L'infirmière Libérale Magazine n° 341 du 01/11/2017

 

Cahier de formation

Savoir faire

Sandrine Lana  

Les soins palliatifs à domicile visent à privilégier la qualité de vie de la personne malade et de ses proches. Une coordination est indispensable pour les nombreux acteurs impliqués. Il est impératif d’éviter l’épuisement des proches en restant à leur écoute et en leur proposant des aides.

LES OBJECTIFS DE LA DÉMARCHE PALLIATIVE

À domicile, la démarche palliative s’inscrit dans une histoire de vie toujours singulière. Elle vise à privilégier le confort et la qualité de vie de la personne malade et de ses proches. Ceci implique d’être disponible et à leur écoute, en soignant au mieux les symptômes physiques et psychologiques, voire en les anticipant. L’évaluation des besoins sociaux et spirituels s’intègre à cette démarche. Un projet de soins personnalisé construit avec eux et en équipe va guider les professionnels. La notion d’équipe est importante car elle donne sens et cohérence au projet et permet de prévenir l’épuisement des professionnels et des aidants. De nombreux “acteurs” sont impliqués dans cette démarche palliative (professions libérales, hospitalisation à domicile, services de soins infirmiers à domicile, aides à domicile, réseaux, services sociaux, associations de bénévoles…), c’est pourquoi une coordination est indispensable. La difficulté reste souvent de savoir qui en a réellement la charge. Une évaluation régulière de la situation permet d’éviter que les situations ne se complexifient et donnent lieu à des réhospitalisations non souhaitées par les patients. L’un des objectifs est également d’éviter l’épuisement des proches en restant à leur écoute et en leur proposant des aides.

ORGANISER LE RETOUR À DOMICILE

Il arrive fréquemment que les aidants soient très peu ou mal informés de ce que peut représenter le fait de s’occuper d’une personne âgée, handicapée ou malade de façon quasi permanente. De même, les retours non préparés du vendredi soir restent encore d’actualité. Pour éviter cet écueil, dans le cadre du plan de soins palliatifs 2015-2018, la Haute Autorité de santé (HAS) a édité des recommandations intitulées “Sortie de l’hôpital des patients adultes relevant de soins palliatifs”, (disponibles via le lien raccourci bit.ly/2yYJ2b5). Il existe aussi des recommandations pour le maintien à domicile de ces patients. (bit.ly/2kGEK5Q). Elles devraient permettre davantage de liens, dans les secteurs médical et social, entre les professionnels du domicile et des institutions de soins, au bénéfice des malades et de leurs proches.

SOULAGER LES PRINCIPAUX SYMPTÔMES D’INCONFORT

Soins d’hygiène et de confort

Pour les personnes fragilisées par la maladie ou le handicap, accepter de dévoiler leur corps meurtri et de révéler leur intimité est souvent une étape difficile. Les soins de confort désignent toutes les attentions (respect de la pudeur, installations, mobilisations précautionneuses), toutes les interventions de soins (hygiène, pansements, transferts…), tous les moyens de communication (paroles, attitudes, toucher, regard…) permettant un mieux-être pour la personne malade. Le temps des soins d’hygiène et de confort est aussi un temps d’observation clinique pendant lequel le professionnel peut évaluer les symptômes (douleur, fatigue, transit…), l’adaptation de matériel (matelas anti-escarres), reformuler ce qui n’a pas été compris (l’anticipation de la douleur).

Les soins de bouche

En soins palliatifs, la bouche peut être altérée par des mycoses, des saignements, des vomissements, une sécheresse liée aux traitements ou encore la diminution de la salive. Il est important de prévenir l’altération de cet organe qui peut compromettre la communication avec les proches, l’alimentation et la respiration. Après une installation confortable du patient, les soins de base sont réalisés au bicarbonate (14 ‰).

En cas de bouche sèche, les brumisateurs ou des sprays (eau) sont utiles ; lors de mycose, des antifongiques (fluconazole) peuvent être prescrits, et de l’acide tranexamique (Exacyl) en cas de bouche hémorragique. Des bâtonnets de formes et de tailles différentes peuvent être utilisés, ceux dits “neutres” peuvent être imprégnés selon les goûts des patients (boisson pétillante par exemple).

