L'infirmière Libérale Magazine n° 342 du 01/12/2017

 

Cahier de formation

Savoir faire

FATIGUE : UN SIGNE MAJEUR DU CANCER

De nombreuses études montrent que la fatigue est l’un des symptômes les plus fréquents du cancer et de ses traitements. Ainsi que l’indique l’Institut national du cancer (INca), la majorité des personnes malades interrogées estiment que la fatigue affecte leur vie quotidienne autant, voire plus, que la douleur(1). Pourtant, faute de marche à suivre standardisée, ce symptôme est souvent négligé et insuffisamment pris en compte. « On l’observe régulièrement dans le cadre de nos prises en charge, qu’il s’agisse du cancer en particulier ou d’autres pathologies chroniques », commentent les Idels normandes que nous avons interrogées pour ce cahier. Il appartient donc aux soignants de s’approprier les outils disponibles pour aider les patients et les aidants à reconnaître et à décrire les symptômes de la fatigue. Au-delà des outils d’évaluation déjà évoqués (EVA, échelle de Pichot), l’INca a mis en place un questionnaire fatigue (sur son site www.e-cancer.fr via le lien : bit.ly/2zXSa4f) que le patient remplit chaque jour. Il est invité à noter ses symptômes (essouflement, fatigue, réveil la nuit, troubles digestifs et de l’appétit, douleurs, anxiété…) et leur fréquence, à différents moments de la journée. Ce questionnaire permet aux soignants d’objectiver très rapidement l’impact des symptômes décrits sur la qualité de vie des patients en fonction de leur multiplicité et de leur intensité.

INFORMER POUR MIEUX CONTRÔLER LA FATIGUE

Le fait de s’intéresser à la fatigue et à ses retentissements, d’être à l’écoute de la plainte et d’en parler avec les patients et leur entourage présente d’autres vertus chez les patients atteints de cancer. Des recherches ont en effet montré que l’écoute et le counseling (pratique centrée autour de la mobilisation des ressources et des capacités de la personne à faire face à ses problèmes, grâce à l’établissement d’une relation de type thérapeutique)(2) aident à réduire l’anxiété, la détresse émotionnelle et à augmenter le sentiment de contrôle sur la maladie, ce qui aurait un effet bénéfique sur la fatigue(3). Elles montrent que le caractère perturbant de la fatigue pourrait être limité si ce symptôme était anticipé plutôt que découvert a posteriori et si une préparation mentale et physique était proposée, reposant sur l’enseignement de stratégies d’autosoins (relaxation, prise en charge nutritionnelle, activité physique adaptée, gestion des priorités…) destinées à préserver, utiliser efficacement et restaurer l’énergie des patients (sur ce sujet, relire aussi notre cahier de formation sur la prise en charge globale du cancer dans notre numéro 320 de décembre 2015).

PROMOUVOIRLES STRATÉGIES D’AUTOSOINS

Ces stratégies reposent sur ce que la personne peut entreprendre d’elle-même en complément des traitements, soins professionnels et soins de support requis par son état de santé. Les Idels occupent une position privilégiée pour conseiller et expliquer l’intérêt de ces stratégies adaptatives. Celles-ci concernent la mise en œuvre des bonnes pratiques de gestion de la fatigue adaptées au contexte pathologique. Les Idels peuvent par exemple suggérer aux patients de : Ulister les actions qui les fatiguent particulièrement, planifier leurs activités en déléguant les tâches qui peuvent l’être et en segmentant, à l’aide de pauses, celles qui sont incontournables ;

→ maintenir une activité physique adaptée active ou passive pour stimuler la circulation sanguine, le transport de l’oxygène et préserver le potentiel musculaire (diminuant ainsi la fatigue)(4) ;

→ noter les progrès réalisés (c’est motivant) et adapter le programme en fonction du niveau de fatigue ;

→ veiller, au-delà des apports caloriques, à augmenter les apports liquidiens pour faciliter l’élimination des déchets (métabolites toxiques ou consécutifs à la destruction cellulaire chimio-induite) pourvoyeurs de fatigue(3) ;

→ établir un rituel de sommeil, éviter les substances stimulantes avant le coucher et les siestes trop longues, surtout en fin d’après-midi ou en début de soirée. Dans ce contexte, trop de repos ou de sommeil peut aggraver la fatigue et le déconditionnement et amener une perte de capacité fonctionnelle(3). La relaxation peut avantageusement se substituer à la sieste comme moyen de détente et de reconditionnement ;

→ maintenir des activités divertissantes et distrayantes car elles restaurent l’énergie des dimensions physique, cognitive et affective de la fatigue (Piper, 1993). Des études ont également mis en évidence que les groupes de soutien en phase de traitement de cancer aident, même après six mois, à diminuer significativement la fatigue ressentie par les participants(3).

(1) Sur le site de l’INca (lien : bit.ly/2hr9O5i).

(2) Denise Vincent& Nazir Hamad, “Le counseling, entretien avec Catherine Tourette-Turgis”, Journal français de psychiatrie, 2001/1 (n° 12).

(3) Hélène Patenaude, Céline Gélinas, Sylvie Vandal, Lise Fillion, “Élaborationd’un cadre conceptuel pour expliquerla fatigue secondaire à une difficulté de santé et implicationspour la pratique infirmière”, Recherche en soins infirmiers, 2002 ; 70 : 66-81 (lien : bit.ly/2jqpYQG).

(4) Maurice Ferreri, Flavie Baudrier, Réponses à vos questions sur la fatigue, Éditions Solar, 2005.