Cahier de formation
Savoir
Le psoriasis est une dermatose inflammatoire chronique d’origine multifactorielle et touchant environ 3 millions de Français. Cette maladie est notamment caractérisée par un renouvellement accéléré de la peau. L’expression clinique est variable : psoriasis en plaques, en gouttes, atteinte des plis, du cuir chevelu, des ongles, rhumatismes… De même que les traitements : pommades, comprimés, injections et/ou photothérapie.
La peau, aussi appelée tégument, est constituée par :
→ l’hypoderme, situé en profondeur, un tissu conjonctif lâche vascularisé et innervé, associé à un tissu adipeux ;
→ le derme, situé au-dessus de l’hypoderme, un tissu conjonctif fibreux, vascularisé et innervé, riche en eau ;
→ l’épiderme, un épithélium de revêtement avasculaire mais innervé, pavimenteux, stratifié et kératinisé. Les kératinocytes sont les cellules majoritaires de l’épiderme (90 à 95 %).
Parmi elles, citons les poils ou follicules pileux, les phanères, c’est-à-dire les ongles et les cheveux, les glandes sébacées (sébum) et sudoripares (sueur).
La peau joue plusieurs rôles primordiaux pour l’organisme : régulation thermique, protection contre les chocs, rôle sensoriel… Sur le plan immunitaire, c’est une première ligne de défense efficace, non spécifique, contre tous les agents nocifs pour l’organisme.
→ Aussi appelée stratum corneum, c’est la couche la plus externe de l’épiderme. Elle est constituée de cellules mortes, assure une fonction barrière et réduit la perte en eau.
→ Les kératinocytes progressent de la couche basale de l’épiderme vers la couche cornée en un mois environ.
→ Le psoriasis est une dermatose inflammatoire chronique fréquente. La lésion élémentaire couramment associée au psoriasis est une plaque érythémato-squameuse, bien délimitée et plus ou moins prurigineuse (voir photo 1), mais les formes cliniques de la maladie sont très variées, avec des symptômes dermatologiques et/ou non dermatologiques.
→ Le caractère chronique de la maladie conduit à une alternance entre des poussées inflammatoires et des périodes de rémission.
→ Le psoriasis s’accompagne souvent d’un fort retentissement sur la qualité de vie.
→ La physiopathologie du psoriasis associe une inflammation cutanée, initialement déclenchée par l’activation des lymphocytes T, et un dérèglement de la prolifération et de la maturation des kératinocytes. Ceux-ci mettent seulement trois à quatre jours pour se renouveler et rejoindre la couche cornée, d’où un épaississement de la peau et la formation de squames. C’est un peu comme si la peau n’en finissait pas de cicatriser.
Les antigènes responsables de l’activation des lymphocytes T sont encore mal connus. En revanche, les nombreuses molécules sécrétées au cours de l’épisode inflammatoire (interleukines, TNF alpha…) sont de mieux en mieux identifiées et ceci joue un rôle majeur en thérapeutique (lire Savoir faire p. 41).
Il s’agit de la forme typique (plus de 80 % des cas), qui se caractérise par des plaques plus ou moins symétriques sur les coudes, les genoux, la région lombo-sacrée, les faces d’extension des membres…
Les lésions, nombreuses et mesurant quelques millimètres seulement, apparaissent sur un mode éruptif au niveau du tronc et du visage, alors que celui-ci est la plupart du temps épargné dans la forme commune du psoriasis. Cette forme de psoriasis s’observe surtout chez l’enfant, l’adolescent et le jeune adulte.
Plus rare, ce psoriasis atteint les plis, au niveau interfessier, inguinal, axillaire, sous-mammaire… Chez le petit enfant, il s’agit du « psoriasis des langes ».
L’atteinte du cuir chevelu (voir photo 2) est fréquente (50 à 80 % des cas), n’entraîne pas d’alopécie mais peut conduire à la formation d’un véritable casque adhérent ; les ongles sont touchés dans la moitié des cas, et de façon très polymorphe (aspect en « dé à coudre », épaississement, décollement…). L’atteinte palmo-plantaire (voir photo 3), des organes génitaux externes ou du visage est aussi possible, de façon isolée ou associée aux autres formes de psoriasis.
