Les paroles du mois
Bonnes feuilles…
Sélection d’extraits du livre de l’Idel Charline, Bonjour, c’est l’infirmière !, qui vient de paraître chez Flammarion. Interview de Charline p. 22 et chronique p. 23.
« Le mari était en train de retaper frénétiquement le lit conjugal. (…) Je me suis assise pour qu’il sache que j’allais prendre le temps. Pas trop près pour ne pas l’envahir, pas trop loin pour être à ses côtés. Nous avons discuté de sa peur de l’échec, de la chimio qui ne donnait rien. Du désastre que représentait à ses yeux cet arrêt de l’alimentation, qui lui semblait un avant-goût de mort. Je l’ai écouté me parler de l’angoisse de perdre sa femme, de son dévouement pour elle, que sans elle, sans elle… (…) Il a pleuré sa colère et sa culpabilité d’avoir crié [sur sa femme en raison de son refus de s’alimenter]. Un instant plus tard, il s’était calmé et caressait doucement la couverture qui ne présentait plus aucun pli. »
« Auxiliaires de vie toilettantes, facteurs pilulistes, pharmaciens vaccinateurs… Il y [a] de quoi se perdre sur la définition de ce qu’est un soignant ! »
« Je peux parler violence sexuelle comme je peux parler poitrine et dentelles. Je peux parler alcoolisme d’un père comme je peux parler tatouage en montrant les miens ou enfants en regardant les photos des leurs. Je peux parler coiffure, musique, chats, espoir ou désespoir, mutuelle et prévoyance, compte pour bébé, IVG ou 90 B. La vie de l’autre est toujours sécante avec la nôtre. »
« C’est en voyant apparaître sur ton visage cette espèce de masque de cire un peu gris que j’avais alerté le médecin (…). Tu avais franchi l’étape du jour au lendemain, l’étape qui fait passer dans la catégorie que j’appelle “les éclairés” : toujours vivants, pas encore morts, mais très au clair sur le fait que leur existence touche à sa fin. »
« “On ne peut pas soigner avecson cœur si on en a plein le cul !” J’avoue que lorsque je suis touchée, j’ai tendance à devenir vulgaire. »
« J’ai souvent entendu les IDE, les infirmières diplômées d’Etat travaillant en service hospitalier, me dire que le libéral, c’est la “liberté”. Et bien souvent, je leur réponds que l’Idel, l’infirmière diplômée d’Etat libérale, ne gagne qu’une “L” en se mettant à son compte et qu’avec ça, on vole de façon un peu bancale. »
« Bordel, même pas 5 € net. 5 € pour écouter et rassurer [ce] patient qui avait besoin de parler et d’être entendu. 5 € pour soigner avec dextérité en maniant des aiguilles et des pinces sans faire mal. 5 € pour quarante-cinq minutes d’effort et de concentration en m’éclatant les genoux sur les tomettes au plus près de mon patient allongé dans le canapé. Cinq soins pour 5 €. (…) Je ne suis pas vénale, mais je ne trouve pas ça normal. »