Fréquent, le syndrome de l’intestin irritable (SII), ou colopathie fonctionnelle, se caractérise par un ensemble de symptômes digestifs chroniques pouvant avoir un retentissement majeur sur la qualité de vie. La prise en charge associe mesures hygiéno-diététiques et traitements symptomatiques.
Le SII affecte 5 à 10 % de la population générale. Il est deux fois plus fréquent chez la femme que chez l’homme et est généralement diagnostiqué vers 30-40 ans.
→ Son origine est multifactorielle. Elle associe des troubles de la motricité et de la sensibilité intestinale, une inflammation chronique de la muqueuse intestinale (bien moindre que dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin) et un déséquilibre de la flore intestinale (ou microbiote).
→ L’exposition répétée au stress semble être associée à des symptômes plus sévères. On observe aussi une plus forte prévalence de troubles anxiodépressifs chez les patients atteints de SII. Une aggravation de l’inconfort digestif à la suite d’une ingestion de certains aliments est également fréquemment rapportée.
Des douleurs abdominales et des modifications du transit sont systématiquement présentes, à des degrés variables. Ces symptômes évoluent de façon chronique avec des épisodes d’exacerbation.
→ Douleur abdominale : allant d’une simple gêne à une douleur vraiment invalidante, elle peut concerner tout l’abdomen.
→ Troubles du transit : constants, ils peuvent se manifester soit par une constipation (classiquement définie par moins de trois selles par semaine et/ou des troubles de l’évacuation des selles), soit par une diarrhée, soit par l’alternance des deux.
→ Ballonnement intestinal : fréquent, il constitue le deuxième motif de consultation.
→ Autres symptômes : sont parfois rapportés une pesanteur gastrique, voire des signes extra-digestifs dans les formes sévères (céphalées, fatigue…).
Le diagnostic est clinique et repose sur la présence d’une douleur abdominale évoluant depuis au moins six mois ou présente au moins un jour par semaine les trois derniers mois et associée à au moins deux des critères suivants : une douleur abdominale en relation avec la défécation, ou une modification de la fréquence des selles ou une modification de leur consistance.
Ces critères permettent de distinguer trois formes cliniques de SII :
→ à constipation prédominante,
→ à diarrhée prédominante,
→ avec alternance de diarrhée-constipation.
Mais certains patients ne présentent pas de symptômes “typiques” permettant de les “rattacher” à l’une de ces trois catégories.
Le bilan biologique standard - NFS (Numération Formule Sanguine), CRP (protéine C réactive) notamment -, normal, a pour but d’éliminer une atteinte organique (anémie, syndrome inflammatoire). Des examens complémentaires (dosage de la thyréostimuline, examen parasitologique des selles, recherche d’anticorps de l’intolérance au gluten…) peuvent être proposés en cas de diarrhée chronique pour éliminer d’autres diagnostics (hyperthyroïdie, diarrhée infectieuse, intolérance au gluten qui peut être plus fréquente chez les patients souffrant d’un SII).
Des signes cliniques d’alarme font réaliser des explorations complémentaires (dont une coloscopie) : sang dans les selles, amaigrissement, apparition ou modification persistante de symptômes, notamment chez un sujet de plus de 50 ans, antécédents familiaux de cancers colorectaux, présence d’une anémie.
Elle associe règles hygiéno-diététiques et médicaments symptomatiques. Une prise en charge psychologique est parfois nécessaire.
→ Elles reposent sur des conseils simples : repas à heures fixes, dans le calme, avec une mastication suffisante ; éviter les grignotages et les repas trop copieux ou riches en graisses ; limiter l’alcool et le café. Un apport limité en fibres limite les ballonnements et la diarrhée. Un régime varié doit dans tous les cas être recommandé.
→ La réduction de l’apport en Fodmaps
Il peut être nécessaire d’en essayer plusieurs et d’en changer avec le temps.
→ Contre les douleurs abdominales : sont utilisés des antispasmodiques, seuls (trimébutine, mébévérine, phloroglucinol…) ou, en cas de ballonnement, associés à la siméticone (Météospasmyl…) ou à des pansements gastro-intestinaux (type Bedelix, Actapulgite…).
→ En cas de constipation : les laxatifs de lest type ispaghul, psyllium, sterculia ou les macrogols sont privilégiés.
→ En cas de diarrhée : un ralentisseur du transit (type lopéramide) peut être nécessaire à dose minimale et adaptée pour ne pas favoriser une constipation.
En cas d’échec de ces traitements, antidépresseurs tricycliques et inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (qui agissent sur les récepteurs neuronaux de la douleur, la composante neuropathique) sont employés hors AMM après avis spécialisé.
Ils tiennent une place de plus en plus importante mais leur efficacité peut être très variable d’un patient à l’autre. « Malgré tout, certaines souches ont fait l’objet d’études relativement bien faites, c’est-à-dire randomisées versus placebo. C’est le cas de Bifidobacterium infantis 35624 [NDLR : par exemple Symbiosys Alflorex] et de certaines souches de Bifidobacterium animalis [NDLR : par exemple ImoFlora, en association à d’autres souches dans ArkoBiotics Supraflor] », explique le Pr Sabaté, gastroentérologue à l’hôpital Avicenne (Seine-Saint-Denis).
En pratique, d’autres souches peuvent être essayées car elles peuvent avoir une action bénéfique selon la sensibilité de chacun (Physionorm Daily, Smebiocta, Lactibiane…). « Une cure d’un mois minimum est préconisée. Si aucune amélioration n’est constatée au bout de ce délai, il faut essayer une autre formule », précise le spécialiste. À prendre au long cours car, à l’arrêt du probiotique, les symptômes réapparaissent. Par prudence, les probiotiques sont déconseillés aux personnes immunodéprimées.
L’hypnose semble améliorer significativement certains patients. D’autres méthodes pourraient aussi être bénéfiques : ostéopathie, sophrologie, acupuncture…
→ Une activité physique régulière semble jouer un rôle bénéfique.
→ Attention aux exclusions trop larges d’aliments qui peuvent aboutir à des carences. L’avis d’un diététicien est recommandé.
→ Les fibres solubles (psyllium, ispaghul, avoine, orge…) semblent mieux tolérées que les fibres insolubles (blé, son de blé, épeautre…), qui aggravent les ballonnements.
L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêts.
* Fodmaps (pour Fermentable Oligo-, Di-, Monosaccharides And Polyols) : sucres fermentescibles (type fructose, polyols…), lentement absorbés dans l’intestin grêle, qui servent de substrats à la fermentation bactérienne colique. Aliments les plus riches en Fodmaps… à réduire
Avec l’aimable collaboration du Professeur Jean-Marc Sabaté, gastroentérologue à l’hôpital Avicenne (Bobigny, Seine-Saint-Denis).
Livre
Pr Sabaté Jean-Marc, Intestin irritable, les raisons de la colère, éditions Larousse, 2016.
Association
Association des patients souffrant du syndrome de l’intestin irritable (www.apssii.org).