Elles peuvent entraîner une altération de l’état général et engager le pronostic vital : le psoriasis érythrodermique au cours duquel la peau du patient est atteinte dans sa quasi-totalité (voir photo 4) ; le psoriasis pustuleux avec la présence localisée (paumes et plantes, extrémités) ou généralisée de pustules ou « bulles » aseptiques.
Les lésions affichantes et la présence de squames entraînent la peur du regard des autres et des idées reçues (« c’est contagieux, c’est sale… »), une perte de confiance en soi, des difficultés dans les relations sociales, qu’elles soient professionnelles, amicales ou amoureuses.
Il a longtemps été sous-estimé, alors qu’il fait partie intégrante de la maladie et peut lui aussi avoir un impact majeur sur la vie du patient, par exemple en altérant la qualité du sommeil.
Le psoriasis sévère est plus souvent associé à des troubles neuropsychiques (dépression, anxiété) et à des conduites addictives.
L’origine du psoriasis associe des facteurs génétiques (voir question de patient en haut de la page ci-contre) et des causes environnementales. Comme pour l’eczéma, il semble illusoire, voire dangereux, de rechercher un seul et unique élément. En revanche, repérer ce qui induit et/ou aggrave les poussées de psoriasis chez un patient donné permet parfois d’agir préventivement et de limiter l’apparition des plaques.
Ils sont souvent multiples, associés entre eux et variables d’un patient à un autre : des infections bactériennes (streptocoques, notamment dans le psoriasis en gouttes) ou virales (VIH) ; des médicaments (bêtabloquants, inhibiteurs de l’enzyme de conversion, lithium, corticoïdes arrêtés brutalement…) ; les conditions climatiques, comme le froid et l’humidité ; des toxiques, et notamment l’alcool et le tabac. Un traumatisme cutané même minime (égratignure, plaie, irritation…) peut aussi entraîner le développement d’une plaque : c’est le phénomène de Koebner.
Le stress est souvent cité parmi les facteurs favorisants mais le psoriasis ne doit en aucun cas être assimilé à une maladie psychosomatique. Le stress peut être considéré comme une cause et une conséquence du psoriasis.
Le psoriasis touche environ 4 % de la population française, soit 3 millions de personnes
La maladie est plus fréquente dans les pays nordiques, et à l’inverse moins fréquente dans les populations africaines et asiatiques, faisant envisager un gradient Nord-Sud.
Le psoriasis touche autant les hommes que les femmes et peut apparaître à tout âge, même s’il existe des pics d’incidence : dans l’enfance et avant 20 ans, autour de 30 ans, puis autour de 50 ans.
L’éventuelle eczématisation des lésions est le plus souvent due aux traitements locaux mal tolérés ; des surinfections (fongiques, bactériennes) sont également possibles.
Au cours de l’évolution de la maladie, il existe un risque d’apparition d’un rhumatisme inflammatoire dit « rhumatisme psoriasique » (voir question de patient en page suivante). Celui-ci touche environ 15 % des malades (les chiffres variant entre 5 et 30 % selon les études). Le risque semble augmenter avec les années mais pas forcément avec la sévérité de la maladie. Le rhumatisme psoriasique est plus fréquemment associé aux atteintes des ongles, du cuir chevelu et des plis. Dans 70 % des cas, il apparaît après les lésions cutanées mais peut aussi les précéder (15 %) ou se développer en même temps qu’elles (15 %). Le rhumatisme peut entraîner des déformations et des destructions articulaires sur le long terme.
Le psoriasis, notamment lorsqu’il est sévère, est plus fréquemment associé à plusieurs pathologies telles que l’obésité, le diabète, la dyslipidémie, l’hypertension… Tout ceci augmente le risque d’événements cardiovasculaires, comme l’infarctus du myocarde ou l’accident vasculaire cérébral.
Le diagnostic du psoriasis cutané est relativement aisé pour le dermatologue. Une biopsie est réalisée uniquement en cas de doute diagnostique. Il existe quelques diagnostics différentiels comme l’eczéma ou la dermite séborrhéique.
