L'infirmière Libérale Magazine n° 341 du 01/11/2017

 

LUTTE CONTRE LA DOULEUR

Actualité

Murielle Chalot  

Au long de 280 pages, la Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD) formule neuf axes de propositions pour faire de la lutte contre la douleur un des socles du système de santé au XXIe siècle.

En matière de lutte contre la douleur, la France a des atouts : il existe désormais 245?structures de prise en charge de la douleur chronique(1), la recherche est dynamique et un référentiel d’“infirmier ressource douleur”, inexistant dans le reste de l’Europe, a pu être créé, liste la SFETD. Pour autant, beaucoup reste à faire, notamment à domicile où la douleur chronique touche 50 % des personnes âgées. À cet égard, l’analgésie loco-régionale (ALR) pourrait être une réponse, tant en douleur chronique qu’en douleur aiguë, n’étaient les « nombreux freins à la sortie des patients ambulatoires », pointe la société savante : l’interdiction de l’utilisation au long cours de la Naropéine(2) ; le fait qu’une spécialité pharmaceutique prescrite hors AMM soit à la charge du patient ; ou encore l’inadéquation entre la Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) et un protocole publié en 2012 par l’Agence nationale de sécurité du médicament sur l’utilisation à domicile de Ropivacaïne (3) à 2 mg/ml en perfusion continue dans un cathéter périnerveux dans le cadre de la douleur aiguë post-opératoire pendant 72 heures.

Ambiguïtés et mésinterprétations

En effet, la NGAP précise que les seules injections pouvant faire l’objet d’une rémunération sont les voies veineuses, sous-cutanées et endorectales. La voie périnerveuse n’est pas inscrite, relève la SFETD, alors que les Idels ont une cotation prévue pour des perfusions intra-rachidiennes et que la Haute Autorité de santé, dans sa redéfinition de la perfusion à domicile en 2010, indiquait que « la voie périphérique concerne tous les vaisseaux en dehors de ceux de la voie centrale et englobe la voie intraveineuse, la voie sous-cutanée et la voie périnerveuse ».

Autre frein : « La confusion est encore trop fréquente entre analgésie et anesthésie », constate la SFETD, déplorant que le décret de compétences des infirmiers soit « souvent mal interprété » et que soient « mélangées les compétences des IADE au bloc opératoire et celles des IDE en ville ».

Certains de ces freins au traitement de la douleur par l’ALR à domicile pourraient pourtant être levés, plaide la SFETD. Ainsi la NGAP pourrait-elle « préciser la voie périphérique au lieu d’énumérer des voies dont certaines (la voie endorectale) ne sont pas utilisées. Cela permettrait aux Idels de prétendre à une rémunération ».

Derniers verrous

Mais le problème le plus sensible vient de l’article R 4311-9 du Code de la santé publique qui pose comme condition « qu’un médecin puisse intervenir à tout moment » : « Les traitements par cathéters périnerveux ces quinze dernières années n’ont nécessité aucune intervention physique du médecin », objecte la SFETD qui appelle en conséquence les « personnalités politiques, aidées par les sociétés savantes », à « se positionner afin de faire sauter les derniers verrous qui empêchent les Idels d’exercer leur métier en toute sérénité ».

(1) Toutefois, au moins 30 % de ces 96 centres et 149 consultations, dans lesquels le délai d’attente moyen est de treize semaines, sont menacés de disparition dans les trois ans (départ à la retraite de la moitié des effectifs dans les prochaines années, diminution drastique du nombre d’infirmiers, de psychologues et de secrétaires).

(2) Anesthésique local utilisé en chirurgie et dans le traitement de la douleur aiguë pour une courte durée (moins de trois jours).

(3) Anesthésique local de longue durée d’action, avec des effets anesthésiques (à 7,5 ou 5 mg/ml) et analgésiques (à 2 mg/ml).