L'infirmière Libérale Magazine n° 339 du 01/09/2017

 

Cahier de formation

Savoir faire

Identifier la situation d’urgence vitale, alerter les secours, transmettre les observations, suivre les conseils donnés et réaliser les gestes adéquats en cas d’arrêt cardiaque, d’intoxication ou d’obstruction des voies aériennes.

L’ARRÊT CARDIAQUE

Définition

L’arrêt cardiaque, cardio-respiratoire ou cardio-circulatoire, également appelé “mort subite de l’adulte”, est défini par l’interruption, généralement brutale, de l’activité d’au moins une des composantes du système cardiovasculaire : le myocarde, qui assure l’éjection du débit cardiaque et/ou le système vasculaire artérioveineux qui distribue ce débit aux organes.

Contexte

Les victimes, qui sont des hommes dans deux cas sur trois, ont un âge d’environ 65 ans. La majorité des arrêts cardio-circulatoires surviennent au domicile. La réanimation initiale permet une survie immédiate dans environ 15 à 20 % des cas, mais la survie à un mois reste actuellement très faible, de l’ordre de 8 %(1).

Causes

Dans 90 % des cas, l’arrêt cardiaque est dû à une cause cardiovasculaire, dont l’infarctus du myocarde. Le plus souvent, il est dû à une fibrillation ventriculaire, un trouble du rythme caractérisé par des contractions rapides, irrégulières et inefficaces des ventricules du cœur. Dans ce cas, le cœur n’est pas arrêté mais la circulation sanguine est interrompue et les conséquences sont les mêmes que pour l’infarctus. On parle alors “d’inefficacité circulatoire”.

Les autres causes, non cardiaques, englobent la noyade, l’électrisation, l’intoxication, l’hypothermie, l’overdose, l’insuffisance respiratoire aiguë, etc.

Urgence vitale

L’arrêt cardiaque est la plus urgente des urgences vitales. En l’absence de restauration de l’activité cardio-circulatoire par un massage cardiaque dans les cinq minutes, une mort biologique s’ensuit dans certains organes comme le cerveau qui est le plus sensible à un manque d’oxygène, et les lésions cérébrales commencent à être irréversibles. Elles s’aggravent ensuite jusqu’au décès. La réanimation cardio-pulmonaire et la défibrillation effectuées dans les trois à cinq minutes suivant la perte de connaissance permettent d’obtenir des taux de survie élevés de l’ordre de 49 à 75 %. En revanche, chaque minute perdue diminue la probabilité de survie de 10 à 15 %(2). Une restauration incomplète ou tardive de l’activité cardiaque peut permettre la survie, mais laisser des séquelles. Les plus sévères étant les états végétatifs chroniques caractérisés par l’absence de toute activité consciente alors que le sujet est en état de veille et n’a pas besoin d’aide pour la respiration et le rythme cardiaque.

RECONNAISSANCE D’UN ARRÊT CARDIO-CIRCULATOIRE

Quels que soient le lieu, les circonstances ou les hypothèses étiologiques, une perte de conscience brutale et complète et l’absence de pouls artériel, accompagnés ou non d’un arrêt respiratoire, suffisent à évoquer un arrêt cardio-circulatoire (ACC) :

→ l’absence de pouls carotidien ou fémoral est à rechercher immédiatement. Inutile de rechercher le pouls radial ou de prendre la tension artérielle ;

→ lors de la perte de conscience, le patient tombe, il est aréactif, sans mouvement, sauf parfois durant une courte phase de convulsions ou de petits mouvements, et ne réagit pas quand on lui parle ou le stimule ;

→ l’arrêt respiratoire ou apnée se manifeste par l’absence de mouvements respiratoires du thorax et de l’abdomen à l’inspiration et à l’absence d’un souffle d’air qui sort de la bouche à l’expiration. Si l’apnée est vérifiée pendant dix secondes, la respiration est arrêtée. Cet arrêt est parfois précédé de soubresauts respiratoires avec des mouvements respiratoires inefficaces, lents et bruyants, appelés “gasps”, qui peuvent persister quelques minutes. Les gasps sont présents dans 40 % des arrêts cardiaques qui viennent de se produire et ne doivent pas être confondus avec une respiration normale(3). Un gasp n’est pas une respiration efficace, un massage cardiaque doit être débuté immédiatement.

Les autres signes sont une pâleur ou une cyanose, et la dilatation des pupilles des deux yeux, dont l’apparition est parfois retardée.