Douleur et souffrance

Être attentif à la douleur du patient, à sa souffrance et à celle de ses proches est inhérent à la démarche palliative, comme le rappelle la loi de 1999(1), énonçant que les soins palliatifs « visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance ». La loi de 2002(2) précise que « toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager la douleur. Celle-ci doit être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée ». La loi de 2016(3), qui fait suite à celle de 2005(4), souligne que « le médecin met en place l’ensemble des traitements analgésiques et sédatifs pour répondre à la souffrance réfractaire du malade en phase avancée ou terminale, même s’ils peuvent avoir comme effet d’abréger la vie ». L’esprit de la loi étant de soulager la personne.

En soins palliatifs, il n’existe pas une, mais des douleurs mixtes le plus souvent, auxquelles peut s’associer une souffrance existentielle mais aussi sociale et spirituelle, ce que Cicely Saunders a qualifié de souffrance globale (total pain)(5).

Les différents types de douleurs

Le message douloureux est véhiculé, à partir d’un stimulus, de la périphérie vers la moelle, le thalamus puis le cortex, par des fibres réunies sous forme de nerfs et de faisceaux.

En soins palliatifs, les douleurs physiques peuvent associer des douleurs aiguës et chroniques (évoluant au-delà de trois à six mois) qui sont le plus souvent d’origine mixte avec :

→ des douleurs nociceptives liées à un excès de stimulation des fibres nociceptives (exemple des tumeurs) et qui peuvent être mécaniques ou inflammatoires ;

→ des douleurs neuropathiques liées à un dysfonctionnement du système nerveux au niveau central ou périphérique (dans l’accident vasculaire cérébral, ou les effets secondaires de certaines chimiothérapies…).

Évaluer la douleur

Une intervention clinique basée sur l’écoute, l’observation et l’entretien relève du rôle autonome des infirmières (article 4311-5 du Code de la santé publique) et permet au médecin de réajuster le traitement en place ou de l’instaurer.

L’outil TILT permet de mémoriser les items de la démarche : T (pour Temps, à quel moment survient la douleur ?), I (avec quelle Intensité ?), L (quelle est sa Localisation ?), T (quels Types de douleurs ?).

Le retentissement de la douleur sur la qualité de vie est aussi à prendre en compte.

À domicile, les échelles d’intensité d’autoévaluation les plus fréquentes sont :

→ l’échelle numérique : elle va de 0 (pas de douleur) à 10 (douleur maximale) ;

→ ou encore l’échelle verbale simple : 0 (douleur absente), 1 (faible), 2 (modérée), 3 (intense), 4 (extrêmement intense).

Lorsque les patients sont peu ou non communiquants, des échelles d’hétéroévaluation, basées sur l’observation comportementale, peuvent être utiles. C’est le cas de l’échelle Algoplus, utilisée pour évaluer la douleur aiguë (douleurs induites par exemple) chez la personne âgée présentant des troubles de la communication verbale. Dans le cas des douleurs neuropathiques, les mots utilisés par le malade pour les décrire sont importants : décharges électriques, fourmillements, picotements, élancements, brûlures peuvent évoquer ce type de douleur. Le questionnaire DN4(6) permet d’évaluer la probabilité d’une douleur neuropathique à partir des mots utilisés par le patient. Il comprend quatre questions et dix sous-questions. Les deux premières questions concernent l’interrogatoire du patient et les deux dernières l’examen du patient. Un score égal ou supérieur à 4/10 objective ce type de douleur.

Traitement de la douleur

La classification de l’OMS (1986), utilisée dans la douleur cancéreuse, préconise l’utilisation des antalgiques en fonction de leur puissance d’action, au regard de l’intensité de la douleur selon trois paliers.

Antalgiques de palier 1 (douleurs légères à modérées)

→ Paracétamol : il est connu pour ses effets apyrétiques et antalgiques, e xiste sous différentes formes et sa posologie est de 4 g par jour maximum. En soins palliatifs, il est intéressant de l’associer aux morphiniques dont il potentialise les effets. Par voie orale, l’action est rapide et maximale en moins de deux heures ; la durée d’action est d’environ quatre heures. Effets secondaires : manifestations cutanées.