→ Évaluation objective de la maladie, c’est-à-dire sa sévérité : d’après le pourcentage de surface corporelle atteinte (psoriasis sévère : plus de 10 %) ou un score type PASI (Psoriasis Area and Severity Index) prenant aussi en compte les degrés de rougeur, d’épaississement ou encore de desquamation.
→ Évaluation subjective, grâce à des échelles de qualité de vie type DLQI (Dermatology Life Quality Index).
Lui aussi clinique, mais parfois beaucoup plus complexe que celui de l’atteinte cutanée.
Il n’existe pas de marqueur spécifique de la maladie. Le rhumatologue prescrit un bilan biologique à la recherche d’un syndrome inflammatoire et des examens d’imagerie (radiographies, IRM, échographies…) des articulations douloureuses. Il doit s’assurer qu’il ne s’agit pas d’une autre pathologie : douleurs post-traumatiques, arthrose, goutte, polyarthrite.
D’autres explorations permettent de repérer les comorbidités du patient (par exemple, prescription d’un bilan lipidique et d’une glycémie à jeun à la recherche d’éventuels troubles métaboliques) ou de préparer une mise sous traitement, on parle alors d’un bilan pré-thérapeutique (par exemple, bilan infectieux complet avant la prescription d’une biothérapie).
→ Le traitement, symptomatique et non étiologique, vise à obtenir le contrôle, voire la disparition (aussi appelé « blanchiment »), des lésions, et à améliorer ainsi la qualité de vie du patient, en réduisant l’impact de la maladie sur le quotidien.
→ Le traitement est individualisé, discuté avec le patient, et réajusté dans le temps, en fonction de l’évolution de la maladie, des comorbidités, de l’efficacité et de la tolérance. L’observance (notamment celle des traitements locaux) doit être évaluée avant de parler d’échec et de changer de traitement.
→ Patient non demandeur d’un traitement : abstention thérapeutique.
→ Patient demandeur d’un traitement : médicaments topiques, notamment sous forme de dermocorticoïdes et de dérivés de la vitamine D3. Les kératolytiques et les rétinoïdes locaux sont également utilisables. En revanche, les traitements à base de goudron ne sont plus utilisés.
→ Traitements systémiques « conventionnels » (lire Savoir faire p. 39) : photothérapie ou rétinoïde oral (acitrétine) ou immunosuppresseur (méthotrexate, ciclosporine).
→ Biothérapie en cas d’échec, contre-indication ou intolérance (lire Savoir faire p. 41).
→ Les traitements locaux peuvent être maintenus avec ces différents traitements.
Les atteintes unguéales associées au psoriasis nécessitent souvent des traitements systémiques malgré une faible étendue des lésions, en raison d’une moindre efficacité des topiques, de la présence de symptômes articulaires associés et/ou d’un impact psychologique souvent majeur sur le patient.
Il s’agit surtout d’antalgiques, notamment ceux qui présentent des propriétés anti-inflammatoires (AINS, voire corticoïdes par infiltrations).
Souvent prescrit dans un second temps, lorsque le traitement symptomatique ne suffit plus, il vise à limiter l’évolution du rhumatisme, ainsi que le développement des déformations et destructions articulaires. Plusieurs médicaments sont disponibles, et la plupart sont également utilisés dans les formes sévères du psoriasis cutané. Des bithérapies sont possibles, par exemple méthotrexate et bithérapie.
Au cas par cas : séances de kinésithérapie, port d’attelles, ergothérapie, voire chirurgie.
Plusieurs molécules continuent à être développées et vont peut-être bientôt arriver sur le marché français : des biothérapies injectables (brodalumab, par exemple) et des immunomodulateurs oraux (tofacitinib, fumarate de diméthyle…).
* Résultats de l’étude « Objectif peau »,Société française de dermatologie, 2017.
Mme A., 56 ans, Idel et patiente atteinte de psoriasis
Quelle est l’histoire de votre maladie ?
Tout a commencé à l’âge de 9 ans, c’était la première fois que je partais en colonie. Le séjour s’est plutôt mal passé, et j’ai attrapé une angine. À mon retour, j’ai développé un psoriasis en gouttes, j’en avais sur tout le corps. La forme cutanée du psoriasis ne m’a jamais vraiment quittée depuis. Le rhumatisme a été diagnostiqué au moment de la ménopause, vers 50 ans ; je ressentais déjà des douleurs mais cela n’avait pas encore été étiqueté comme étant du rhumatisme psoriasique.
