L'infirmière Libérale Magazine n° 339 du 01/09/2017

 

PHARMACOLOGIE

Actualité

Marie Fuks  

En raison de données de sécurité jugées préoccupantes, l’ANSM réduit drastiquement la prescription maximale du baclofène dans la prise en charge de l’alcoolo-dépendance.

Le 24 juillet, quatre mois après le renouvellement pour un an de la recommandation temporaire d’utilisation (RTU) initiée en 2014 pour le baclofène (relaxant musculaire) dans le traitement de l’alcoolo-dépendance, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a jugé, après analyse des résultats d’une étude sur ses usages et sa sécurité, que le profil de sécurité de ce produit à forte dose exposait les patients à un sur-risque d’hospitalisation et de décès en comparaison des patients traités par les médicaments ayant une AMM dans le traitement de la dépendance à l’alcool(1). Elle a donc révisé le protocole d’utilisation de la RTU en réduisant la dose maximale prescriptible de 300 mg/j à 80 mg/j et en demandant aux médecins prescripteurs d’initier une diminution progressive par paliers pour les patients recevant déjà des doses supérieures à 80 mg/j(2). Une mesure de précaution en attendant la finalisation de l’évaluation du dossier d’AMM déposé par Ethypharm.

Patients déroutés, médecins débordés

Cette décision a suscité de nombreuses et vives réactions des professionnels de santé, notamment de la Société française d’alcoologie (SFA), de la Fédération Addiction et des spécialistes ayant participé au Comité scientifique spécialisé temporaire de la RTU. Au-delà du fait qu’ils regrettent de ne pas avoir été consultés, certains contestent la méthodologie de l’étude et se disent « surpris et abasourdis de l’urgence dans laquelle cette décision a été prise »(3). Comme l’indique la SFA, « sur le terrain, le message est confus »(4), les patients déroutés et les médecins débordés par les appels. Début août, la SFA a donc formulé des recommandations suggérant entre autres « de ne pas modifier les doses pour les patients bénéficiant d’une prescription supérieure à 80 mg/j bien tolérée et efficace ou de rechercher avec prudence et sans précipitation une dose minimale efficace ».

« 80 % des 213 000 patients traités en vie réelle par baclofène entre 2009 et 2015 l’étaient à des posologies inférieures ou égales à 80 mg/j, 9 % à des doses supérieures à 75 mg/j et 1 % à des doses supérieures à 180 mg/j, relativise l’ANSM. Ainsi, pour la grande majorité des patients, la réduction de la posologie maximale quotidienne n’a pas de conséquence. »(5) Cela dit, l’ANSM rappelle que la prescription relève in fine de la responsabilité du médecin qui, après avoir réalisé une évaluation personnalisée de la balance bénéfice/risque du traitement pour son patient, a toujours la possibilité de prescrire hors AMM et hors RTU en respectant des conditions particulières (information et accord du patient, surveillance et notification sur l’ordonnance). Une possibilité non satisfaisante selon les médecins car, dans ce cas, les patients ne sont pas remboursés. Lorsqu’on sait que plus de quatre patients sur cinq débutant un traitement par baclofène ou tout autre médicament de la dépendance(1) l’arrêtent définitivement au cours des six premiers mois d’utilisation, on peut en effet craindre que la prescription hors RTU constitue une perte de chance.

(1) Lien vers l’étude Cnamts/Inserm/ANSM : bit.ly/2wazDyA

(2) bit.ly/2wUWyyF

(3) Le Quotidien du médecin (lien : bit.ly/2wBZAID).

(4) bit.ly/2wdzQiv

(5) bit.ly/2wLtWIV