→ Acide acétylsalicylique (aspirine) : il a différentes actions, anti-inflammatoire, antiagrégant plaquettaire, antipyrétique et antalgique. Effets secondaires : les saignements le contre-indique en cas de problèmes hémorragiques ou d’ulcère intestinal.

→ Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) : diclofénac (Voltarène), piroxicam (Feldène), kétoprofène (Profénid)… ont une action anti-inflammatoire, antalgique et antipyrétique. En soins palliatifs, ils sont utilisés comme co-antalgiques (métastases osseuses). Effets secondaires : nausées, vomissements, diarrhées, hémorragies digestives, ulcères, majoration d’une insuffisance rénale.

Antalgiques de palier 2 (douleurs modérées à intenses)

→ Codéine : elle est active sur la douleur, car 1/10 de cette molécule est transformé en morphine par le foie. L’unique forme de codéine seule est le Dicodin LP (comprimé de 60 mg à prendre toutes les douze heures). Les autres formes sont associées au paracétamol (Codoliprane, Klipal codéine, Efferalgan codéine, Dafalgan codéine…), et leur administration se fait toutes les quatre à six heures, selon le médicament. Elle est contre-indiquée dans les insuffisances hépatocellulaires et respiratoires.

→ Poudre d’opium et paracétamol : cette association se trouve notamment dans deux médicaments, Lamaline et Izalgi, administrés dans les douleurs modérées. Une gélule de Lamaline contient 300 mg de paracétamol, et 2,5 mg de morphine (poudre d’opium titrée à 10 % de morphine) et 30 mg de caféine. Une gélule d’Izalgi contient 500 mg de paracétamol et 25 mg de poudre d’opium.

→ Tramadol : son mode d’action le rend utile dans les douleurs mixtes. Il existe sous forme à libération prolongée (LP) (Contramal LP, Topalgic LP, une prise toutes les douze heures en dehors des repas), ou à libération immédiate (Contramal, Zumalgic, Topalgic, administration toutes les quatre à six heures). On le trouve également sous une forme associée au paracétamol (Ixprim, Zaldiar, un comprimé toutes les quatre à six heures). Les effets indésirables les plus fréquents sont : nausées, vomissements, constipation, sensation de vertiges, somnolence, sécheresse buccale.

Antalgiques de palier 3 (douleurs intenses)

Ils regroupent différents morphiniques, couramment utilisés en soins palliatifs : la morphine, le fentanyl, l’oxycodone et l’hydromorphone. Ces médicaments nécessitent des principes d’utilisation consistant à :

– traiter la douleur de façon continue (observance des traitements) ;

– démarrer le traitement par une titration qui consiste à donner une petite dose régulière de morphine à libération immédiate toutes les quatre heures si nécessaire et en évaluant la dose efficace sur les 24 heures, ce qui limite les effets secondaires et permet l’adaptation progressive du traitement ;

– déterminer la voie d’administration la plus adaptée en commençant par la voie orale lorsque c’est possible ;

– évaluer l’efficacité du traitement et les effets secondaires qui doivent être prévenus ;

– expliquer l’intérêt des traitements au patient et aux proches aidants.

→ Les morphiniques oraux à libération immédiate (ou normale) : leur délai d’action est d’environ une heure et leur durée d’action de quatre heures.

– Morphine : Actiskénan, gélules (5, 10, 20, 30 mg) pouvant être ouvertes ; Sévredol, comprimés sécables (10, 20 mg) ; Oramorph, forme en gouttes intéressante pour les titrations (une goutte = 1,25 mg) ou le soulagement des douleurs induites (soins, mobilisations) chez les personnes fragiles.

– Oxycodone : Oxynorm (gélules ou comprimés orodispersibles 5, 10, 20 mg). Certains auteurs ont décrit une efficacité sur les douleurs neuropathiques.

