Mais, à l’image de beaucoup de députés spécialistes depuis plusieurs années des questions de santé, elle a été balayée par la vague de La République en marche. La composition de la commission des affaires sociales, où les questions touchant à la santé sont principalement discutées, va complètement se renouveler. En effet, plusieurs experts des questions de santé ne se sont pas représentés, à l’instar du Républicain Jean Leonetti. Et pour la plupart des ténors, l’élimination a été brutale, en particulier pour la présidente de la commission, la socialiste Catherine Lemorton, ainsi que ses collègues socialistes et radicaux Michèle Delaunay ou Gérard Bapt. À droite, deux historiques ont perdu leur siège, Pierre Morange et Dominique Tian, et trois l’ont sauvé : Jean-Pierre Door, Valérie Boyer et Bérangère Poletti. Ils retrouveront à la commission le seul rescapé des bancs de la gauche : Jean-Louis Touraine, socialiste lyonnais qui avait adopté la ligne macroniste.
V.H.