L'infirmière Libérale Magazine n° 338 du 01/07/2017

 

EN ZONE SURDOTÉE… EN TOURISTES

L’exercice au quotidien

Françoise Vlaemÿnck*   Frédéric Deligne**  

Embouteillages, caprices de vacanciers, urgences à géométrie variable, pathologies inhérentes aux lieux festifs, “soins de plage” et aux célébrités… L’été à Saint-Tropez, Muriel Rouby ne s’ennuie pas…

Hors saison, Saint-Tropez est un petit village tranquille de quelque 4 500 habitants. Mais, à partir de Pâques et jusqu’à octobre, c’est une déferlante de touristes*, avec un pic énorme entre mi-juillet et mi-août. Dès lors, je m’organise pour répondre aux nombreuses sollicitations des estivants mais en désorganisant le moins possible ma tournée afin que ma patientèle habituelle, souvent âgée, ne pâtisse pas trop des effets de la saison. L’été, j’attaque donc à 4 h 45. Je commence par le centre-ville puisque, dès 9 heures, les rues sont impraticables, même si la mairie nous autorise à nous garer sur les emplacements réservés aux livraisons, puis je fais les extérieurs. Après une pause, je termine vers 18 h 30. Pour éviter les embouteillages qui paralysent tout le secteur, on a essayé le scooter, mais nous avons tous eu des accidents plus ou moins sérieux. Moi, je me suis cassé deux côtes. Les touristes n’échappent pas non plus aux chutes en deux-roues… sauf qu’ils roulent souvent en tongs et en tee-shirt, voire en maillot de bain, et évidemment sans gants ! Résultat, chaque été, on soigne moult plaies aux mains et aux pieds, et c’est assez long avec les pansements sur différentes parties du corps.

Nous pratiquons aussi beaucoup d’injections car les touristes alternent chaleur et climatisation, ce qui provoque des épidémies d’angines et de bronchites… Et comme ils veulent profiter au maximum de leur séjour, ils réclament des piqûres. C’est donc antibiotique et cortisone à tout-va. Cette pratique s’est imposée ici comme la norme… On a aussi pas mal de pansements pour des plaies et points de suture de fêtards ivres qui se coupent avec des verres, se tordent les chevilles, chutent… Bref, toutes sortes de pathologies inhérentes aux lieux festifs. Mon cabinet jouxtant une boîte de nuit, je me souviens de l’appel d’un client en pleine nuit me demandant de venir au plus vite lui faire une injection… d’héroïne car il n’était plus en état de la faire seul. Évidemment, j’ai refusé. On a aussi beaucoup d’appels pour ce qu’on nomme les “soins de plage”, comme les piqûres de méduses – on donne alors le plus souvent des conseils par téléphone. Les conciergeries des hôtels nous contactent aussi pour leur clientèle, en appelant plusieurs Idels en même temps mais sans jamais prendre la peine de décommander les autres lorsque l’une d’entre nous s’est rendue sur place… Par ailleurs, l’été, une partie de la patientèle est un tantinet capricieuse. Elle a l’habitude d’être servie et n’aime pas attendre. Je ne compte plus les fois où, de bonne composition, j’ai accepté de venir toutes affaires cessantes pour finalement poireauter parce que le patient était encore à la plage ou à la piscine… Le mot “urgence” n’a pas le même sens pour tous…

Cela dit, il n’y a pas que des mauvais aspects lorsqu’on travaille à Saint-Tropez. Chaque été, je fais des soins à quelques célébrités et gens fortunés en villégiature et j’ai la chance de pénétrer dans de superbes demeures et d’admirer des jardins mais aussi des œuvres d’art remarquables. Et, le plus souvent, ces personnes sont simples et adorables. Si, comme beaucoup de Tropéziens, je suis contente lorsque la saison s’achève, je mesure cependant l’aubaine de travailler et de vivre dans un endroit aussi exceptionnel. »

* En moyenne, au cours d’une saison touristique, Saint-Tropez accueille six millions de touristes et vacanciers.