→ Les morphiniques à libération immédiate en dispositifs transmuqueux : ces formes de citrate de fentanyl (Abstral, Breakyl, Effentora…) sont réservées aux patients adultes ayant déjà un traitement morphinique de fond (au moins 60 mg par jour de morphine orale) pour des douleurs chroniques d’origine cancéreuse. Leur délai d’action est rapide (de dix à trente minutes selon le médicament). Il ne faut donc pas les confondre avec les morphiniques à libération immédiate utilisés en interdose et dont le délai d’action n’est pas adapté aux accès douloureux paroxystiques (non prévisibles, transitoires, d’installation rapide, d’intensité souvent modérée à sévère et dont la durée est d’environ trente minutes pour la moitié des patients).

→ Les morphiniques oraux à libération prolongée :

– morphine : Skénan LP (gélules 10, 20, 30, 60, 100, 200 mg) ; Moscontin comprimés, à ne pas croquer ou couper (10, 30, 60, 100 mg) ;

– oxycodone : Oxycontin LP comprimés (5, 10, 15, 20, 30, 40, 60, 80, 120 mg) ;

– hydromorphone : Sophidone LP, opioïde réservé à la douleur intense en cancérologie en cas d’intolérance ou de résistance à la morphine.

→ Les morphiniques à libération prolongée sous forme de patch :

– fentanyl : sa forme patch (Durogesic, Matrifen et générique) facilement utilisable tend à le rendre anodin, ce qui n’est pas le cas : un patch à 25 µg équivaut à 60 mg de morphine orale. Il est indiqué dans les douleurs chroniques sévères. Il est à renouveler toutes les 72?heures, ne doit pas être coupé (principe d’absorption modifié), doit être mis sur une peau saine et chez un patient exempt de fièvre.

→ Les principaux effets secondaires de la morphine :

– constipation : ils s’agit de l’effet secondaire le plus fréquent, qui doit être anticipé par des mesures hygiéno-diététiques et des laxatifs ;

– nausées et vomissements : surtout en début de traitement ;

– rétention d’urines : y penser devant un patient confus ;

– somnolence : plutôt en début de traitement.

À noter : la kétamine (à délivrance hospitalière, hospitalisation à domicile) est parfois utilisée dans les douleurs rebelles mixtes en association à un traitement opioïde lorsque celui-ci est insuffisant ou mal toléré.

Les traitements des douleurs neuropathiques

Antidépresseurs

Ils sont indiqués dans les douleurs neuropathiques d’origine périphérique et chez les patients douloureux chroniques (action sur la douleur et le syndrome dépressif). Spécialités les plus courantes : Laroxyl (amitriptyline), Anafranil (clomipramine), Deroxat (paroxétine), Séropram (citalopram)… Les formes en gouttes buvables sont privilégiées chez la personne âgée, car elles permettent une titration de deux gouttes en deux gouttes. Effets secondaires : constipation, sécheresse buccale, rétention urinaire.

Anticonvulsivants

ils sont indiqués dans les douleurs neuropathiques, dans leur composante paroxystique à type de décharges électriques. Spécialités : Neurontin (gabapentine), Lyrica (prégabaline), Tégrétol (carbamazépine), Rivotril (clonazépam). En médecine de ville, la prescription et la délivrance de ce médicament sont soumises, depuis 2011, aux mêmes règles que les stupéfiants. Notons que la prégabaline existe en solution buvable pour l’adulte. Effets secondaires : fatigue, troubles de la vue (prégabaline), somnolence (clonazépam), céphalées, nausées, vertiges (gabapentine), troubles nerveux, digestifs, hépatiques, oculaires. Il est important d’expliquer aux patients et leurs proches l’intérêt de ces médicaments dans ce type de douleurs, faute de quoi l’observance peut rester très aléatoire.

À noter : une classification de la douleur (Lussier et Beaulieu) plus récente (2010)(7) que celle de l’OMS prend en compte les mécanismes sous-jacents de la douleur et s’adapte à toutes les douleurs.

Les moyens non pharmacologiques

Ils permettent souvent de réduire l’anxiété, d’améliorer la qualité de vie et de limiter les prises médicamenteuses, réduisant ainsi leurs effets secondaires.

