L'infirmière Libérale Magazine n° 340 du 01/10/2017

 

VIE PUBLIQUE

Actualité

Jean-Michel Delage  

Édith Bresson, infirmière libérale depuis quatorze ans à Neung-sur-Beuvron, dans le Loir-et-Cher, a été élue maire de cette commune de 1 276 habitants en juillet dernier.

Infirmière, pompier volontaire et maire, vous n’avez pas le temps de vous ennuyer !

Édith Bresson : C’est une organisation ! J’étais première adjointe depuis 2014, et après son élection à l’Assemblée nationale et avec la loi sur le non-cumul des mandats, le maire (Les Républicains) Guillaume Peltier m’a proposé la place. J’avais plutôt souhaité être élue maire aux prochaines élections municipales…

Parlez-nous de votre métier.

É. B. : Nous sommes un cabinet de quatre infirmières et nous couvrons cinq communes, pour une patientèle de personnes âgées en milieu rural, ce qui nous fait 200?kilomètres de déplacement quotidien. J’ai donc décidé de lever un peu le pied, avant de ne plus prendre trop de plaisir à pratiquer mon métier. Et du coup, je ne travaille qu’une dizaine de jours par mois, avec des journées de quatorze heures.

Pourquoi cette envie d’être une élue ?

É. B. : C’est un engagement pour ma commune, l’envie d’être sur le terrain, à l’écoute des habitants. Et au départ, c’était le fait de ne pas être satisfaite de ce qui se passait dans le village. Alors, plutôt que de se plaindre sur la fermeture des commerces ou sur la vétusté des écoles, je me suis dit qu’il fallait agir. Si personne ne se lance, les choses n’avanceront pas ! Servir fait partie de mon caractère. Tout comme je n’avais pas choisi les activités d’infirmière ou de pompier volontaire par hasard. J’ai un besoin de donner.

D’où vient ce désir de se rendre utile pour les autres ?

É. B. : Mon parcours de vie a été chaotique… J’en parle très peu. J’ai été abandonnée par ma mère à l’âge de trois mois. À cette époque, on ne confiait pas facilement la garde au père, le nôtre voulait pourtant nous récupérer. Maison de l’enfance, famille d’accueil… jusqu’à mes 7 ans. D’ailleurs, les parents de ma famille d’accueil sont devenus, par alliance, mes grands-parents puisque leur fille s’est mariée avec mon père ! De mon histoire, j’ai fait une force. J’ai tellement entendu à l’école qu’on ne ferait rien de moi… que cela m’a donné envie de prouver le contraire.

Maire, est-ce un rôle facile ?

É. B. : On a beau être en 2017, on reste encore dans un monde où la place de la femme n’est pas reconnue comme elle le devrait. Et j’ai rencontré à peu près les mêmes problèmes que le jour où je suis rentrée chez les pompiers : un monde de machos. Au moment de l’élection du maire par le conseil municipal, nous étions deux à nous présenter. L’autre candidat a lancé à l’assemblée : « Je veux être maire ou je ne serai rien ! » Du coup, alors qu’il faisait partie de ma liste, il a rejoint l’opposition. Et le premier conseil municipal a été une épreuve. J’y suis allée en sachant qu’il me fallait être ferme et autoritaire si je voulais être respectée par ces hommes pour les trois années à venir. Pour quelques-uns, c’était anormal qu’une femme devienne maire de Neung-sur-Beuvron.

Vos patients arrivent à séparer l’infirmière de l’élue ?

É. B. : Dès que je suis devenue adjointe, j’ai demandé à mes patients de respecter la distinction entre ma profession et mon rôle dans la commune. Quand je suis soignante, s’ils me parlent d’un souci lié à la vie du village, je leur demande d’aller en mairie et, à l’inverse, si quelqu’un me rencontre en mairie et me demande un rendez-vous pour une prise de sang, je lui demande de m’appeler au cabinet. Les gens comprennent et respectent bien mes deux casquettes maintenant. Pour mes patients, je suis toujours Édith, l’infirmière ! Je reconnais qu’au lendemain de mon élection au conseil municipal, certains patients n’ont plus voulu que je les soigne parce que j’appartenais à la liste qu’ils n’avaient pas soutenue… Mes collègues ont servi d’intermédiaire en leur expliquant que je les soignais depuis quatorze ans et que mes nouvelles fonctions ne changeraient rien à la qualité de mes soins.

Vous êtes aussi pompier volontaire…

É. B. : J’ai posé une disponibilité auprès des pompiers. J’étais infirmière sapeur-pompier et sapeur-pompier. C’est-à-dire que je partais sur les incendies mais aussi sur les accidents en tant qu’infirmière. Mais cela faisait beaucoup car j’ai aussi une vie privée, un mari et deux enfants ; j’aime passer du temps en famille, c’est ce qui m’apporte un équilibre. J’ai donc pris une pause d’un an. J’ai demandé mon réengagement, mais juste comme infirmière sapeur-pompier. Et en fonction de mes disponibilités.

Pensez-vous faire un deuxième mandat de maire ?

É. B. : Oui, parce que je pense que trois ans, c’est trop court. Je serai tête de liste en 2020 !