L’INFARCTUS DU MYOCARDE

Épidémiologie

On en dénombre environ 120 000 par an en France, à l’origine d’environ 18 000 décès. Environ 10 % des décès surviennent dans l’heure qui suit l’infarctus du myocarde (IDM) et le taux de mortalité à un an est de 15 %. Contrairement à une idée reçue, les femmes décèdent davantage que les hommes d’une maladie cardiovasculaire. Progressivement, les femmes ont en effet adopté les mêmes comportements à risque que les hommes. Tabac, consommation d’alcool, sédentarité, alimentation déséquilibrée, surpoids et stress sont à l’origine de 80 % des maladies cardiovasculaires qui touchent les femmes. Conséquence, chez les femmes de moins de 50 ans, le pourcentage de victimes par IDM a été multiplié par trois depuis quinze ans (voir encadré à gauche).

Signes typiques

L’IDM est principalement caractérisé par une douleur aiguë et persistante dans la poitrine, qui irradie le bras gauche, le dos et la mâchoire. Malaise, nausées et vertiges sont également possibles. L’IDM n’est pas forcément douloureux et près d’un quart ne s’accompagne pas de signes typiques. Certains ne sont dépistés qu’a posteriori à l’occasion d’une complication.

Signes particuliers chez les femmes

Comme chez les hommes, mais plus rarement, l’IDM peut se manifester chez les femmes par une douleur au niveau du thorax qui irradie dans le bras gauche et jusqu’à la mâchoire. D’autres signes avant-coureurs doivent alerter comme des douleurs dans la poitrine ou dans l’épaule, des palpitations lors d’un effort, un essoufflement. D’autres symptômes comme des nausées, des vomissements, des sueurs ou des douleurs dans l’estomac peuvent être pris à tort pour des problèmes digestifs.

LES GESTES QUI SAUVENT

Grâce aux progrès thérapeutiques, à la vitesse d’intervention du SAMU et à la disponibilité accrue d’unités de cardiologie interventionnelles opérationnelles sept jours sur sept et 24 heures sur 24, la mortalité relative à trente jours après un arrêt cardio-circulatoire a chuté de 68 % ces quinze dernières années(4). En cas d’ACC, appeler les secours, débuter immédiatement le massage cardiaque, et, si possible, utiliser un défibrillateur, sont les trois gestes qui sauvent, rappelle la Fédération française de cardiologie.

Reconnaître et alerter

Pour les secouristes et les professionnels de santé, l’absence de signe de vie et de pouls carotidien ou fémoral suffit à révéler l’absence de signes de circulation. La reconnaissance de l’ACC doit être rapide. Elle est immédiatement suivie d’une alerte au 15 (SAMU) ou au 112 (numéro d’urgence européen) et d’une réanimation cardio-pulmonaire (RCP). En cas de doute sur la réalité de l’ACC, démarrer une RCP et arrêter si, en cas d’erreur, le patient se réveille.

Apprécier la respiration

→ Poser la paume d’une main sur le front de la victime.

→ Placer deux ou trois doigts de l’autre main sous la pointe du menton.

→ Basculer doucement la tête de la victime en arrière en appuyant sur le front et en élevant le menton.

→ Se pencher et approcher l’oreille et la joue au-dessus de la bouche et du nez de la victime.

→ Apprécier avec la joue le flux d’air expiré.

→ Écouter les bruits provoqués par la respiration (sifflement, ronflement, gargouillement).

→ Observer le soulèvement du ventre et/ou de la poitrine.

Réanimer

Le massage cardiaque permet de faire repartir le cœur, de relancer la circulation sanguine et donc l’oxygénation des cellules cérébrales pour ainsi éviter de lourdes séquelles.

Libérer les voies aériennes

La première étape consiste à retirer tout ce qui pourrait gêner la respiration, comme déboutonner un col de chemise trop serré ou enlever une cravate ou une veste trop étroite. Retirer ensuite ce qui peut gêner la respiration au niveau de la bouche comme un dentier ou un corps étranger. Basculer la tête de la victime en arrière pour ouvrir les voies aériennes supérieures et faciliter le passage de l’air.

Installation

→ Installer la personne sur un plan dur, le plus souvent à terre et s’agenouiller à côté.

→ Placer le talon d’une main au milieu de la poitrine nue et solidariser les deux mains.

→ Veiller à ne pas appuyer sur les côtes ni sur la partie inférieure du sternum.

→ Positionner les épaules à l’aplomb de la poitrine de la victime et les bras tendus.

→ La durée de la compression doit être égale à celle du relâchement de la pression de la poitrine.

