Faire sauter les verrous - L'Infirmière Libérale Magazine n° 340 du 01/10/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 340 du 01/10/2017

 

ORGANISATION DES SOINS

Actualité

Laure Martin  

Trop rigide, le système de santé français ? C’est ce qu’a indiqué le patron de l’Assurance maladie lors d’une conférence sur les soins primaires organisée mi-septembre par un syndicat de médecins. Regrettant notamment que le virage ambulatoire ne soit effectif, selon lui, qu’à l’hôpital.

« Le sujet de l’organisation des soins dans les territoires est l’enjeu décisif des prochaines années pour que notre système de santé sorte du paradoxe dans lequel il s’est enfermé progressivement, a estimé Nicolas Revel, directeur de la Caisse nationale d’Assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts), lors d’une conférence sur les soins primaires organisée mi-septembre par le syndicat MG France. Il subit des tensions et des pressions alors même qu’il n’est pas sous-financé. » Les dépenses de santé représentent 11 % du PIB et la progression des dépenses est de 2 % par an.

Pour Christophe Lannelongue, directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) Grand Est, notre système de santé est carencé sur de nombreux points : absence de coordination, de prévention, nécessité d’avoir plus de prises en charge en ville et moins d’hospitalisations. Ces difficultés sont liées à la « rigidité organisationnelle » du système français, d’après Nicolas Revel. Le modèle est déséquilibré puisque hospitalo-centré et dispersé. Le patron de l’Assurance maladie regrette d’ailleurs que le virage ambulatoire ne soit, par manque de liens entre les acteurs, effectif qu’à l’hôpital avec le développement de la chirurgie ambulatoire et de l’hospitalisation de jour. Pourtant, « la condition pour que l’hôpital fasse son virage ambulatoire est la présence d’une réponse en ville », rappelle Cécile Courrèges, directrice générale de l’offre de soins. Autre frein : les modes de rémunération bloqués sur la tarification à l’acte, qui « limitent la capacité à favoriser des actions portant sur la qualité et la pertinence des soins », considère le directeur de la Cnamts.

En MSP… et en dehors

Pour transformer le système, il propose des leviers parmi lesquels une évolution de la rémunération ou encore des investissements dans les structures et les outils permettant d’avancer dans la voie du virage ambulatoire. « Nous avons déjà fait des pas importants en nous dotant d’un cadre conventionnel pour les structures d’exercice regroupé », soutient-il. Même point de vue pour Christophe Lannelongue, pour qui il est indispensable de continuer l’effort d’accompagnement des maisons de santé, notamment parce que « nous avons épuisé une génération de leaders et nous allons arriver dans un contexte de développement des maisons de santé pluriprofessionnelles plus délicat ». Nicolas Revel estime qu’il faut également favoriser des formes de coordination en dehors de ces structures, en investissant dans les communautés professionnelles territoriales de santé ou les plateformes territoriales d’appui.

Si les professionnels doivent apprendre à mieux travailler ensemble, les ARS peuvent, tout en respectant leur autonomie, les accompagner avec le Fonds d’intervention régional (FIR), afin de « faciliter les transformations et les innovations », précise le directeur de l’ARS Grand Est. Mais des verrous doivent sauter. Pour lui, l’un des modèles reste Asalée, qui permet à des infirmières libérales ou salariées de l’association d’intervenir dans des cabinets médicaux libéraux pour des séances d’éducation thérapeutique auprès des patients. « Je suis frappé par les résultats que nous obtenons », indique-t-il, regrettant cependant le manque de recrutement possible (pour des raisons budgétaires) des infirmières Asalée, aujourd’hui au nombre de 500, alors que « l’une des solutions à la crise de la démographie médicale reste la coopération avec les paramédicaux ».

« Expérimentations éternelles »

En France, pour innover, il faut expérimenter, et « nous avons un problème avec la façon dont nous conduisons les expérimentations », souligne Nicolas Revel. Les démarches sont toujours longues, la télémédecine en est la meilleure preuve. « Les expérimentations sont portées et financées par les ARS mais, faute d’un relais national, elles restent des expérimentations éternelles », ajoute-t-il. Pour lui, l’enjeu est d’aller plus vite et de créer un cadre national, piloté, évalué et doté d’une capacité à passer d’une expérimentation locale à une expérimentation sur plusieurs sites pour ensuite la diffuser (lire aussi notre édito du mois dernier…). La Caisse nationale d’Assurance maladie propose de créer un nouveau cadre juridique et un outil additionnel au FIR pour financer les expérimentations de façon complémentaire aux ARS. « Il faudra veiller à ce que la Caisse et le ministère de la Santé soient en lien », prévient Nicolas Revel. MG France plaide aussi pour la création d’un fonds d’investissement sur les soins primaires afin d’avoir des médecins généralistes à proximité et financer les actions innovantes.