Différentes méthodes psychocorporelles (relaxation, hypnose, sophrologie) peuvent être mises en œuvre par des professionnels formés. Des massages antalgiques doux peuvent être réalisés par le kinésithérapeute et le toucher à visée de bien-être par les infirmières, avec l’accord du patient. Des aides au positionnement (coussins micro-billes), au transfert ou à la mobilisation (fauteuil confort) sont souvent utiles.

DYSPNÉE

Limitant la capacité fonctionnelle, elle est souvent mal vécue par les proches et les professionnels. Sur le plan clinique, il convient de s’attacher à ce qui est ressenti par le malade (qui peut être en décalage avec ce qui est vécu par l’entourage). Ses causes peuvent être nombreuses : progression d’une tumeur (trachée, poumons…), surinfection bronchique (pneumopathie d’inhalation), origine cardiaque (provoquée par des efforts, œdème aigu du poumon), ou encore liée à des atteintes musculaires (sclérose latérale amyotrophique)… Il convient en priorité d’en traiter la cause.

Les éléments à évaluer

Fréquence et rythme respiratoire (bradypnée), coloration des téguments (cyanose), sueurs, encombrements (sécrétions bronchiques), anxiété (signes d’inquiétude, faciès), incidence sur la vie quotidienne (réduction des activités)…

Les traitements symptomatiques

Ils reposent sur :

→ les morphiniques, qui ralentissent le rythme respiratoire et diminuent la fatigue musculaire. Pour les patients déjà sous opioïdes, la dose des 24 heures sera augmentée de 25 à 30 %. Pour les patients naïfs de morphiniques, de petites doses peuvent progressivement être administrées (2,5 mg de morphine per os quatre à six fois par jour) ;

→ les corticoïdes peuvent être efficaces dans les cas de compression par tumeur, pour leur effet anti-inflammatoire ;

→ la scopolamine peut être utile lorsque l’encombrement bronchique est associé à la dyspnée. En cas d’encombrement, la position latérale de trois quarts peut permettre un soulagement ;

→ les anxiolytiques et en particulier les benzodiazépines agissent sur l’anxiété liée à la dyspnée. En dehors de l’urgence, le traitement est à démarrer à faibles doses avec des médicaments à demi-vie intermédiaire (exemple : alprazolam 0,25 mg trois fois par jour) ;

→ l’intérêt de l’oxygène reste très discuté quant à son efficacité ;

→ les moyens non pharmacologiques peuvent permettre un environnement sécurisant : pièce aérée, patient installé en position assise ou demi-assise, pas de précipitation autour de lui, essai de maintien d’une atmosphère calme. Des séances de relaxation peuvent être proposées par des professionnels formés.

RÂLES AGONIQUES

Ils surviennent de quelques jours à quelques heures avant le décès et correspondent à la présence de sécrétions dans l’oropharynx. S’ils ne sont pas douloureux pour le patient, les râles agoniques sont souvent impressionnants pour les proches. Ces sécrétions que le malade ne peut plus expectorer peuvent être diminuées par des antisécrétoires : Scopolamine 0,5 mg, une à six ampoules par jour en intraveineuse ou en sous-cutané, ou Scopoderm (non remboursé), un ou plusieurs patchs toutes les 72 heures, ou Scoburen 20 mg, une à deux ampoules par jour en sous-cutané.

CONFUSION

Une désorientation temporo-spatiale, des troubles de la vigilance et des fonctions cognitives signent souvent la confusion. Ils peuvent conduire à des états d’agitation ou des hallucinations.

→ Les causes peuvent être multiples : métaboliques (déshydratation…), infectieuses, liées à la douleur (exacerbation), à une atteinte du système nerveux central ou encore à une iatrogénie médicamenteuse.

→ Il convient d’évaluer le retentissement de la confusion sur les proches du patient afin de réévaluer le maintien à domicile, qui reste souvent préférable, en expliquant aux proches la conduite à tenir (éviter trop de stimulations, ne pas s’opposer aux discours incohérents…).

→ Pour les soignants, les soins seront effectués en fonction des troubles fluctuants, de l’acceptation de la personne en lui expliquant les gestes prodigués.

