L'infirmière Libérale Magazine n° 340 du 01/10/2017

 

La vie des autres

Ici

Laure Martin  

C’est en saisissant les opportunités qui se sont offertes à lui que Xavier Demoisy, Belge d’origine et infirmier de formation, a construit son plan de carrière petit à petit. Aujourd’hui, il s’attache à la reconnaissance infirmière.

Après ses études d’infirmier, Xavier Demoisy débute sa carrière en Belgique. « J’ai commencé à travailler dans le secteur de la santé mentale au sein du Centre hospitalier psychiatrique de Liège, au moment de la mise en place du résumé psychiatrique minimum (RPM) [équivalent du programme de médicalisation des systèmes d’information en France, NDLR]. La direction de mon établissement m’a demandé de l’implémenter au sein même de notre établissement, une proposition que j’ai bien évidemment acceptée. » Devenu par la suite coordinateur RPM, il est chargé de coordonner l’enregistrement du RPM dans les différentes institutions rattachées au CHU de Liège. Et Liège étant une ville universitaire, Xavier Demoisy décide d’effectuer en parallèle une licence en santé publique - équivalent d’un master - avec une spécialisation en gestion des instituts de soin. « J’ai fait ce choix car mon travail avec le RPM allait selon moi avoir un fort impact sur l’économie de la santé et je voulais en connaître les tenants et les aboutissants. » Outre son poste à l’hôpital et sa reprise d’études, Xavier Demoisy effectue des remplacements en libéral à Liège, de 1996 à 1999.

En 1999, son réseau professionnel lui permet de prendre une autre voie : il peut devenir infirmier hygiéniste au Centre hospitalier de Luxembourg, à condition de se former pour ce poste. « L’idée m’a plu, le challenge aussi car le métier d’hygiéniste est transversal et permet de comprendre le fonctionnement d’une institution. Je suis donc parti travailler au Luxembourg, tout en suivant une spécialisation en hygiène hospitalière à Bruxelles. » Une première étape dans cette nouvelle fonction puisqu’à l’ouverture du Centre national de rééducation fonctionnelle et de réadaptation (Rehazenter) de Luxembourg, en octobre 2003, on lui propose le poste d’infirmier hygiéniste. « J’ai eu deux missions à remplir. Tout d’abord, préparer le personnel au niveau de la prévention et des affections, puis, jusqu’en février 2007, accompagner la direction et les bureaux d’études dans la construction du nouvel hôpital afin de répondre aux normes. » Et de préciser : « J’ai travaillé à la mise en place des protocoles, à l’organisation des transports ou encore à la qualité de l’eau. » À l’ouverture du centre début février 2007, il s’occupe également de la prévention des infections nosocomiales, de la gestion des risques ainsi que d’autres fonctions transversales comme la gestion des sous-traitants (nettoyage et restauration) ou encore la conceptualisation des soins infirmiers. En parallèle, il suit un certificat inter-universitaire en économie de la santé ; une formation qui a certainement servi à sa nomination, le 1er janvier 2014, au poste de directeur des soins de l’établissement.

« Je suis le relais qu’elles n’avaient pas »

« En tant que directeur des soins, je coordonne, en lien avec la direction médicale, les concepts et la prise en charge des différents métiers pour la rééducation des patients. Je travaille aussi au développement du rôle propre des infirmiers car, jusqu’à ma nomination, il n’y avait pas de directeur des soins. » Il plaide pour que les infirmières adoptent une démarche de prise en charge globale des patients et qu’elles ne se contentent pas d’exécuter les prescriptions. « Elles m’ont fait part d’un manque de reconnaissance au sein de l’établissement ; j’ai donc décidé de développer leur rôle propre pour qu’elles l’obtiennent. Aujourd’hui, je suis le relais qu’elles n’avaient pas jusqu’à présent. Il a fallu que je leur rappelle que les actes qu’elles effectuent ne sont pas seulement liés à l’autorité médicale et qu’elles ont des fonctions que certaines d’entre elles avaient oubliées. » L’établissement a mis en place un plan de développement de l’activité des infirmières dans le domaine de l’éducation du patient notamment. « Ces projets leur permettent de se positionner en tant que professionnelles de la santé, d’avoir des résultats à présenter lors des réunions pluridisciplinaires et de montrer ce qu’elles apportent aux patients. » Certains membres du corps médical ont manifesté quelques réticences, mais « je les ai informés qu’il y avait une législation pour le rôle infirmier », rapporte Xavier Demoisy. D’ailleurs, une loi hospitalière est en cours d’adoption au parlement du Grand-Duché du Luxembourg, et Xavier Demoisy espère que le rôle infirmier au sein de la gestion des établissements sera précisé afin de légitimer leur position. Aujourd’hui, Xavier Demoisy accepte un nouveau challenge en devenant directeur des soins d’un centre de réhabilitation de la Croix-Rouge.

Le système de santé luxembourgeois

Le secteur de la santé comprend le monde hospitalier et le secteur de l’aide sociale, qui regroupe la politique de la personne âgée ainsi que la dépendance. Il y a environ 3 200 infirmières dans les hôpitaux et 6 000 infirmières et aides-soignantes dans le secteur de l’aide sociale. Les nationalités des paramédicaux sont très variées : 14 % de Belges, 18 % d’Allemands, 21 % de Français et 40 % de Luxembourgeois. L’une des difficultés pour un directeur des soins est donc de gérer la variété de formations initiales associée. « C’est riche, mais il faut concilier cette variété dans une approche commune », explique Xavier Demoisy. Pour les Européens, l’autorisation d’exercer au Luxembourg est automatique mais, pour la conserver, il est nécessaire de suivre une formation de 40 heures financée par l’employeur, qui relève de la responsabilité individuelle. De plus, il y a trois langues officielles, le luxembourgeois, le français et l’allemand, auxquelles s’ajoutent l’anglais et le portugais. En cas d’erreur sur un patient, la non-compréhension de l’une des trois langues officielles n’est pas considérée comme une excuse valable.

Il dit de vous !

« Au début de ma carrière hospitalière, j’ai travaillé en libéral afin d’avoir une activité complémentaire. L’autonomie et la proximité avec les patients m’ont beaucoup plu dans ce mode d’exercice. Au Grand-Duché de Luxembourg, il n’y a presque pas d’infirmières qui travaillent en libéral dans le secteur de l’aide sociale. C’est lié au mode de financement de la prise en charge au domicile par l’assurance dépendance. Au niveau de la caisse de Sécurité sociale, une cellule évalue le besoin de dépendance des personnes et définit un plan de prise en charge global multiprofessionnelle. L’organisation se fait souvent par des réseaux de prise en charge à domicile, qui emploient des infirmières salariées. Les libérales font surtout des prises de sang pour les laboratoires ou elles renforcent les réseaux dans les zones où ils sont peu présents. »