L'infirmière Libérale Magazine n° 340 du 01/10/2017

 

NÉGOCIATIONS CONVENTIONNELLES

Actualité

Adrien Renaud  

Ouvertes en juillet, poursuivies en septembre, les négociations conventionnelles entre les syndicats d’Idels et l’Assurance maladie affichent un rythme à deux vitesses, sur la démographie et la nomenclature.

On pouvait espérer qu’en sept réunions programmées entre juillet et novembre, les trois syndicats d’Idels représentatifs et l’Assurance maladie allaient s’attaquer à deux grands chantiers à la fois : la régulation démographique de la profession et la Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP). Mais après trois séances, à l’issue de la réunion du 26 septembre, il a fallu se rendre à l’évidence : le grand soir tant attendu, la fameuse révision en profondeur de la NGAP, ce sera pour une autre fois. Après tout, le patron de l’Assurance maladie avait prévenu, dans l’entretien paru dans nos colonnes en juillet : la révision de la NGAP se ferait « par étapes », et concernant cette négo, « tout ne sera[it] pas possible tout de suite ».

Côté démographie en revanche, les choses ont démarré sur les chapeaux de roue. L’Assurance maladie a notamment proposé mi-septembre un durcissement des règles d’installation : une infirmière ne pourrait désormais s’installer en zone très sur-dotée que si deux autres y cessaient leur activité, contre une seule actuellement. Une proposition qui a fait bondir les négociateurs, côté infirmiers. « Pour nous c’est absolument inenvisageable, s’insurge Catherine Kirnidis, présidente du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil). Cela signifierait que l’une des deux infirmières qui cesse son activité ne peut pas revendre sa patientèle. » Même son de cloche du côté de Philippe Tisserand, président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI). « Il est bien évident qu’on ne peut pas accepter cela, cela reviendrait à faire fondre le nombre d’Idels », juge-t-il. Le président de la FNI pense toutefois qu’il faut « être responsable », et que le manque de régulation a placé certaines zones comme la Guadeloupe « au bord de la guerre civile professionnelle ».

Toujours sur la question démographique, les syndicalistes accueillent de manière plus favorable les propositions de l’Assurance maladie pour inciter les professionnelles à s’installer en zone très sous-dotée, avec notamment un forfait de 150 euros pour les Idels qui y formeraient une étudiante en soins infirmiers. « Nous n’y sommes pas opposés, même si nous trouvons la somme très faible au regard du travail que cela demande », explique Ghislaine Sicre, présidente de Convergence infirmière (CI). « C’est la proposition de départ, ça se négocie », estime de son côté Philippe Tisserand.

Un planning à deux options

Si la discussion semble encore possible sur la démographie, ce n’est pas le cas sur la nomenclature. Non pas faute de bonne volonté, mais faute de temps. Le calendrier a donc été révisé. « L’Assurance maladie nous propose de signer un premier avenant portant principalement sur la régulation en novembre, et de mettre en place des groupes de travail pour revoir la nomenclature au premier semestre 2018 », explique Catherine Kirnidis. On s’orienterait sur cette voie plutôt que vers l’autre proposition de l’Assurance maladie : reporter la signature de tout le texte en juin 2018.

Ce changement de rythme s’explique notamment par le retard annoncé dans l’expérimentation du Bilan de soins infirmiers (BSI). La révision de la nomenclature est d’ailleurs un chantier si compliqué que le traiter dans le temps qui reste aux négociateurs conventionnels ne permettrait que « des ajustements cosmétiques », estime Philippe Tisserand. Celui-ci voit donc que le report de la discussion comme une bonne chose. « Nous avons une opportunité de réviser en profondeur cette nomenclature, déclare-t-il. C’est une attente forte de la profession, mais c’est aussi un risque. » Chez CI, on abonde dans le même sens. « Si le nouveau calendrier permet une restructuration de la profession en 2018, ce serait dommage de ne pas y aller », assure Ghislaine Sicre.

Mais tous demandent des garanties. « Il nous faudra définir un calendrier avec des dates butoirs », avertit Philippe Tisserand. « Si nous devons signer un tel accord, il faudrait qu’il soit assorti de revalorisations tarifaires importantes », estime Catherine Kirnidis. Il faudrait quand même que « quelque chose soit acté » dans l’avenant de novembre du côté de la nomenclature, ajoute Ghislaine Sicre. Il reste quatre séances de négo (la prochaine le 17 octobre) pour trouver quoi.

LES IDELS AUSSI REÇUES PAR LA MINISTRE

Fin septembre, Agnès Buzyn a reçu les trois syndicats d’Idels représentatifs. Une occasionpour les libérales de faire entendre leur voix en haut lieu.

Reporté une fois à cause de l’ouragan Irma, et une autre en raison de conflits d’agenda, le rendez-vous entre Agnès Buzyn et les trois organisations jugées représentatives (FNI, Sniil, CI)* a enfin eu lieu 27 septembre, la veille de notre bouclage. « Nous étions plutôt contents d’être enfin reçus, cela n’avait pas été le cas sous la ministre précédente », se réjouit Catherine Kirnidis, qui participait à la réunion. De la question de l’exercice partiel pour les diplômées étrangères à celle de l’élargissement du décret de compétences, en passant par les problèmes de sécurité ou encore les négociations conventionnelles, les représentants de la profession ont tenté de n’oublier aucun des sujets chauds du moment. « J’ai trouvé quelqu’un qui a envie de travailler avec les professionnels », témoigne Ghislaine Sicre. « Elle n’est pas dans l’opposition, et nous a dit qu’on allait se retrousser les manches ensemble pour faire avancer les dossiers. Ce sont des choses qu’on n’a pas l’habitude d’entendre. » Malgré ces quelques paroles d’encouragement, Agnès Buzyn a peu parlé lors de ce rendez-vous d’une heure. D’ailleurs, les Idels ne se font que peu d’illusions. « Elle nous a bien dit que l’enveloppe financière n’était pas infinie, et ça, on le sait ! », ironise Ghislaine Sicre.

A.R.

* L’Onsil, précédemment représentative, avait aussi été reçue au ministère par un représentant d’Agnès Buzyn, le 13 septembre, indique-t-elle sur sa page Facebook.