Le massage cardiaque

La mise à jour des recommandations 2015-2020 par l’European Resuscitation Council(5) insiste sur :

→ les compressions thoraciques sont débutées immédiatement et interrompues le moins possible si la victime ne répond pas ou ne réagit pas ;

→ elles doivent avoir une profondeur d’au moins 5 cm sans dépasser 6 cm ;

→ à un rythme de 100 à 120 par minute (environ 2 compressions par seconde) ;

→ les insufflations (voir encadré en page précédente) doivent interrompre la RCP le moins possible. Ne pas consacrer plus de cinq secondes pour deux insufflations, réaliser chaque insufflation en une seconde ;

→ pratiquer trente compressions thoraciques pour deux insufflations (30/2) ;

→ le volume d’air insufflé doit être suffisant pour permettre au thorax de se soulever visiblement (signe d’efficacité) ;

→ si les insufflations ne sont pas possibles, réaliser malgré cela les compressions thoraciques ;

→ rechercher un défibrillateur automatique externe à proximité et l’utiliser (voir encadré ci-dessous).

Recours à un défibrillateur automatique externe

Depuis un décret du 4 mai 2007, toute personne est habilitée à utiliser un défibrillateur automatique externe (DAE). Ce qui permet à tout témoin d’un accident cardiaque de pouvoir intervenir dès les premières minutes avant l’arrivée des équipes de secours médicalisées. Une défibrillation réalisée dans les trois à cinq minutes après l’arrêt cardiaque est susceptible d’améliorer les chances de survie de 50 à 70 %(5).

Défibrillation

Elle consiste à délivrer un choc électrique instantané jusqu’à 360 voire 400 joules, représentant une tension de 3 à 4 000 volts. La décharge qui traverse le myocarde permet en quelque sorte de remettre à zéro “électrique” toutes les cellules du cœur pour retrouver leur synchronisation initiale.

Un dispositif médical

Ils sont définis par l’article R 6311-14 du Code de santé publique comme des dispositifs médicaux permettant d’effectuer :

→ l’analyse automatique de l’activité électrique du myocarde d’une personne victime d’un arrêt circulatoire afin de déceler une fibrillation ventriculaire ou certaines tachycardies ventriculaires ;

→ le chargement automatique de l’appareil lorsque l’anomalie cardiaque est décelée ;

→ la délivrance de chocs électriques externes transthoraciques d’intensité appropriée ;

→ l’enregistrement des segments de l’activité électrique du myocarde et des données de l’utilisation de l’appareil.

Utilisation

→ Ouvrir le défibrillateur et appuyer sur on.

→ Une voix électronique donne les instructions à suivre.

→ Retirer tous les vêtements de la poitrine du patient et placer les électrodes sur la peau : une située 5 à 10 cm sous l’aisselle gauche (pointe du cœur), l’autre sur la poitrine côté droit, sous la clavicule droite.

→ Pendant que le DAE est installé, il faut poursuivre la RCP autant que possible. Si un deuxième sauveteur est disponible, il continue le massage jusqu’à ce que le défibrillateur ordonne de reculer pour l’analyse de l’activité électrique du myocarde (le contact d’une autre personne peut interférer dans l’analyse).

→ Le défibrillateur fait lui-même le diagnostic et délivre le choc électrique si nécessaire, déclenché automatiquement avec un défibrillateur entièrement automatique ou par l’opérateur. Avec un défibrillateur semi-automatique, l’appareil indique quand appuyer sur le bouton pour envoyer le choc.

→ Le défibrillateur indique la marche à suivre. Exemples : « préparation du choc en cours », « reculez-vous », « ne touchez pas le patient » (si une personne est en contact avec la victime, le choc risque d’être inefficace), « choc en cours » (une sonnerie retentit), « choc délivré », « pratiquez le massage cardiaque et la respiration artificielle ».

→ Si le cœur ne repart pas, le DAE poursuit son analyse du rythme cardiaque. S’il juge qu’un nouveau choc est nécessaire, le processus reprend.

→ Si le cœur repart, pratiquer des insufflations jusqu’à la reprise de la respiration.

(1) Fédération française de cardiologie : www.fedecardio.org

(2) Collège national des universitaires de médecine d’urgence et Collège national de thérapeutique, Urgences et défaillances viscérales aiguës, Éditions Med-Line, 2015.

(3) Voir la vidéo sur le site du Centre de formation des premiers secours 67, www.cfps67.fr, ou sur YouTube via le lien raccourci bit.ly/2w68j2R

(4) Inserm, en collaboration avec le Pr Philippe Gabriel Steg, “Infarctus du myocarde”, mai 2013 (bit.ly/2vi7SkZ).

(5) L’European Resuscitation Council, dont est membre le Conseil français de réanimation cardio-pulmonaire, a pour objectif la sensibilisation du grand public sur l’importance des premiers secours en cas d’arrêt cardiaque et la formation des secouristes et des soignants à la réanimation cardio-pulmonaire.

Cas pratique

En visite chez Mme G., vous entendez un grand bruit sourd dans la salle de bain. Vous y trouvez son époux qui a chuté et perdu connaissance. Il ne réagit pas quand vous lui parlez ou quand vous le stimulez.