Quel traitement suivez-vous ou avez-vous suivi ?
Je pense avoir à peu près tout essayé ! Crèmes et pommades, photothérapie, comprimés, injections, homéopathie, plantes… J’ai même rencontré un magnétiseur une fois. Aujourd’hui, je suis une biothérapie associée à des injections hebdomadaires de méthotrexate. La peau va mieux, mais l’impact du traitement sur les douleurs reste faible. Je dois prendre des antalgiques supplémentaires.
Qu’est-ce qui vous gêne le plus dans votre maladie ?
L’atteinte de la peau est quand même assez invalidante. Je me suis toujours cachée derrière des vêtements couvrants pour éviter toute réflexion d’autrui. Ce ne sont pas forcément des remarques méchantes, juste des questions qui peuvent mettre mal à l’aise. Petit à petit, j’arrive à porter des t-shirts, des jupes, mais cela a été très difficile au début. Au-delà de l’aspect de la peau, ce sont les douleurs qui me dérangent le plus. Je n’arrive pas à garder une même position très longtemps ; dès que je cesse de m’activer et que je me repose, les douleurs réapparaissent.
Comment se passent les relations avec votre entourage ?
Mon mari connaissait la maladie à l’époque où nous nous sommes rencontrés, il n’avait pas les préjugés que la plupart des gens peuvent avoir. Pour lui, cela n’a jamais représenté un problème, il n’y fait pas attention. Depuis quelque temps, je m’investis au sein de l’association France psoriasis, cela m’a fait beaucoup de bien de parler de la maladie et de rencontrer d’autres patients.
Le fait d’être professionnel de santé est-il un avantage ou au contraire un inconvénient lorsque l’on souffre de psoriasis ?
Sans doute les deux. J’ai travaillé dans un service de dermatologie pendant des années, j’ai vu arriver les nouveaux traitements, le suivi, les effets indésirables… Je me suis posé de nombreuses questions, j’ai mis du temps avant d’accepter de les essayer. D’un autre côté, j’ai pu aider les patients, les rassurer ou les prévenir que telle injection était douloureuse. Mais je ne leur dis pas que je suis une patiente moi-même ni que je suis résistante à de nombreuses molécules.
Il est vrai qu’environ 30 % des patients ont des antécédents familiaux de psoriasis, ce qui suggère une origine génétique de la maladie. On estime que, si un parent est atteint, l’enfant a environ 15 % de risque de développer la maladie ; si les deux parents sont atteints, ce risque dépasse les 40 %. Mais on n’hérite pas directement du psoriasis. Ce qui provoque la maladie, c’est plutôt le fait que la transmission de plusieurs gènes de prédisposition soit associée à l’existence de facteurs environnementaux.
Roberte Aubert, présidente de l’association France psoriasis
« Des soins infirmiers sont régulièrement prescrits en cas de psoriasis, essentiellement pour des sujets âgés pouvant avoir du mal à appliquer les traitements topiques, et pour certains patients ayant peur de réaliser les injections sous-cutanées eux-mêmes. L’infirmière devient alors un relais essentiel entre le patient et le médecin, par exemple pour redonner les conseils de base concernant les soins de la peau. Ces professionnels de santé doivent également être sensibilisés à la maladie et notamment prendre en compte la notion de douleur : enfiler des bas de contention sur une jambe couverte de plaques ou introduire des appareils auditifs dans une oreille également touchée par le psoriasis peut être douloureux. »
Les douleurs ne sont pas forcément le signe d’un rhumatisme psoriasique. Elles peuvent par exemple être le résultat d’une mauvaise posture ou d’un faux mouvement. Cependant, si les symptômes persistent, prennent une forme particulière (prédominance des symptômes la nuit et phénomène de « dérouillage matinal ») ou encore gagnent d’autres parties du corps (doigts et orteils gonflés « en saucisse », douleurs et tendinites à répétition au niveau du tendon d’Achille ou du coude), il vaut mieux en parler au médecin, qui prescrira des examens complémentaires.