Rémi Dujardin, infirmier libéral, a suivi son épouse Odile, somatothérapeute, dans son envie d’ouvrir un lieu de bien-être et de ressourcement. À une quarantaine de kilomètres au nord de Nantes, ils ont créé La Parenthèse.
Une grande maison en bois nous accueille à l’orée de l’allée. Devant la porte sont posés potirons, citrouilles et doubeurres. À l’intérieur, nos narines sont titillées par l’odeur de clafoutis aux pommes et de gâteau aux carottes que Rémi vient de concocter pour les pensionnaires du week-end. L’ambiance est douce. Le poêle diffuse sa chaleur dans la pièce de vie où sont organisés les ateliers d’Odile. À gauche de la maison principale, quatre chalets permettent d’héberger une douzaine de personnes venues se ressourcer ou assister à un atelier. Sous nos pieds, les feuilles d’automne et quelques champignons dégagent cette odeur caractéristique des sous-bois et nous conduisent au pied d’un immense chêne, théâtre lui aussi de sessions de formation. Bienvenue à La Parenthèse, un havre de paix fondé par Odile et Rémi à Saint-Omer-de-Blain (Loire-Atlantique).
Adolescent, Rémi se rêve médecin de campagne. Mais n’étant pas une “bête à concours”, il s’écarte assez rapidement de cette voie et décide, après un temps de réflexion et son service militaire, de devenir infirmier. Diplômé en 1981, il officie neuf mois dans un centre de convalescence situé dans le Val-d’Oise. Puis il se lance dans l’aventure du libéral en s’installant avec une amie de promotion à Carentan (Manche) où il reste vingt-cinq ans. En parallèle, il ressent « un besoin d’autre chose » et se forme en 2001 au toucher-massage. « Une autre amie de promo voulait ouvrir un espace de massage à Nantes [Loire-Atlantique]. Nous l’avons créé mais, au bout du compte, nous étions tellement pris par notre métier d’Idel que l’activité vivotait. Nous ne l’avons pas vraiment développée », reconnaît-il. À cette époque, il est infirmier remplaçant à Nantes dans un cabinet dont il devient collaborateur en 2004. En 2006, il souhaite devenir formateur en toucher-massage et se rend à l’institut de Joël Savatofski à Dijon (Côte-d’Or). C’est là qu’il rencontre Odile. Déjà formée à cette technique, et après quelques années de pratique, elle désire devenir formatrice en toucher-conscient, une méthode fondée sur l’écoute globale de la personne, corporelle et relationnelle. Ensemble, ils acquièrent en 2013 ce qui est aujourd’hui La Parenthèse. « Nous voulions développer un lieu de ressourcement où les gens peuvent venir faire une pause lorsqu’ils en ressentent le besoin, par exemple lorsqu’ils sont en burn-out, raconte Rémi de sa voix posée. Ma femme a toujours eu ce projet en tête, ça m’a plu, j’ai suivi ! » Ils réalisent rapidement des travaux et enrichissent progressivement leur réseau. À l’heure actuelle, Odile reçoit, lors de sessions individuelles, des personnes voulant consulter un somatothérapeute - une discipline qui fait appel à différentes techniques corporelles et psychocorporelles dans un but de développement personnel et de connaissance de soi. Elle dispense également une formation de cinq ateliers de trois jours au toucher-conscient. À La Parenthèse, on accueille aussi des formateurs qui louent la structure pour recevoir des personnes intéressées par leurs enseignements. « Tous les thèmes sont en lien avec le développement personnel et le bien-être », précise Rémi. Yoga, massages tao, méditation de pleine conscience, randonnée lyrique ou atelier de présence à soi pour comprendre l’importance d’être dans l’instant présent, sont quelques-uns des ateliers proposés. Lors de notre venue à La Parenthèse, un atelier de permaculture dispensé par Audrey, ingénieure de formation et fondatrice de l’association Le Jardin des Happycuriens, était partagé par une quinzaine de personnes pendant trois jours. « La permaculture est née dans les années 1970 en Australie, explique Audrey. Des citoyens ont pris conscience des problèmes de société comme le changement climatique ou l’injustice sociale et ont souhaité agir. » L’enjeu : la façon dont les hommes répondent à leurs propres besoins. Ils ont cherché des solutions et c’est ainsi qu’est née la permaculture, une méthode qui vise à concevoir des systèmes en s’inspirant de l’écologie naturelle.
Rémi ne pratique plus le toucher-massage et ne dispense plus la formation pour laquelle il s’est formé il y a quelques années. « Cela me stressait trop. Je préfère intervenir dans les formations de mon épouse lorsque cela s’y prête », reconnaît-il. Aujourd’hui, son dada, c’est l’intendance : accueillir les gens et s’occuper de la table d’hôte de La Parenthèse. Équipé de sa veste de cuisinier noire et de son tablier orange, il garde l’œil rivé sur le four. Il surveille la cuisson de la tarte aux pommes tout en découpant les potirons pour le velouté de demain. C’est lui qui prépare, avec Odile, les repas des pensionnaires, en s’inspirant de recettes de chefs. Les réactions chimiques, les associations de saveurs et de couleurs, tout cela passionne Rémi, qui teste, goûte et surtout fait déguster généreusement ses plats à quiconque passe par la cuisine. Le couple privilégie la nourriture biologique, le circuit court (les œufs viennent de leurs poules) et prête une attention particulière aux allergies alimentaires des pensionnaires. Ils aiment aussi servir à l’assiette. « Certes, cela rajoute du travail, mais c’est une satisfaction pour nous », précise-t-il. Il y a encore quelques semaines, Rémi était en arrêt de travail à la suite d’une opération pour une hernie discale. Trois mois sans pouvoir exercer son métier d’infirmier. « Je ne pouvais même pas rester assis », se rappelle-t-il.
« Le fait d’avoir repris récemment mon activité d’Idel m’a fait prendre conscience que j’aimerais l’arrêter pour me consacrer entièrement à La Parenthèse. J’aime mon métier, mais lorsque je vais chez les patients, ce n’est pas la technicité des soins qui me fait vibrer, mais leur regard, nos échanges. Et depuis une quinzaine d’années, j’ai développé un côté plus ouvert au ressenti et à l’émotionnel. » Il est persuadé que ce qu’il a créé avec son épouse est le meilleur moyen d’agir en prévention. « À La Parenthèse, nos chambres d’hôtes sont un moyen de mettre en expérience le soin dans sa globalité. On anticipe les risques en prenant soin de soi. Nous faisons donc tout pour que les personnes que nous accueillons se sentent bien. » Rémi et Odile interviennent sur toutes les facettes d’une personne dans la mesure de leurs compétences : ils l’accueillent, la nourrissent avec de bons produits, lui offrent un lieu où dormir et Odile s’occupe de son psychisme. « Nous essayons de lui donner envie de repartir dans la vie en proposant du soin relationnel et une écoute active. » La Parenthèse, c’est un lieu où tout le monde est bienveillant, attentif et où les gens veillent les uns sur les autres. Depuis le mois de mars, les formations et ateliers s’enchaînent, et l’agenda 2018 est déjà bien rempli. « C’est rassurant, reconnaît Odile. Nous voudrions agrandir la maison pour profiter d’un espace vraiment à nous, avoir une plus grande cuisine et six couchages supplémentaires. » Rémi et Odile projettent aussi d’installer dans un coin du jardin des bains scandinaves et un sauna pour leurs pensionnaires. « Ici, nous rencontrons en permanence des personnes bienveillantes, conclut Rémi. Cela donne de l’énergie positive, une solidarité se met en place. »