Vous n’observez pas de mouvement du thorax et le pouls carotidien n’est pas perceptible. Vous le tirez au sol par les poignets, dans l’axe de son tronc, jusqu’à un espace suffisamment large pour pratiquer une réanimation cardio-pulmonaire. Vous débutez immédiatement les compressions thoraciques et vous demandez parallèlement à Mme G. d’appeler le SAMU-Centre 15.

Quelques chiffres chez les femmes

→ Les maladies cardiovasculaires sont la première cause de décès chez les femmes en France et tuent huit fois plus que le cancer du sein.

→ Sur les 147 000 personnes qui décèdent chaque année en France d’une maladie cardiovasculaire, 54 % sont des femmes.

→ L’infarctus du myocarde en est la première cause (18 % des décès féminins), devant l’accident vasculaire cérébral (14 %) et les autres pathologies vasculaires (10 %).

→ Chez les femmes de moins de 50 ans, le pourcentage de victimes par infarctus du myocarde a été multiplié par trois depuis quinze ans.

Source : Fédération française de cardiologie, “Cœur, artères et femmes. Aujourd’hui, les femmes sont moins protégées que les hommes” (via le lien raccourci bit.ly/2w3fWau).

Pratiquer les insufflations (bouche-à-bouche)

→ Allonger la victime sur le dos sur un plan dur :

– se mettre à genou au niveau de la tête de la victime ;

– basculer la tête de la victime en arrière, tout en tirant le menton vers le haut ;

– placer une main sur le front de la victime et lui pincer les narines entre le pouce et l’index pour empêcher toute fuite d’air par le nez ;

– avec l’autre main placée sous le menton de la victime, ouvrir légèrement sa bouche tout en maintenant son menton soulevé ;

– inspirer normalement et couvrir entièrement la bouche de la victime avec la sienne en appuyant fortement pour éviter toute fuite ;

– insuffler progressivement l’air à la victime pendant deux secondes, jusqu’à ce que la poitrine de la victime commence à se soulever. Il est possible de pratiquer les insufflations avec une protection vendue en pharmacie (masque de poche pour insufflation à usage unique avec valve anti-retour) ou un film plastique troué ;

– reprendre son souffle ;

– vérifier que la poitrine de la victime s’abaisse (l’expiration de la victime est passive) ;

– recommencer les insufflations douze à quinze fois par minute tout en vérifiant régulièrement le pouls de la victime.

→ Dans certaines formations, le bouche-à-bouche n’est toutefois plus enseigné, la priorité étant donnée au massage cardiaque. Dans cet optique, il ne faut donc pas perdre trop de temps à positionner la tête avant de commencer à pratiquer les insufflations.

Point de vue

« Le DAE est un complément au massage »

Christophe Talmet, responsable du pôle formation à la Croix-Rouge française

« Certaines personnes, influencées parfois par les médias, ont tendance à utiliser le défibrillateur automatique externe (DAE) comme seul moyen de traiter l’arrêt cardiaque. Il est important de comprendre que le massage cardiaque reste la priorité, et le DAE un complément important. Le massage doit être effectué avant et après la pose d’un DAE et un éventuel choc. Il est nécessaire de bien écouter les consignes données par l’appareil dès sa mise en route et de ne pas se précipiter dans la réalisation de ces dernières. L’appareil a pour rôle d’identifier une fibrillation cardiaque (activité électrique encore présente mais anarchique du cœur qui rend ce dernier inefficace) et de la stopper. Il n’a aucune influence sur un cœur qui bat normalement ou qui ne bat plus du tout, d’où l’intérêt de pratiquer le massage cardiaque. Plus de 85 000 défibrillateurs sont en accès public en France. Il suffit d’ouvrir le boîtier, de retirer l’appareil et de le mettre en route. Même si leur utilisation peut se faire sans formation, il est conseillé de suivre une courte initiation à sa pratique, comme à celle du massage cardiaque. »

Trouver un DAE à proximité

De plus en plus de villes s’équipent de défibrillateurs automatiques et les mettent à disposition dans les lieux publics tels que les gares, mairies, salles des fêtes, structures sportives, établissements scolaires, centres commerciaux, etc. Créée en novembre 2010 par la start-up AEDMAP et éditée par l’association RMC/BFM qui se mobilise pour faire baisser le nombre de victimes d’arrêts cardiaques en France, l’application Staying Alive cartographie les défibrillateurs les plus proches, sollicite les personnes à proximité formées aux premiers secours et inscrites sur le site, et informe des bons réflexes à avoir. Staying Alive est à télécharger sur son smartphone via l’App Store ou Androïd. Il est impératif d’autoriser la localisation pour pouvoir visualiser tous les emplacements de défibrillateurs à proximité.