→ Les traitements sont fonction de la cause (lever d’un globe urinaire par exemple) et les neuroleptiques (par exemple halopéridol 1 à 4 mg par 24 heures) sont à utiliser avec précaution.

NUTRITION/HYDRATATION

L’alimentation revêt un caractère symbolique (la vie) et culturel (convivialité, partage, histoire singulière…) mais également médical, faisant parfois appel à des nutritions artificielles (entérales ou parentérales) pour “passer un cap” de dénutrition. La nutrition et l’hydratation artificielles constituent des traitements qui peuvent être limités ou arrêtés s’ils relèvent d’une obstination déraisonnable (loi de 2016). Une étape souvent difficile pour les proches mais aussi pour les soignants, qu’il convient d’inscrire dans la temporalité, en prenant en compte leurs avis. Lorsque ce type d’alimentation est instauré, il s’agit donc de réévaluer régulièrement l’objectif poursuivi : améliorer le pronostic, prévenir les complications ou encore maintenir le confort, en s’appuyant sur les souhaits du patient. En fin de vie, ces deux derniers objectifs sont d’actualité.

En fin de vie, lorsque l’alimentation orale est possible, elle est privilégiée sous forme d’alimentation “plaisir”.

Prévenir les complications

→ Faire évaluer les problèmes de déglutition par l’orthophoniste et utiliser de l’eau gélifiée.

→ Prévoir de petites collations (tièdes ou froides) plusieurs fois par jour dans de petites assiettes en adaptant la texture de l’alimentation. Des compléments nutritionnels oraux peuvent être indiqués (potages, jus de fruits…).

→ Éviter les aliments acides : les patients préfèrent souvent de petites quantités sucrées.

Maintenir le confort

Si le malade mange et s’hydrate très peu, il faut penser à lui humidifier régulièrement la bouche dans la journée (brumisateur par petites quantités…) et à faire des soins de bouche réguliers. Si le malade apprécie : lui faire sucer de l’ananas frais car cela évite la mycose par le pouvoir décapant des enzymes.

La sensation de soif diminue avec l’âge et la grande majorité des patients âgés en fin de vie ne la ressentent plus. Par ailleurs, certains auteurs notent que « la déshydratation entraîne une sécrétion d’opioïdes cérébraux ayant une action antalgique »(8). Chaque situation est à prendre en compte dans sa singularité (pathologie et symptôme en cause, choix du patient, bénéfices…) avant toute décision d’hydratation artificielle.

En soins palliatifs, la perfusion sous-cutanée est privilégiée, mais pas toujours nécessaire, avec le plus souvent un apport de 500 cm3/24 heures de chlorure de sodium (NaCl) 0,9 % ou de glucose 5 %. Elle permet également l’administration de médicaments encore utiles.

(1) Loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs.

(2) Loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

(3) Loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.

(4) Loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie.

(5)Living with Dying: A Guide to Palliative Care, 1995.

(6) À lire par exemple sur le site de la Société française de rhumatologie via bit.ly/2goOfSo

(7) Cette classification comprend cinq groupes d’antalgiques. À lire dans Pharmacology of Pain, IASP Press, 2010.

(8) Groupe SFAP/Société française de gériatrie et gérontologie “soins palliatifs et gériatrie”, Fiche “Il va mourir de faim ?”, janvier 2012 (via le lien raccourci bit.ly/2yiAajc).

Cas pratique

M. C., âgé de 78 ans, atteint d’un cancer des poumons, est traité pour ses douleurs par morphinique à libération prolongée avec des entredoses à libération normale ainsi quedu paracétamol. Il évoque auprès de vous des « décharges électriques » et des « brûlures ».

Vous pouvez évaluer ses douleurs avec plusieurs outils. L’intensité pourra être évaluée avec l’échelle numérique ou verbale simple (en fonction de l’adhésion du patient). Le questionnaire DN4 d’évaluation d’une douleur neuropathique est adapté dans cette situation au vu du vocabulaire utilisé par le patient. Un score d’au moins 4/10 objectivant une douleur neuropathique est à transmettre au médecin pour réajustement du traitement.