L'infirmière Libérale Magazine n° 339 du 01/09/2017

 

SANTÉ PUBLIQUE

Actualité

Laure Martin  

Tatouage, piercing, scarification, ajouts collés, éclaircissement de la peau, des dents, faux ongles, ne sont pas sans conséquence pour le corps, comme l’ont rappelé les participants d’une séance organisée avant l’été par l’Académie nationale de pharmacie sur les décorations du corps.

En avril dernier, l’hôpital Bichat (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) a ouvert la première consultation dédiée à la prise en charge des complications associées aux tatouages en France. Ouverte une fois par mois, elle vise à réaliser un diagnostic et apporter la réponse thérapeutique la plus adaptée aux patients face à des allergies, des infections ou encore des inflammations.

Complications cutanées

La peau, qui représente deux mètres carré, est « un organe très varié qui nous permet de vivre dans notre environnement, a rappelé le Dr Frédéric Bonté, membre de l’Académie nationale de pharmacie, lors d’une séance thématique sur le sujet, mi-juin. C’est une protection, un capteur, une interface sociale en évolution avec le temps, le stress, les technologies modernes et les phénomènes de pollution ». Et depuis des milliers d’années, elle sert de support à des “décorations”. Camouflage, statut social, appartenance à un groupe, séduction, expression de la personnalité, plaisir et image de soi sont autant de raisons expliquant la volonté des uns et des autres de “décorer” leur corps. Pourtant, les techniques de décoration, plus ou moins invasives, peuvent dans certains cas fragiliser la peau et ne sont pas exemptes de complications cutanées. « Le piercing, par exemple, peut causer, outre les douleurs, des chéloïdes, des infections, des allergies, des réactions granulomateuses, des carcinomes ou encore des déchirures », explique le Dr Nicolas Kluger, dermatologue, qui assure la nouvelle consultation de l’hôpital Bichat. Il met par ailleurs en garde sur le tatouage au henné non naturel – le henné noir – qui peut entraîner brûlures et cicatrices, et auquel n’importe qui peut être allergique dès la première application. Quant aux tatouages, ils peuvent s’infecter si le tatoué n’a pas respecté les soins à réaliser ou à cause d’une erreur d’asepsie du tatoueur.

Pratiques réglementées

Aujourd’hui, les pratiques de décorations du corps humain sont très règlementées. « Il ne faut cependant pas oublier que lorsqu’on parle tatouages, piercings, faux ongles ou encore éclaircissement des dents, nous sommes dans l’autonomie de la volonté, indique Patrick Fallet, professeur de droit de la santé à l’Université Paris-Sud et membre de l’Académie nationale de pharmacie. Ce sont des gens qui veulent le faire, il n’est pas question de contrainte. » De fait, la réglementation s’adapte avant tout aux risques de dangerosité et existe pour protéger la santé publique ainsi que le consommateur. Il est par exemple interdit de tatouer ou de pratiquer un piercing sur un mineur sans l’accord écrit de l’un de ses parents, qui doit être conservé pendant trois ans après la réalisation du tatouage. Un pierceur doit refuser de réaliser un piercing des seins ou des parties génitales sur un mineur. Mais il n’y a pas d’âge minimum légal pour percer les oreilles d’un bébé.

Formation aux conditions d’hygiène et de salubrité

Il n’existe pas de diplôme spécifique pour la plupart des professionnels du tatouage et du piercing. En revanche, un tatoueur, un pierceur ou une personne effectuant du maquillage permanent (le maquillage permanent étant une effraction de la peau, il est donc considéré comme un tatouage) doivent avoir suivi une formation aux conditions d’hygiène et de salubrité d’une durée minimale de 21 heures, délivrée par un organisme habilité. Les professionnels doivent aussi se déclarer à la préfecture, respecter les règles relatives aux déchets à risque infectieux (Dasri) et appliquer les règles d’asepsie. Il relève de leur responsabilité d’informer leurs clients, à l’oral et avec la remise d’un document, des risques auxquels ils s’exposent, cette information devant également être affichée dans les locaux. « Ces risques sont loin d’être anodins puisque dans le cadre du don du sang, parmi les questions posées au donneur, figure celle de savoir si l’éventuel donneur a eu un piercing (boucle d’oreille comprise) ou un tatouage dans les quatre derniers mois, souligne le Pr Fallet. En cas de réponse positive, le don de sang est refusé. »

Une question reste en suspens : tous ces professionnels sont-ils assurés face aux risques encourus par leur clientèle ? Généralement non, car ils n’ont pas de diplôme.