L'infirmière Libérale Magazine n° 340 du 01/10/2017

 

Cahier de formation

Savoir faire

La qualité de vie d’un patient atteint de psoriasis est souvent fortement altérée. Parmi les traitements de cette maladie, les biothérapies sont de plus en plus nombreuses. Administrées par voie sous-cutanée, celles-ci sont souvent très efficaces mais augmentent le risque infectieux, d’où une vigilance accrue de la part du patient et des professionnels de santé.

LES TRAITEMENTS LOCAUX

→ Les dermocorticoïdes constituent une partie importante du traitement (voir encadré en page suivante), et sont associés à des dérivés de la vitamine D : le gel Daivobet contient de la bétaméthasone et du calcipotriol.

→ L’application se fait de préférence le soir, uniquement sur les lésions, en massant légèrement. Il est important de bien se laver les mains après usage pour éviter tout transfert, notamment sur le visage et les yeux.

→ L’observance des traitements locaux est souvent difficile à obtenir : textures pas toujours très agréables, effets indésirables (à type d’irritation cutanée en début de traitement pour les dérivés de la vitamine D)… Chaque traitement dure plusieurs semaines, en plus des émollients à appliquer quotidiennement. Le patient finit souvent par se lasser du traitement.

→ Au fil des années, il faut réussir à entretenir sa motivation, par exemple en prenant l’habitude d’appliquer les traitements en musique. Si, malgré une bonne observance, les lésions s’avèrent insuffisamment contrôlées, un passage à un traitement systémique sera nécessaire.

LES TRAITEMENTS SYSTÉMIQUES « CONVENTIONNELS »

Les rétinoïdes oraux

→ L’acitrétine (Soriatane) est un analogue de synthèse de l’acide rétinoïque (vitamine A) aux propriétés kératinolytiques intéressantes dans certaines formes de psoriasis.

→ Cependant, de nombreux effets indésirables cutanéomuqueux peuvent altérer la qualité de vie du patient pendant le traitement : chéilite (inflammation des lèvres) et fissures des commissures labiales, desquamations sur tout le corps, sécheresse des muqueuses (buccale, nasale et oculaire), chute de cheveux, fragilité des ongles, dermites (érythème, peau moite et prurit).

→ L’acitrétine est une molécule tératogène : une contraception efficace est obligatoire en cas de prescription à une femme en âge de procréer.

Les immunosuppresseurs

→ La ciclosporine (Néoral) est efficace dans le psoriasis car elle réprime la réponse lymphocytaire T. Cependant, les doses utilisées sont très nettement inférieures à celles requises chez les patients greffés. La ciclosporine est prescrite pour une durée en général inférieure à deux ans en raison d’une certaine toxicité notamment rénale et vasculaire.

→ Le méthotrexate (Imeth, Metoject…) est un antifolique inhibant la synthèse d’ADN et donc la prolifération cellulaire. Il constitue le traitement systémique de référence du psoriasis et du rhumatisme psoriasique, sous forme orale ou injectable. Un traitement au long cours est possible, toujours à raison d’une prise par semaine et non par jour (lire la seconde question de patient ci-contre). Les effets indésirables (notamment hématotoxicité et hépatotoxicité) sont limités par la prise d’acide folique à un autre moment de la semaine.

→ Les immunosuppresseurs entraînent une baisse des défenses immunitaires et exposent donc à un risque infectieux au même titre que les biothérapies (lire la partie suivante p. 41). Un bilan complet est réalisé avant la mise sous traitement, puis régulièrement.

Autres molécules

→ L’aprémilast (Otezla) régule les taux des médiateurs pro-inflammatoires et anti-inflammatoires via l’inhibition d’une enzyme, la phosphodiestérase 4. Il est prescrit en seconde intention par rapport aux autres traitements systémiques « conventionnels » mais en amont des biothérapies pour éventuellement retarder leur prescription. Cette molécule est caractérisée par une bonne tolérance et l’absence de surveillance, mais des cas d’idées et de comportements suicidaires ont été récemment rapportés (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, 24 novembre 2016).

CAS PARTICULIER : LA PHOTOTHÉRAPIE

→ Ni tout à fait locale, ni tout à fait systémique, la photothérapie est parfois proposée aux patients pour leur faire bénéficier des effets anti-inflammatoires et immunosuppresseurs des UV, propriétés qu’ils peuvent expérimenter eux-mêmes lorsqu’ils s’exposent au soleil.

→ Quelle que soit la technique utilisée, chaque cure comprend une vingtaine de séances, à raison de plusieurs séances hebdomadaires, et chaque séance dure quelques minutes seulement.

→ Le vieillissement cutané, les atteintes oculaires et le risque de cancer sont les principaux éléments limitant la répétition des cures chez un même patient.

