L'infirmière Libérale Magazine n° 339 du 01/09/2017

 

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Fiche pratique

Annabelle Alix  

Depuis 2010, les infirmiers peuvent se voir déléguer des missions qui outrepassent leur décret de compétences. La pratique est très encadrée, et formalisée. Le point sur les protocoles de coopération entre professionnels de santé.

Un sous-effectif, les facilités pratiques, le bon sens ou la fluidité des soins exigeraient parfois une réorganisation complète des tâches entre professionnels de santé.

Depuis 2010, la pratique est possible. Avec l’instauration des protocoles de coopération, la loi 2009-879 du 21 juillet 2009 (dite HPST) a souhaité répondre à cet enjeu. Elle autorise le transfert d’activités entre professionnels de santé.

L’exemple le plus célèbre chez les infirmiers libéraux, communément dénommé “Action de santé libérale en équipe” (Asalée), fait actuellement l’objet de treize protocoles, dans tout autant de régions.

Transferts d’activités permis

À l’origine de la démarche, l’article 51 de la loi HPST, codifié à l’article L 4011-1 du Code de la santé publique. Il décide que « les professionnels de santé peuvent s’engager, à leur initiative, dans une démarche de coopération ayant pour objet d’opérer entre eux des transferts d’activités ou d’actes de soins ou de réorganiser leurs modes d’intervention auprès du patient ». Concrètement, « il s’agit, pour les professionnels, de déroger à leurs conditions habituelles et légales d’exercice, et de permettre des transferts de responsabilité », explique la Haute Autorité de santé (HAS).

La pratique est ouverte aux médecins, pharmaciens, sages-femmes, chirurgiens-dentistes et masseurs-kinésithérapeutes, mais également aux infirmiers, aides-soignants et auxiliaires de puériculture. Elle concerne encore les diététiciens, conseillers en génétique, audioprothésistes et manipulateurs d’électroradiologie médicale, ergothérapeutes, opticiens-lunetiers, orthophonistes et orthoptistes, prothésistes et orthésistes, pédicures-podologues et psychomotriciens. Résultat, pas moins de 266 protocoles sont autorisés sur le territoire national. Et 164 d’entre eux transfèrent des compétences aux infirmiers.

Du côté des libéraux, outre Asalée, notons l’exemple des protocoles “Interventions d’infirmières libérales à domicile afin de diagnostiquer et d’initier la prise en charge de la fragilité du sujet âgé”, autorisés dans cinq régions.

Certes, la loi n’autorise les professionnels de santé à n’exercer que « dans les limites de leurs connaissances et de leur expérience ». Mais, « les nouveaux protocoles correspondent, pour 70 % d’entre eux, à l’évolution des techniques de prise en charge non prévue aux décrets d’actes, notamment celui des infirmiers (ières) », soulignait l’an dernier la HAS. Et d’évoquer l’idée de l’adaptation du décret de compétences, pour pérenniser et généraliser certaines pratiques – sous conditions et sous responsabilité médicale –, ce qui éviterait de nombreux recours à la pratique fastidieuse des protocoles.

Une procédure stricte

Le protocole de coopération fait, en effet, l’objet d’une procédure lourde et très encadrée.

Commandé par un besoin de santé identifié, il émerge à l’initiative de professionnels de santé. Tout d’abord, ceux-ci détaillent la nature de la coopération envisagée : pathologies, disciplines et professions concernées (délégant, délégué), lieu et champ d’intervention, nature des actes et des activités de soins dérogatoires. Une lettre d’intention est ensuite envoyée à l’Agence régionale de santé (ARS), qui vérifie l’existence du besoin de santé exprimé. Elle peut aussi jouer un rôle de conseil et d’accompagnement. Le protocole est ensuite rédigé, en présence d’au moins un représentant de chaque profession concernée. Son contenu respecte les exigences du modèle-type établi par la HAS : étapes du parcours de soins envisagé, rôles et responsabilités de chacun, à chaque étape, risques éventuels et causes identifiées, solutions à mettre en place, analyse et suivi de la démarche…

Le protocole est transmis à l’ARS, accompagné d’un modèle économique organisant le financement et la rémunération des actes et prestations. L’avis conforme de la HAS est requis. Celle-ci vérifie la qualité et la sécurité des prises en charge déléguées. L’ARS sollicite également l’avis d’un collège des financeurs, composé de représentants de l’Assurance maladie et des ministères de la Santé et de la Sécurité sociale. Dernière étape, enfin, l’ARS autorise, par arrêté, la mise en œuvre du protocole… pour une durée précise.

Les infirmiers qui souhaitent prendre part à un protocole de coopération en vigueur dans leur région peuvent en consulter la liste via le lien raccourci bit.ly/Tyk3af, ou prendre directement contact avec leur ARS.