Fini le bottin, les infirmières libérales se saisissent aussi des technologies actuelles de communication pour se faire connaître de patients potentiels. Mais pourquoi et comment créer son propre site web, tout en restant dans les bornes posées par la déontologie et le Code de la santé publique ?
« La vraie question à se poser, c’est : quelle est l’utilité d’avoir un site internet », résume Adrian Measures, directeur de l’agence Neocamino, qui conseille les très petites entreprises dans leur communication digitale. Les infirmières libérales sont nombreuses à tenter l’expérience, généralement pour se faire connaître et développer leur patientèle lorsqu’elles s’installent.
« Pour moi, c’était naturel et moderne de se faire connaître de cette façon, estime Maxime Fouquet, qui exerce à Nantes (Loire-Atlantique) dans un cabinet avec trois autres Idels depuis deux ans. De plus en plus de gens ne consultent plus l’annuaire, ils vont directement sur le Net. » Même démarche pour Fayçal Benaissa à Stains (Seine-Saint-Denis), qui a également créé son site dès son installation, il y a quatre ans. « Il faut se saisir de toutes les démarches possibles pour se faire connaître, estime-t-il. D’ailleurs, à présent que je suis établi, j’envisage de fermer le site. C’est une dépense dont je pourrais peut-être me passer. »
Car créer et maintenir son site Web est une démarche qui a un coût plus ou moins important. Le moins cher consiste évidemment à tout faire soi-même en recourant à un générateur de site en ligne (par exemple sitew.com, wordpress.com, site123.com…). Toutes ces solutions offrent une formule gratuite avec une capacité de stockage limitée, mais suffisante pour un professionnel qui est uniquement à la recherche d’un site vitrine. Car la plupart des infirmières libérales qui s’affichent en ligne s’en tiennent au niveau d’information minimal recommandé par le Conseil national de l’Ordre des infirmiers (lire encadré page ci-contre).
Mais pour qui choisit l’option do it yourself, gare à l’esthétique finale ! « Il est possible de faire quelque chose de bien seul, observe Adrian Measures. Il y a toujours des gens qui ont une sensibilité graphique particulière, et par exemple les photographes, les architectes font généralement de beaux sites sans aucune aide. Mais, globalement, quand la création n’est pas votre métier, faire un joli site peut vite devenir compliqué. »
Cela peut également prendre du temps : faire une recherche parmi les différents générateurs, les essayer, réaliser la limite des possibilités qu’ils offrent, chercher à fignoler… « Je l’ai fait avec mon frère, qui est ingénieur, observe Maxime Fouquet. Cela nous a pris cinq à dix heures chacun. » L’infirmier s’est concentré sur le texte et les informations qu’il voulait faire figurer sur sa page, et son frère s’est consacré à la réalisation technique.
Fayçal Benaissa a, quant à lui, préféré faire confiance à un prestataire technique, pagesjaunes.fr en l’occurrence. « Cela m’a coûté, de mémoire, 400 euros et je verse environ 15 euros par mois pour le conserver en ligne », poursuit l’Idel. D’autres prestataires se rémunèrent exclusivement par un forfait mensuel pouvant aller jusqu’à 150 ou 200 euros en fonction de la formule retenue. Si vous payez uniquement une facture initiale, le risque est de devoir revenir ensuite vers ledit prestataire pour apporter des modifications sur le site… Mais, la plupart du temps, recourir à une agence permet d’obtenir un rendu visuel plus qualitatif, d’éviter le stress et le temps passé à la conception.
Cela peut même faciliter votre référencement par les moteurs de recherche, à savoir : figurer parmi les premiers résultats qui apparaissent en réponse à la requête d’un internaute. La structure du site (pages peu lourdes à charger, navigation simple…), mais aussi les mises à jour régulières ou la précision du vocabulaire utilisé (par rapport à celui qui pourrait figurer dans les requêtes) sont ici importantes. « Avoir d’autres sites qui pointent vers le vôtre est également une façon d’améliorer votre référencement », observe Adrian Measures. Mais on flirte alors avec la publicité… à laquelle les infirmières n’ont pas droit. Et l’on y sombre franchement si l’on paye une annonce pour faire figurer son site en tête des réponses.
Pour l’heure, estime Adrian Measures, dont l’agence a déjà conseillé nombre de médecins, les professionnels de santé sont plus souvent timorés qu’aventuriers en la matière : « En termes d’information, de messages de prévention, ils pourraient certainement faire beaucoup plus, estime-t-il, tout en restant parfaitement dans les clous imposés par leur code de déontologie. »
Quid des avis de patients rédigés volontairement sur les résultats de recherche Google ?
Car les moteurs scannent en permanence le Web pour indexer et hiérarchiser les informations. À ce titre, les professionnels répertoriés dans les Pagesjaunes disposent donc tous d’une fiche, même s’ils n’ont pas de site, à laquelle des patients peuvent ajouter un commentaire. « Là, on s’approche de la publicité, et même de la contre-publicité dans certains cas », estime Karim Mameri, secrétaire général du Conseil national de l’Ordre des infirmiers. Les commentaires et avis émanent-ils de patients réels, ont-ils été sollicités par le professionnel ? Et quid du secret médical et de l’anonymat du patient qui peuvent être brisés par le simple dépôt d’un avis ?
« Nous allons devoir trouver des solutions pour encadrer tous ces nouveaux usages, et sur le plan déontologique, noter un professionnel de santé ne peut pas être admis. »
L’Ordre national des infirmiers a élaboré en septembre 2015 une charte déontologique à l’intention des infirmières souhaitant mettre en ligne leur propre site Web. Se fondant sur le Code de la santé publique, qui prohibe commerce, réclame et publicité, il recommande que seuls les nom, prénom, titres, diplômes, photo, adresse, numéro de téléphone, horaires d’activité, plan du quartier du cabinet, moyens d’accès et de stationnement y figurent. Les langues parlées et le numéro d’inscription à l’Ordre sont également utiles. Il rappelle que l’utilisation d’un pseudonyme dans l’exercice de la professionest interdite et que l’appellation du site doit correspondre à l’identité de l’infirmier.