Attention : la photothérapie a lieu dans un centre spécialisé, sous la surveillance d’une équipe médicale formée. Cela n’a rien à voir avec les « cabines à bronzer » que l’on trouve en ville.

VIVRE AVEC

→ Le psoriasis est une maladie affichante et de nombreuses idées reçues existent à son sujet : le patient peut avoir l’impression de devoir se justifier ou, au contraire, de se cacher pour ne pas subir le regard des autres.

→ Certaines activités deviennent parfois problématiques : sports collectifs, vie de famille, sexualité… Le patient doit être encouragé à consulter un spécialiste en cas de mal-être trop important. L’association France psoriasis (lire la partie Savoir plus p. 44) est une structure à recommander aux patients pour trouver de l’information et sortir de l’isolement.

→ L’éducation thérapeutique du patient (ETP) se développe depuis plusieurs années maintenant pour le psoriasis dans les services de dermatologie : le patient échange avec une équipe pluridisciplinaire ainsi qu’avec d’autres patients souffrant de psoriasis, sur ses difficultés au quotidien, ses « trucs et astuces », son observance du traitement, le regard des autres… Il est important d’orienter les patients vers de telles structures lorsqu’elles existent, à tout moment de la maladie.

→ Autres conseils pour le quotidien à lire pp. 42-43.

Cas pratique

Mme H., 50 ans, atteinte de psoriasis depuis une quinzaine d’années, en a assez et vous le fait savoir. Sa maladie était jusqu’à présent plus ou moins bien contrôlée par les traitements locaux qu’elle applique quotidiennement. Face à la recrudescence des lésions et à l’apparition d’un rhumatisme psoriasique, sa dermatologue décide de mettre en place un traitement supplémentaire par voie orale, une fois par semaine. Mme H. se sent parfois seule face à la maladie.

Vous lui expliquez que le psoriasis est une maladie chronique évolutive, pour laquelle des adaptations thérapeutiques sont parfois nécessaires. Le nouveau traitement à base de méthotrexate va permettre d’agir plus efficacement contre les lésions mais nécessite de prendre certaines précautions. Enfin, vous faites preuve d’empathie et encouragez la patiente à sortir de son isolement.

Les dermocorticoïdes dans le traitement du psoriasis

→ Les dermocorticoïdes ont des propriétés anti-inflammatoires, immunosuppressives et antiprolifératives sur tous les composants cellulaires de la peau, ce qui les rend efficaces contre le psoriasis.

→ Le choix du dermocorticoïde dépend du type de lésion. Plusieurs niveaux de puissance sont disponibles : activité très forte (Dermoval, Clobex, Clarelux, Diprolène) pour les coudes, les genoux, la paume des mains, la plante des pieds, le cuir chevelu ; activité forte (Betneval, Betesil, Diprosone, Nérisone, Flixovate…) ou modérée (Tridésonit, Locapred) pour le visage, les plis et les régions pileuses.

→ La galénique doit être adaptée à la lésion : crème sur les lésions peu squameuses et dans les plis, pommade sur les lésions très épaissies, lotions ou gels sur les régions pileuses, shampooing et mousse sur le cuir chevelu, emplâtre sur les zones difficiles à traiter.

→ La posologie usuelle est d’une application par jour, idéalement le soir après la douche, et ce, jusqu’à blanchiment des lésions, puis décroissance progressive pour éviter une reprise, voire une aggravation des lésions.

→ La peur et le rejet des dermocorticoïdes sont des notions bien connus dans les dermatoses inflammatoires chroniques et notamment dans la dermatite atopique (cf. ILM n° 331, décembre 2016). Au long cours, les effets indésirables locaux (atrophie cutanée, vergetures, rosacée…) sont une réalité mais ne doivent pas empêcher l’utilisation optimale des traitements. Quant aux effets indésirables systémiques (insuffisance surrénalienne, déstabilisation d’un diabète…), ils restent très rares

Questions de patients

Comment lutter efficacement contre les démangeaisons ?

Il est conseillé d’appliquer du froid sur les plaques : bombe d’eau thermale, compresse humide, mini-ventilateur, dos d’une cuillère, sachet de petits pois congelés recouvert d’un linge… Le froid permet « d’embrouiller » les récepteurs nerveux présents au niveau de la peau, et de limiter la sensation de prurit. Éviter de gratter et d’arracher les squames car cela risque de réactiver la poussée.

J’ai oublié de prendre le méthotrexate hier, que dois-je faire ?

En cas d’oubli, prendre le traitement le plus vite possible et décaler le jour de prise hebdomadaire, plutôt que de doubler la dose suivante. Dans tous les cas : une seule prise par semaine. Des erreurs de prise quotidienne au lieu d’hebdomadaire ont déjà été à l’origine de décès (ANSM, point d’information du 14 novembre 2016). Noter le jour de prise sur la boîte.