Notre système sanitaire se caractérise par l’importante place de l’assurance privée dans le financement des dépenses de santé (13 %) et par la large diffusion de cette couverture dans la population (95 %). Mais la complémentarité entre assurance publique et privée est-elle efficace ?
Le système français est atypique car deux assureurs couvrent les mêmes soins, les assurances maladies complémentaires (AMC) ayant notamment pour rôle de rembourser le reste à charge (RAC), à savoir la part des soins non couverte par l’assurance maladie obligatoire (AMO). Cependant, l’équité entre les assurés n’est pas totale, car « l’accès à l’AMC peut être inégale, a expliqué Denis Raynaud, directeur de l’Irdes
« Ce principe de co-paiement avec le ticket modérateur couvert par les complémentaires a permis aux pouvoirs publics de gérer les dérives de l’assurance de base alimentées par les dépenses des ALD et des soins les plus coûteux, rappelle Anne-Marie Brocas, présidente du Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie. Ils ont ainsi été dispensés de reconcevoir les règles de participation des assurés. » Cependant, certains tarifs de remboursement sont déconnectés de ceux appliqués par les professionnels, par exemple dans le dentaire. En conséquence, « le rôle des complémentaires est transformé car nous ne sommes plus dans une logique de complément, elles deviennent les principaux payeurs et assurent la solvabilisation », ajoute-t-elle. Aussi, la généralisation de la complémentaire devient-elle un problème politique et la situation explique l’hyper-réglementation des contrats et des interventions des complémentaires. Les pouvoirs publics proposent d’ailleurs des solutions pour garantir l’accès à l’assurance complémentaire avec la Couverture maladie universelle complémentaire pour les personnes à faible revenu ou encore l’Accord national interprofessionnel (ANI), qui rend obligatoire, depuis le 1er janvier 2016, la couverture santé collective des salariés. « Mais l’ANI pose problème, estime Anne-Marie Brocas. Il déstabilise le marché des complémentaires, notamment des contrats individuels, qui sont concentrés sur des personnes à gros risques, comme les personnes âgées ou les inactifs. »
« Aujourd’hui, la solidarité horizontale est mise à mal, soutient Étienne Caniard, ancien président de la Mutualité française, membre du Conseil économique, social et environnemental. Il faut que l’on démontre le rôle que les complémentaires ont à jouer dans le système car l’AMO rencontre ses limites et la contractualisation doit s’entendre sur la qualité des prestations, l’organisation du parcours et pas uniquement sur le plafonnement des prix. »
« Les complémentaires ne sont pas que des financeurs », approuve Véronique Cazals, directrice santé de la Fédération française des sociétés d’assurances. Et d’expliquer : « Nous considérons que la concurrence est profitable au modèle, non pas sur les prix mais sur les services que l’on apporte aux assurés. » La limite à la complémentarité : « Nos coûts de gestion qui ne sont pas si simples, et bien supérieurs à ceux de l’AMO, rapporte-t-elle, s’interrogeant sur la logique des pouvoirs publics de vouloir diminuer le RAC pour les lunettes, les prothèses dentaires et les audioprothèses mais d’augmenter le forfait hospitalier. On pourrait peut-être remettre en cause la question du ticket modérateur à l’hôpital et dérembourser les médicaments à service médical faible. »
(1) Institut de recherche et de documentation en économie de la santé.
(2) Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques.