Après moins d’un an de fonctionnement, l’heure du bilan est encore loin pour les deux premières salles de consommation à moindre risque françaises. Mais elles semblent avoir déjà trouvé leur place dans le paysage.
Les salles de consommation à moindre risque, dans lesquelles les usagers de drogues peuvent s’injecter ou inhaler leurs produits de manière sécurisée, déchaînent les passions. La première a ouvert en octobre dernier à Paris au terme d’un feuilleton qu’on croyait ne jamais voir aboutir tant l’opposition des riverains était forte. La seconde, inaugurée à Strasbourg (Bas-Rhin) un mois plus tard, n’a pas connu ce genre de difficultés : elle se situe face au fleuve, ce qui limite les éventuels problèmes de voisinage. Depuis, ces deux unités font leur petit bonhomme de chemin… et attendent du renfort.
José Matos, en charge du site parisien pour le compte de l’association Gaïa, se dit « très satisfait » du démarrage des opérations. Nichée dans une aile de l’hôpital Lariboisière à Paris, la salle de consommation reçoit environ deux cents usagers par jour. Face à un tel afflux, l’équipe aimerait pouvoir élargir les horaires d’ouverture, et notamment démarrer l’accueil avant 13 heures. Une possibilité qui n’a pour l’instant pas pu se concrétiser, principalement pour des raisons budgétaires.
Côté strasbourgeois, c’est aussi la satisfaction qui domine. « Nous avons entre une trentaine et une cinquantaine de passages par jour », indique Aurélie Kriess, cadre de l’association Ithaque, qui gère la salle alsacienne. Celle-ci se réjouit notamment de pouvoir, grâce à ce nouveau service, rencontrer des usagers que sa structure ne touchait pas par ses dispositifs antérieurs. « Ce sont des gens qui déclarent n’avoir jamais été en contact avec aucune association », explique la responsable.
Alors, ces salles doivent-elles essaimer sur le territoire ? Pour Aurélie Kriess, la réponse est claire. « Dans un souci d’égal accès aux soins, bien sûr qu’il faudrait des salles partout en France », affirme la Strasbourgeoise qui, prenant l’exemple de sa région, cite des besoins particulièrement importants à Nancy. Elle estime toutefois que l’ouverture d’une deuxième salle à Strasbourg serait prématurée. « Il faut laisser le temps à cette expérimentation de prendre ses marques », affirme-t-elle.
Des précautions dont ne s’embarrassent pas les Parisiens. « Le Conseil de Paris a adopté un vœu en faveur de l’ouverture d’un autre site en Île-de-France, annonce le Dr Bernard Jomier, adjoint à la maire de Paris chargé de la Santé, très impliqué sur le dossier. Personne n’imagine qu’il suffira d’une seule salle pour répondre aux besoins à l’échelle de la métropole. »
Mais l’ouverture d’une salle ne se fait pas en un claquement de doigts. « Ce type de projet nécessite des échanges et un partenariat serrés entre les municipalités, la police, la justice, les professionnels qui interviennent dans ce champ », explique le Dr Ruth Gozlan, chargée de mission Santé à la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), qui coordonne l’expérimentation. « Pour que d’autres salles puissent ouvrir et que les projets réussissent, il faut que les choses se construisent sur le territoire », ajoute Ruth Gozlan.
La mairie de Bordeaux (Gironde) a toutefois annoncé début juin l’ouverture d’un nouveau site au sein de l’hôpital Saint-André à la fin de cette année ou au début de l’année prochaine. Un dossier sur lequel la Mildeca se veut prudente. « Effectivement, les acteurs se remettent autour de la table sur ce projet, reconnaît Ruth Gozlan. Mais les modalités exactes doivent encore être réfléchies. » L’expérimentation des salles se fait d’ailleurs dans le cadre d’une évaluation confiée à l’Inserm, qui doit durer six ans à compter de l’ouverture de la première unité. Il est probable que les salles déjà fonctionnelles trouvent le temps un peu long.