« Il y a plus de peine à garder un secret qu’à tenir un charbon ardent dans sa bouche », disait Socrate. Et pourtant, le secret professionnel s’impose à tout infirmier, comme le stipule l’article R 4312-5 du Code de la santé publique.
L’ARTICLE R4312-5 DU CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE (CSP) DISPOSE QUE « le secret professionnel s’impose à tout infirmier, dans les conditions établies par la loi. L’infirmier instruit les personnes qui l’assistent de leurs obligations en matière de secret professionnel » Mais que recouvre exactement cette notion ? Existe-t-il des dérogations à cette obligation ? Quelles en sont les sanctions en cas de violation ? Les récentes dispositions légales sur le secret médical partagé auront-elles un impact sur la pratique professionnelle infirmière ?
Dans le domaine de la santé, le secret concerne toutes les informations confiées, mais aussi tout ce qui a pu être vu, entendu, compris, voire interprété lors d’un contact avec le patient. Sont donc forcément couverts par le secret les déclarations du malade, les diagnostics, les thérapeutiques, les dossiers, mais aussi les conversations surprises lors d’une visite, les confidences de la famille ou bien encore tous les éléments de la vie privée du malade.
Ont été considérés comme des violations du secret professionnel :
→ le fait d’avoir répondu par téléphone aux questions d’une personne se présentant comme officier de police judiciaire et lui avoir délivré des informations couvertes par le secret médical (Conseil national de l’Ordre des médecins, 9 septembre 2016, n°12805) ;
→ le fait d’avoir transmis les coordonnées de patients et des résultats d’analyse de biologie médicale à un enquêteur privé, afin que ce dernier puisse établir la violation par un confrère de son obligation contractuelle de non-concurrence (cour d’appel de Besançon, Doubs, 2e chambre, 9 juin 2010, n° 09/02914).
En revanche, n’a pas été considéré comme une violation du secret le fait pour un médecin de délivrer un certificat médical à sa patiente, dans lequel il retraçait les propos tenus par cette dernière quant au comportement de son mari (sadisme, violence), certificat qu’elle a ensuite utilisé dans le cadre d’une procédure de divorce. Le mari avait porté plainte, au pénal, contre le médecin, pour violation du secret professionnel. Or les juges ont considéré que cette obligation ne s’imposait qu’entre le professionnel et son patient, ce que n’était pas le mari (Cour de cassation, chambre criminelle du 23 janvier 1996, 94-81.232).
Les sanctions sont d’ordres pénal, civil et disciplinaire.
La violation du secret professionnel est réprimée par le Code pénal. Son article 226-13 prévoit en effet que « la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est le dépositaire soit par état, soit par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».
Le code de déontologie infirmier rappelle l’exigence de respecter le secret. Toute praticienne faisant fi de cette obligation s’exposerait à être sanctionnée par les chambres disciplinaires de son Ordre. Par ailleurs, tout patient peut intenter une procédure, sur la base de l’article 1240 (ex-1382) du Code civil devant les tribunaux civils pour obtenir une réparation financière – des dommages et intérêts – de la divulgation d’une information qui lui aurait causé un préjudice.
La loi prévoit des dérogations. Il en est ainsi des déclarations obligatoires prévues par le CSP faites dans l’intérêt général (déclarations de naissance et de décès, de maladies vénériennes et contagieuses, etc.). Une infirmière peut également signaler les sévices subis par un mineur ou une personne vulnérable aux autorités sans risquer de se voir poursuivie pour violation du secret médical. Il en est de même pour les violences commises à l’égard d’un adulte, mais avec l’accord de ce dernier. La jurisprudence admet que toute personne déférée devant les tribunaux peut déroger à son obligation de se taire pour assurer sa propre défense, sous réserve que la divulgation soit limitée aux informations strictement nécessaires. Le secret s’impose également à l’égard de la famille et de l’entourage. Cependant, les informations médicales concernant une personne décédée peuvent être délivrées à ses ayants droit, à son concubin et à la personne avec laquelle elle était pacsée, sous réserve qu’ils justifient leur demande et démontrent que ces documents sont nécessaires pour défendre la mémoire du défunt, connaître les causes de sa mort ou faire valoir leurs droits. Il est parfaitement possible de ne leur communiquer que les renseignements qui répondent à l’objectif poursuivi. Il conviendra, avant toute transmission, de vérifier dans le dossier que le patient ne s’est pas opposé à cette communication. Par ailleurs, conformément à l’article L 1110-4 du CSP, en cas de diagnostic ou de pronostic grave, le secret médical ne s’oppose pas à ce que la famille et les proches de la personne malade reçoivent les informations nécessaires, destinées à leur permettre d’apporter un soutien direct à celle-ci, sauf opposition de sa part. Seul un médecin est habilité, sous sa responsabilité, à délivrer, ou à faire délivrer – par une infirmière par exemple – ces informations.
La loi du 4 mars 2002 a introduit la notion de “personne de confiance”, personne désignée par le patient, qui peut l’accompagner dans ses démarches, sans que le secret médical ne puisse lui être opposé. Ainsi, un patient peut parfaitement demander à ce que la personne de confiance assiste aux soins délivrés par l’infirmière.
Deux décrets – le décret n°2016-994 du 20 juillet 2016 relatif aux conditions d’échange et de partage d’informations entre professionnels de santé et autres professionnels des champs social et médico-social et à l’accès aux informations de santé à caractère personnel, et le décret n°2016-1349 du 10 octobre 2016 relatif au consentement préalable au partage d’informations entre des professionnels ne faisant pas partie de la même équipe de soins – délimitent le champ de partage des informations de santé entre des professionnels et la nature des informations partagées. Que partage-t-on ? Les seules informations strictement nécessaires au suivi du patient, que ce suivi soit d’ordre médical, médico-social ou social. Avec qui partage-t-on ? Avec les professionnels contribuant directement à la prise en charge du patient, que l’on appelle “équipe de soins”. Mais cette notion de “soins” doit s’entendre largement car elle ne se limite pas à la seule réalisation d’un acte technique de soin médical ou paramédical. Un membre de cette équipe peut donc être un soignant, certes, mais aussi une assistante sociale, un éducateur familial ou un psychologue. La mise en œuvre effective de ce partage d’informations, instaurée pour une meilleure prise en charge globale du patient, nécessitera non seulement de repenser la notion “d’informations utiles”, mais également la création de supports d’échanges sécurisés, accessibles à tous les intervenants, point sur lequel travaille actuellement la Haute Autorité de santé.